Normes CO2 : Berlin fait du chantage à l'investissement pour défendre ses constructeurs auto

Par Alain-Gabriel Verdevoye (avec Reuters)  |   |  679  mots
Mercedes CLA Copyright Mercedes
Berlin menace les pays qui s'opposeraient à un assouplissement des futures normes draconiennes sur les émissions de C02 des voitures, selon des sources diplomatiques. L'Allemagne défend les BMW, Mercedes, Audi, dont les véhicules de haut de gamme se portent à merveille. Paris et Rome jouent les "vertueux", car Renault, PSA et Fiat sont spécialistes des mini-véhicules plus sobres et moins émetteurs de gaz à effets de serre.

Berlin menace. Vent debout pour défendre son industrie automobile florissante, l'Allemagne est prête à brandir la menace d'une réduction, voire d'une suspension, des programmes d'investissements des constructeurs germaniques dans les pays de l'Union européenne qui s'opposeraient à un assouplissement des normes sur les émissions de C02, affirme-t-on de sources diplomatiques, selon l'agence Reuters. 

L'Allemagne exerce un "lobbying" intense pour que ses constructeurs de véhicuoles haut de gamme puissent continuer à vendre, après 2020, leurs grosses cylindrées, plus puissantes, plus grosses, donc plus consommantes et rejetant par conséquent davantage de C02 que les citadines dont Renault ou PSA sont les spécialistes. Berlin propose que les constructeurs allemands utilisent des " super-crédits ", qui permettraient aux constructeurs de compenser les niveaux d'émissions des véhicules à forte consommation par celles, plus faibles, des voitures hybrides ou électriques, même si celles-ci sont vendues à de très faibles volumes.

Petites voitures à faibles marges contre haut de gamme

Cantonnés essentiellement aux petits véhicules, PSA Peugeot Citroën et Renault bataillent contre ces demandes d'assouplissement. De tels "super-crédits" permettraitent de facto aux constructeurs allemands de ne pas tenir tout à fait compte de la limitation à 95 grammes de C02 au kilomètre en moyenne,  imposée par Bruxelles pour 2020 (contre 135,7 grammes en 2011). La France et l'Italie,  notamment, refusent d'ailleurs de telles facilités pour l'industrie auto d'outre-Rhin, en jouant le beau rôle de "vertueux".

Evidemment, Paris et Rome soutiennent leurs propres constructeurs qui, à leur corps défendant, vendent très peu de gros véhicules à fortes marges, ayant en effet raté leur montée en gamme. Si les constructeurs allemands jugent les futures normes européennes comme une réelle entrave à leur essor, Renault, PSA et Fiat y voient en partie une aubaine qui compliquera le travail de leurs rivaux germaniques trop triomphants à leurs yeux... Le projet de Bruxelles, dont le principe est acté, doit encore faire l'objet de discussions entres les ministres européens de l'Environnement et être examiné en séance plénière prochaienment par le Parlement européen.

Prête à tout pour défendre ses intérêts

L'Allemagne exerce une forte pression sur les pays qui s'opposent à ses projets, en particulier ceux qui ont bénéficié d'un plan de sauvetage largement financé par Berlin, comme le Portugal, assurent les sources diplomatiques citées par Reuters. "Ils (les Allemands) ont essayé tout ce qui était possible à haut niveau pour convaincre les Etats membres (...) de soutenir leurs projets", confie un diplomate européen sous le sceau de l'anonymat. "L'Allemagne semble prête à tout pour défendre ses intérêts. Même les pays généralement germanophiles trouvent qu'ils vont trop loin", assure-t-il, précisant que certaines menaces ont été formulées par l'entourage d'Angela Merkel.

Pertes de PSA et Fiat (sans Chrysler)

La Fédération allemande de l'automobile VDA a vigoureusement incité Angela Merkel à défendre auprès de  Bruxelles l'industrie germanique, contre vents et marées.  Matthias Wissmann, président de cette très puissante association, avait en effet écrit une lettre à la chancelière pour lui demander son aide dans le débat européen sur la réduction des émissions de CO2, selon le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). 

"Nous ne pouvons pas laisser notre puissant et performant segment du haut de gamme, qui représente presque 60% des emplois au sein des constructeurs automobiles en Allemagne, être littéralement détruit par des limitations arbitraires", déclarait-t-il sans ambages dans une lettre consultée par le journal et datée du 8 mai dernier. L'industrie auto allemande, florissante et fortement exportatrice grâce à sa spécialisation dans le haut de gamme très prisé en Europe et en-dehors , ne veut pas pas voir sa bonne santé détériorée par des normes européennes plus sévères que celles que concoctent les américains ou les chinois.

Quand on voit les fortes pertes de Fiat (sans Chrysler) ou de PSA ainsi que les faibles bénéfices de Renault, on peut effectivement comprendre que Berlin s'inquiète...