La motorisation à hydrogène débarque-t-elle enfin en France ?

Par Nabil Bourassi  |   |  962  mots
Il faut moins de 5 minutes pour faire un plein d'hydrogène contre plus de 30 minutes sur une borne de recharge rapide pour voiture électrique.
L'offre est encore embryonnaire avec seulement l'ix35 Fuel Cell de Hyundai, et en attendant le Miraï de Toyota, mais la voiture à hydrogène semble promise à un bel avenir. Avec une autonomie deux à trois fois meilleure que celle d'une voiture électrique et un temps de "recharge" record, la voiture à hydrogène commence à intéresser non seulement les collectivités locales françaises mais aussi les entreprises.

En marge de la COP21, Air Liquide a voulu marquer un grand coup: l'inauguration d'une station d'hydrogène en plein Paris. C'est la première du genre et, pour l'occasion, le 7 décembre, Anne Hidalgo, maire de Paris, Jeanne d'Hauteserre, maire du 8e arrondissement, et Christophe Najdovski, chargé des transports pour la ville de Paris, ont fait le déplacement pour saluer cette initiative.

A l'adresse de Bertrand Potier, Pdg d'Air Liquide, également présent, Anne Hidalgo a lancé:

"C'est grâce à vous que nous sommes aujourd'hui capable de proposer des technologies alternatives aux énergies fossiles, en particulier le diesel."

Il faut dire qu'Air Liquide doit se sentir bien seul dans l'Hexagone à défendre les motorisations à hydrogène même si le groupe investit beaucoup à l'étranger.

400 stations hydrogène d'ici à 2023

La société a déjà inauguré des dizaines de stations hydrogène à l'étranger où cette technologie est mieux reçue, notamment au Japon, au Danemark, en Allemagne mais également dans l'Etat américain de Californie, très sensible aux motorisations vertes.

Déjà 75 stations sont en fonction dans le monde, et le groupe vise les 400 d'ici à 2023. Pour Air Liquide, c'est un nouveau métier, mais également une nouvelle clientèle puisque l'entreprise veut, à terme, s'adresser à des particuliers. Une révolution pour une entreprise planétaire mais qui s'occupait essentiellement de B to B que ce soit pour la propulsion spatiale, l'industrie chimique ou le milieu médical.

Un marché à 15 milliards de dollars

Il faut dire qu'Air Liquide détient un véritable avantage dans le domaine de l'hydrogène. La société qui emploie plus de 50.000 personnes et forte d'un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards d'euros, "maîtrise l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en hydrogène, de la production au stockage, de la distribution au développement d'applications pour les utilisateurs finaux". Autrement dit, Air Liquide veut pousser son avantage industriel dans la matière première en se positionnant sur une technologie nouvelle prometteuse.

"Si 1% du marché automobile mondial est constitué de motorisations à hydrogène, cela correspondrait à un chiffre d'affaires de 15 milliards de dollars", explique un porte-parole d'Air Liquide.

Le problème, c'est que la France est un des pays les moins bien équipés en infrastructures de recharge en hydrogène.

Des taxis parisiens pour montrer les mérites de la technologie

Air Liquide prend donc les devants en investissant pas seulement sur l'infrastructure mais également dans la Société du taxi électrique parisien (Step), qui, comme son nom l'indique, est une société de taxis parisiens spécialisée dans les véhicules électriques et qui mise désormais sur l'hydrogène.

Cette société vise à constituer une flotte de 70 voitures fin 2016, et de plusieurs centaines de voitures à pile à combustible d'ici à cinq ans.

De l'eau potable dans le pot d'échappement

Peu connue, la motorisation à hydrogène semble répondre à tous les problèmes techniques et environnementaux. Elle émet zéro émission polluante (et zéro pollution sonore). Du pot d'échappement, il n'y a guère que de la vapeur d'eau qui se dégage, sinon de l'eau, potable qui plus est...

Jusque-là rien de plus que ce que les motorisations électriques offrent déjà, sauf que l'hydrogène propose jusqu'à... 550 km d'autonomie, là où l'électrique atteint péniblement 150 km (400 km pour les modèles très haut de gamme).

Le prix de l'ix35 a baissé de 56% en deux ans

De plus, le plein est fait en à peine 5 minutes, là, où il faut au mieux 30 minutes (borne de recharge rapide) et au pire 8 heures pour une voiture électrique. En termes de prix toutefois, nous sommes encore sur des prix très élevés.

L'ix35 Fuel Cell de Hyundai, premier hybride commercialisé dans le monde (avant le Miraï de Toyota) affiche 66.000 euros. La bonne nouvelle, c'est qu'elle coûtait 150.000 euros il y a deux ans.

L'industrialisation à grande échelle devrait permettre de faire baisser les prix. Mais avec 250 immatriculations en Europe, le Sud-coréen doit prendre son mal en patience. Il promet toutefois un modèle entièrement pensé pour l'hybride dans les prochaines années.

L'impasse des constructeurs français, une erreur ?

Mais alors que les marques asiatiques misent sur cette technologie prometteuse, qu'en est-il des constructeurs français ? Et bien... Ils sont tous simplement absents. Côté Renault, Carlos Ghosn n'a jamais cru à cette technologie. Trop compliqué, trop cher...

Le groupe français assume le choix du tout électrique :

"Dans un an et demi, nous aurons doublé l'autonomie de nos voitures électriques", nous affirme un porte-parole du constructeur.

Chez PSA, la question des motorisations est un épineux problème. Après s'être hasardé dans l'hybride-diesel, puis avoir renoncé à l'hybride-air, PSA a vu sa capacité d'investissement totalement asphyxiée. Si le groupe aux trois marques travaillent sur de nouvelles motorisations hybrides, essence cette fois, il n'a pas les moyens de se lancer dans une technologie de rupture comme l'hydrogène.

Les groupes étrangers très investis

Pourtant, les plus grands constructeurs du monde entier semblent croire à cette technologie. Hyundai a déjà une longueur d'avance et Toyota a lancé un ambitieux Miraï.

Mais d'autres sont en embuscade, comme Honda qui travaille depuis longtemps sur cette technologie. Le groupe japonais a récemment dévoilé le Clarity. Cette grosse berline affiche 177 chevaux et revendique 700 km d'autonomie... Et en Europe ? Certes, Mercedes a lancé une Classe B Fuel Cell mais le modèle n'est disponible qu'aux Etats-Unis.

Mais il semblerait que, encore une fois, les constructeurs asiatiques aient une longueur d'avance sur leurs homologues occidentaux. Heureusement, il y a Air Liquide...