Fiat Chrysler veut percer dans le haut de gamme... Pas gagné

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  681  mots
La Ferrari FF, une des plus belles berlinettes du monde
Sergio Marchionne souhaite intégrer davantage Ferrari au sein du nouveau groupe italo-américain Fiat Chrysler Automobiles. Mais la constitution d'un pôle haut de gamme reste hypothétique.

Que veut donc faire Sergio Marchionne de Ferrari? Le 13 octobre prochain, l'omniprésent patron de Fiat Chrysler Automobiles (FCA) prendra aussi la présidence de la marque de Maranello, succédant au flamboyant Luca Cordero di Montezemolo. Ce dernier voulait  maintenir farouchement  l'indépendance de la firme au cheval cabré, alors que Sergio Marchionne souhaite l'intégrer davantage au sein du nouveau groupe italo-américain.

Longs délais d'attente

Le président partant de Ferrari, qui l'a dirigée durant 23 ans, avait pour stratégie de limiter les ventes annuelles à 7.000 véhicules pour en préserver l'exclusivité. Son successeur compte en revanche les augmenter, afin diminuer les délais d'attente. En mai dernier, il avait évoqué un potentiel autour de 10.000 par an. Ferrari est une filiale à 90% de Fiat.

"Les gens ne doivent pas sous-estimer l'importance de Ferrari pour le groupe", a déclaré Sergio Marchionne, patron de Fiat depuis 2004, et de FCA depuis la fusion entre l'italien et le groupe de Detroit en janvier dernier. Il souhaite se servir de Ferarri pour stimuler un hypothétique pôle haut de gamme du groupe. Ce que Luca Cordero di Montezemolo - qui devrait toucher 27 millions d'euros pour prix de son départ - voulait éviter.

Ferrari est une pépite. Malgré cette limitation volontaire des ventes, Ferrari a accru son chiffre d'affaires de 14,5% au premier semestre à 1,35 milliard d'euros, ce qui lui a permis d'accroitre son résultat net de près de 10% à 127,6 millions d'euros. Le flux de trésorerie net s'élevait à 236 millions d'euros fin juin.

Fondée par Enzo Ferrari en 1947, la marque est considérée par les Italiens comme '"la plus fameuse de l'histoire de l'automobile". Constructeur de voitures à très hautes performances avec les 458, F12, FF, LaFerrari,  Ferrari propose une gamme entre 187.000  et 1.200.000 euros, de 560 à 960 chevaux.

Un pôle haut de gamme hypothétique

Si Ferrari est une réussite incontestée, le reste du prétendu haut de gamme de FCA est... en chantier. Sergio Marchionne a déjà tenté la relance de la marque Maserati qui somnolait, en injectant 1,5 milliard d'euros d'investissements entre 2010 et 2014. La marque de Modène, dont les voitures sont proposées entre 68.700 et 153.700 euros (en France), vise 50.000 ventes en 2015 et  75.000 en 2018, contre 15.400 en 2013 et 35.000 environ prévus cette année. Plusieurs modèles ont été lancés dernièrement, comme la berline de haut de gamme Ghibli et la limousine Quattroporte, en attendant le "SUV" Levante fin 2015 ou début 2016. Mais le pari n'est pas gagné pour autant. Surtout en matière de rentabilité.

Par ailleurs, après des années d'atermoiements, Sergio Marchionne a fixé des objectifs ambitieux - délirants selon certains experts - pour Alfa Romeo, le label de voitures sportives abordables. Il vise désormais officiellement 400.000 Alfa Romeo par an à partir de 2018... Soit une multiplication par six des scores actuels ! Rude gageure, alors que cette marque en déshérence avec deux modèles de série seulement au catalogue a écoulé 74.000 véhicules à peine l'an dernier, dégringolant à ses scores de la fin des années 60. Un précédent plan pour faire 300.000 Alfa Romeo par an avait piteusement échoué dans les années 2000.

La création d'un pôle haut de gamme est un pari extrêmement compliqué pour FCA, alors que l'autre marque "premium", la plus que centenaire Lancia, est aujourd'hui moribonde, faute de produits nouveaux et attractifs. Sergio Marchionne avait cru la sauver en lui faisant vendre des Chrysler américaines hâtivement rebaptisées. Ce qui s'est soldé par un fiasco total, les clients européens n'ayant pas suivi.

La réussite du haut de gamme allemand et, plus récemment, de Jaguar Land Rover (groupe indien Tata) fait rêver les concurrents, par ses perspectives de marges élevées. Mais peu de tentatives ont vraiment réussi. Ford avait ainsi dépensé des sommes folles pour créer un pôle haut de gamme à la fin des années 90 (PAG), qu'il a finalement démantelé faute de résultats en revendant successivement ses marques "premium" Jaguar, Land Rover, Aston Martin, Volvo.