Ghosn encourt 15 ans de prison, déclare le parquet de Tokyo, après deux nouvelles inculpations

Par latribune.fr  |   |  814  mots
(Crédits : REGIS DUVIGNAU)
Au Japon, l'étau judiciaire se resserre encore sur le Pdg de Renault, le tribunal de Tokyo l'inculpant ce vendredi pour deux nouveaux motifs : le premier est l'abus de confiance aggravé, le deuxième est la minoration de revenus sur la période 2015-2018. Hier soir, en France, au siège de Renault, les administrateurs dont la CGT ont reçu les résultats de l'enquête interne sur les rémunérations du Pdg du groupe, et aucune fraude n'a été constatée sur la période 2017-2018. Mais Nissan vient d'annoncer le dépôt d'une plainte au pénal contre son ex-Pdg.

Le bâtisseur de l'alliance Renault-Nissan, déchu de ses titres de président de Nissan et de Mitsubishi mais toujours Pdg de Renault, Carlos Ghosn, détenu depuis le 19 novembre au Japon pour des soupçons de malversations financières à la tête de Nissan, a été inculpé vendredi de deux chefs d'accusation supplémentaires, a annoncé vendredi le parquet de Tokyo. Lequel tribunal a également déclaré que Carlos Ghosn encourt une peine maximale de 15 ans de prison. Mais les mauvaises nouvelles ne cessent de s'accumuler : on apprenait ce matin également que Nissan avait déposé une plainte au pénal auprès du tribunal de Tokyo contre son ex-Pdg.

S'agissant des deux nouvelles accusations de ce matin, l'ex-Pdg de Nissan a été inculpé d'abus de confiance aggravé, pour avoir provisoirement fait passer en 2008 dans les comptes du constructeur japonais des pertes sur des investissements personnels, et de minoration de revenus sur la période 2015-2018.

1) L'abus de confiance aggravé

Selon le parquet, l'abus de confiance est caractérisé par sa tentative de faire couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d'octobre 2008. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens (15 millions d'euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu'un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, se porte garant et lui aurait ultérieurement versé de l'argent issu de la "réserve du PDG". C'était pour services réellement rendus envers Nissan, argue M. Ghosn.

2) La minoration de revenus

Le parquet a décidé de poursuivre l'ex-Pdg de Nissan pour abus de confiance et pour avoir minoré ses revenus dans des rapports boursiers de Nissan entre 2015 et 2018, a annoncé le tribunal de Tokyo. Son bras droit Greg Kelly, relâché sous caution le 25 décembre, a aussi été inculpé pour le deuxième motif, tout comme le constructeur d'automobiles nippon, en tant qu'entité morale ayant remis les documents incriminés.

Pour mémoire, le 10 décembre dernier, le parquet l'avait mis en examen, l'accusant d'avoir communiqué aux autorités boursières un rapport minorant l'intégralité de ses revenus au Japon sur les années allant de 2010 à 2015. Les deux autres protagonistes avaient également été mis en examen pour avoir déclaré des rétributions amoindries sur ces cinq années précédentes.

Carlos Ghosn a fait mardi sa première comparution devant la justice: amaigri et menotté, il s'est dit "faussement accusé" et a nié les allégations.

3) Selon l'enquête de Renault, pas de fraude en 2017-2018

Mais en France, hier soir (jeudi 10 janvier), l'état-major de la marque au losange s'est réuni pour faire le point sur l'audit interne lancé fin novembre par l'entreprise. Aucune fraude n'a été constatée sur la rémunération des principaux dirigeants en 2017-2018, selon l'entreprise.

Lire aussi : Ce jeudi soir, Renault réunit son conseil d'administration mais l'avenir de Ghosn ne sera pas tranché

L'enquête interne de Renault sur la rémunération des membres du comité exécutif n'a pas permis de découvrir de fraude sur les deux années passées et le travail va se poursuivre sur les exercices précédents, a déclaré jeudi soir le constructeur automobile à l'issue d'une réunion de ses administrateurs.

"La mission a examiné les éléments de rémunération des membres actuels du Comité exécutif du groupe Renault pour les exercices 2017 et 2018 et a conclu à leur conformité et à l'absence de fraude", a dit le constructeur français.

La mission se poursuivra sur les exercices antérieurs, avec un compte-rendu prévu lors du prochain conseil d'administration, ajoute le groupe dans son communiqué.

Ghosn pourrait rester encore six mois en prison (jusqu'à son procès)

Son avocat Motonari Otsuru a annoncé avoir déposé une demande de libération sous caution de son client.

Arrêté le 19 novembre au Japon, Carlos Ghosn, qui est toujours Pdg de Renault et de l'alliance Renault-Nissan, a déjà été inculpé une première fois, le 10 décembre, pour n'avoir déclaré que la moitié de sa rémunération de 2010 à 2015.

Carlos Ghosn rejette ces accusations. Il a clamé son innocence et déclaré avoir été injustement placé en détention lors d'une audience mardi devant le tribunal du district de Tokyo, sa première apparition publique depuis son arrestation.

Il est rare au Japon d'être libéré sous caution avant son procès, notamment lorsque l'accusé rejette les accusations portées à son encontre. Motonari Otsuru a jugé probable mardi que son client soit maintenu en détention jusqu'au début de son éventuel procès, qui pourrait se tenir dans environ six mois.

Pour autant, si la demande des avocats de Carlos Ghosn était acceptée, ce dernier ne serait probablement pas libéré avant mardi, lundi étant férié au Japon.

(Avec Reuters et AFP)