Le principal avocat de Carlos Ghosn jette l'éponge

Par AFP  |   |  859  mots
Le 13 février le principal avocat de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, un ancien procureur, annonce se retirer du dossier. Son confrère Masato Oshikubo fait de même. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)
Le principal avocat de Carlos Ghosn, arrêté le 19 novembre et détenu depuis dans une prison de Tokyo pour des malversations financières présumées, a annoncé mercredi se retirer du dossier.

Motonari Otsuru, un ancien procureur qui assurait la défense du bâtisseur de l'alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, "a soumis une lettre de démission au tribunal", ainsi que son confrère Masato Oshikubo, selon un communiqué du cabinet d'avocats. Aucune raison n'a été fournie pour expliquer cette décision, qui intervient alors qu'une première réunion était prévue jeudi entre avocats, juges et procureurs pour préparer le procès.

Monsieur Otsuru, 63 ans, avait la délicate mission de défendre l'ancien capitaine d'industrie naguère vénéré pour avoir sauvé le constructeur japonais Nissan de la faillite, et aujourd'hui vilipendé.

Ancien chef de l'unité d'élite actuellement chargée de l'enquête, il n'a fait qu'une seule conférence de presse début janvier, déployant un flegme qui contraste avec la verve des ténors du barreau qu'on peut voir ailleurs. Il s'était alors montré pessimiste sur les perspectives de libération sous caution de Carlos Ghosn avant l'ouverture de son procès, dans plusieurs mois.

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LES GRANDES ETAPES DE L'AFFAIRE

  • Arrestation

Le 19 novembre 2018, Carlos Ghosn est arrêté alors qu'il vient d'atterrir à Tokyo. Son bras droit Greg Kelly est lui aussi interpellé. Tous deux sont placés en garde à vue dans une prison du nord de Tokyo. Des perquisitions ont lieu au siège de Nissan à Yokohama, dans la banlieue de Tokyo, et dans le luxueux appartement tokyoïte de M. Ghosn.

Le dirigeant est soupçonné d'avoir omis de déclarer une grande partie de ses revenus aux autorités boursières pendant cinq ans, entre 2010 et 2015.

Dans la soirée, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, affirme que Ghosn est soupçonné "de nombreuses autres malversations".

"C'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne", déclare-t-il.

  • Révoqué chez Nissan et Mitsubishi

Le lendemain, le conseil d'administration (CA) de Renault confie "à titre provisoire" la direction exécutive du groupe à son numéro deux Thierry Bolloré. Carlos Ghosn demeure PDG mais est révoqué de la présidence du CA de Nissan deux jours plus tard. Les gouvernements français et japonais réaffirment leur soutien à l'alliance.

Le 26, le CA de Mitsubishi Motors limoge à son tour Ghosn.

  • Première inculpation

Le 10 décembre, Messieurs Ghosn et Kelly sont inculpés pour dissimulation de revenus entre 2010 et 2015. Leur garde à vue est prolongée, pour le même motif mais concernant la période 2015-2018.

Le 13, le CA de Renault confirme Carlos Ghosn à son poste de PDG, jugeant sa rémunération française conforme à la loi.

Le 17, le CA de Nissan échoue à désigner un remplaçant à Carlos Ghosn.

  • Nouveau mandat d'arrêt

Le 21, Ghosn est mis en garde à vue sur de nouvelles charges, d'abus de confiance : il est accusé d'avoir tenté de faire couvrir par Nissan des pertes sur des investissements personnels au moment de la crise économique de 2008, ce qu'il dément. Il est aussi soupçonné d'avoir effectué des virements d'un compte de la compagnie au bénéfice d'un ami saoudien.

Greg Kelly est libéré sous caution le 25 décembre.

  • Comparution au tribunal

Le 8 janvier 2019, Carlos Ghosn comparaît pour la première fois devant le tribunal de Tokyo. Amaigri et menotté, il affirme avoir été "faussement accusé et détenu de manière injuste". Le juge justifie sa garde à vue prolongée par un risque de fuite et d'altération des preuves.

Le 10, un CA extraordinaire de Renault le maintient à sa tête.

  • Nouvelles inculpations, libération rejetée

Le lendemain, Ghosn est mis en examen pour abus de confiance et pour avoir minoré ses revenus dans des rapports boursiers de Nissan entre 2015 et 2018. Débute une nouvelle période de détention provisoire.

Le 16, prenant acte des décisions de la justice japonaise, l'État français demande la désignation d'un successeur à Carlos Ghosn.

  • Départ de Renault

Le 22, une requête de libération sous caution de Ghosn est rejetée. Le lendemain, celui-ci démissionne officiellement de la présidence de Renault.

Le CA du constructeur français intronise un tandem pour le remplacer: le patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, prend la présidence du groupe, et Thierry Bolloré la direction générale.

  • L'interview depuis sa prison

Le 31 janvier, Carlos Ghosn, interrogé dans un parloir de sa prison par l'AFP et Les Echos, répond pour la première fois depuis son arrestation à des journalistes de médias non-japonais. "On m'a refusé la libération sous caution, ce ne serait normal dans aucune autre démocratie du monde", dit-il. Il avait donné la veille sa première interview en captivité, au quotidien économique japonais Nikkei.

  • "Bénéfice personnel" à Versailles

Le 7 février, Renault annonce signaler à la justice française que son ancien patron a reçu pour son "bénéfice personnel" un avantage en nature d'une valeur de 50.000 euros dans le cadre d'une convention de mécénat signée avec le Château de Versailles en 2016.

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  • Démission de son principal avocat