Les flottes d'entreprises vont-elles porter le coup de grâce à Volkswagen ?

Par Nabil Bourassi  |   |  664  mots
Les grandes flottes d'entreprises vont certainement accuser une dépréciation d'actif en cas de décote des voitures du groupe Volkswagen.
Le constructeur automobile cherche à tout prix à limiter les dégâts avec les grandes flottes d'entreprises. Celles-ci représentent une forte part des ventes (70% des Passat) mais surtout, les finitions les plus rentables. Les flottes risquent néanmoins de changer de stratégie pour éviter des problèmes de décote, ou d'image.

Ils sont très discrets, mais leur poids est conséquent. Tant et si bien que Volkswagen ne quittera pas des yeux le comportement des flottes automobiles dans les mois à venir. Celles-ci ont été clairement échaudées par le scandale des motorisations truquées - et pourraient payer très cher les pots cassés. Aussi, pourraient-elles revoir drastiquement à la baisse la ventilation par marque de leur parc automobile.

Une forte décote

Pour les grandes flottes, le parc automobile est un véritable actif potentiellement monétisable avec la revente en occasion. Le choix de marques comme Volkswagen ou Audi représentait un véritable atout pour elles puisque celles-ci accusait les plus petites décotes du marché. Sauf que "l'affaire" pourrait bien changer la donne. D'autant que nul ne sait encore si la divulgation de cette affaire ne va pas changer l'attribution de bonus-malus aux voitures. En effet, les pouvoirs publics vont probablement les recalculer en fonction des nouvelles données sur les émissions de polluants. Un tel changement pourrait alors modifier la cote structurelle des voitures du groupe Volkswagen.

Pour Théophane Courau, PDG de Fatec - gestionnaire de flotte automobile - il existe une autre source de préjudice si "la mise en conformité des voitures concernées se traduit par l'abaissement de la puissance du moteur". Si une voiture devait passer de 110 à 90 chevaux, la décote de celle-ci sera conséquente.

L'Argus tempère

De son côté, l'Argus - qui édite le célèbre indicateur de prix - juge que pour le moment, il n'y a pas de raisons de penser que cette affaire modifiera "significativement" le prix structurel. Mais, l'éditeur précise qu'il ne prend pas en compte la valeur conjoncturelle et ses variations de marché. Autrement dit, la loi de l'offre et de la demande n'est pas prise en compte.

Pour les flottes d'entreprises, il y a pourtant un risque à s'engager sur des achats de modèles Volkswagen et certains font d'ores et déjà savoir qu'ils pourraient prendre le temps de la réflexion avant d'engager des arbitrages sur le renouvellement de leurs parcs.

D'après Théophane Courau, les grandes flottes ne prendront pas le risque de subir des retards de livraison et seront "attentives au risque de problèmes de livraisons dans certains pays qui ont déjà annoncé des restrictions de commercialisation de modèles comme la Suisse ou l'Espagne".

Les entreprises sensibles à l'image de leur flotte

L'autre aspect de cette crise, c'est l'image. Les grandes entreprises pourraient bannir de leur parc une marque encore imprégnée de l'image de tricherie, ou pire encore, de pollueuse. Les utilisateurs eux-mêmes, c'est-à-dire les cadres ou les commerciaux, rechigneront peut-être à rouler en Volkswagen ou en Audi.

Pour Volkswagen, le scénario d'un boycott des flottes d'entreprises est le pire des scénarios. D'abord parce qu'elles représentent jusqu'à 45% des ventes. Sur la Passat, c'est 70% des ventes en France ! Ensuite, parce qu'en général, les flottes optent pour les finitions parmi les plus élevées, donc celles où Volkswagen réalise le plus de marges. A la direction française du groupe, on admet travailler intensément sur le sujet.

Une réaction à rebours de l'actualité

Pour Théophane Courau, l'effet ne sera que diffus car ces achats étant l'objet de grands contrats périodiques, les grandes flottes "n'ont pas une réactivité immédiate après ce genre d'événement". Selon lui, les clients en location longue durée ne subiront pas le risque de la décote, puisque celle-ci est supportée par le loueur. Autre argument: les entreprises voudront garder des parcs multimarques afin de ne pas dépendre d'un nombre restreint de constructeurs.

Ainsi Volkswagen espère gagner un peu de temps, au moins assez pour laisser passer la tempête médiatique et ramener le sujet sur des considérations plus rationnelles. Ne serait-ce que pour espérer des marges de négociations...