Les constructeurs automobiles face aux surcapacités chinoises

Par Nabil Bourassi  |   |  580  mots
Le marché automobile chinois a fortement ralenti depuis le début de l'année, accusant même un repli en juin et juillet.
D'ici 2020, les capacités de production automobile chinoises doivent atteindre les 46 millions d'unités, soit deux fois que le marché actuel. Si la question des surcapacités est un vieux serpent de mer, elle prend une toute autre ampleur avec le coup de frein du marché automobile. Il existe néanmoins des gisements de croissance mais qui pourraient essentiellement profiter aux marques chinoises...

Le patron de Suzuki a-t-il ouvert la boite de Pandore ? Toshihiro Suzuki réfléchit à réduire ses capacités de production en Chine. Il faut dire que le groupe japonais n'a vendu que 250.000 voitures dans l'ex-Empire du Milieu en 2014, alors que ses usines peuvent produire jusqu'à 500.000 unités.

Un serpent de mer

La question des surcapacités en Chine est un sujet lancinant depuis plusieurs années, mais elle tient une résonance particulière cette année, alors que le marché automobile chinois connaît un fort ralentissement. Depuis le début de l'année, les immatriculations stagnent. Pis : elles ont baissé ces deux derniers mois dont une importante baisse de 7% le mois dernier.

La situation macroéconomique du pays n'encourage pas à l'optimisme. De nombreux économistes s'accordent à dire que la croissance du PIB n'atteindra pas les 7% espérés, et les indicateurs macro comme la production industrielle font clairement état d'un profond coup de frein de cette économie.

2 à 3 millions de voitures en trop

"En 2014, les prévisions tournaient autour d'une progression de 7 à 8% du marché automobile chinois en 2015. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans ces proportions, même si nous continuons à tabler sur une hausse, qui sera plutôt de l'ordre de 3%", explique Yann Lacroix, spécialiste automobile chez EulerHermes. "Si on atteint ce niveau, le marché pourrait ainsi se retrouver cette année avec un million de voitures en moins que les prévisions initiales, voire 2 à 3 millions sur deux ans", poursuit-il.

Pour les constructeurs, il est plus difficile de justifier les surcapacités de production avec un marché aussi déprimé. Il y a deux ans, le marché affichait une croissance à deux chiffres (+14%), mais surtout les perspectives étaient exponentielles puisque la Chine affiche un taux d'équipements extrêmement bas (entre 5 et 7% des ménages selon les estimations, quand ce ratio atteint les 80% en Occident).

Il existe une clientèle nouvelle en Chine

D'ailleurs, pour Yann Lacroix, à moyen terme, le marché chinois devrait continuer à croitre. Il juge néanmoins que les constructeurs doivent chercher "les nouveaux clients là où ils sont". "Il existe une clientèle chinoise mais qui a un pouvoir d'achat moins élevé", note l'analyste. "Les marques low-cost pourraient être les gagnantes,  et ce segment est notamment occupé par les marques chinoises", ajoute-t-il.

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Les chiffres le prouvent puisque les marques chinoises ont commencé à gagner des parts de marché, alors qu'elles étaient boudées jusque-là par les consommateurs chinois. Les constructeurs occidentaux n'ont pas d'autres choix que de proposer des prix en baisse. Des marques comme General Motors ont déjà commencé à proposer des baisses de prix allant de 1.600 à 9.000 dollars par modèle. "Les constructeurs automobiles vont subir une pression sur les prix qui se traduira par une baisse de leurs marges, mais celles-ci étaient particulièrement élevées en Chine", relativise Yann Lacroix.

De nouvelles usines prêtes à sortir de terre

Et il vaut mieux que le marché reparte car les entreprises ont continué à investir jusqu'à très récemment et des usines doivent encore sortir de terre. Les capacités de production pourraient ainsi culminer à 30 millions de voitures en 2017, et 46 millions en 2020 d'après les projections de Faurecia, pour un marché qui devrait tourner autour de 24 millions de voitures cette année.

Restera pour les constructeurs l'option de l'exportation de la production. Cette option pourrait toutefois s'avérer compliquée dans une région où persistent encore de nombreuses barrières douanières...