PSA : la rentabilité, rien que la rentabilité... la recette d'un succès !

Par Nabil Bourassi  |   |  1010  mots
(Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
Dans un secteur marqué par les avertissements sur résultats, le groupe automobile français se distingue avec une rentabilité en hausse au premier semestre. Provocateur, son PDG, Carlos Tavares, estime qu'il peut faire davantage encore...

"Je suis un psychopathe de la performance"! Carlos Tavares n'a pas eu besoin de répéter sa phrase fétiche ce matin lors de la publication des résultats semestriels du groupe PSA. Non, non... Il suffisait de lire les chiffres enregistrés par le constructeur automobile.

Les ventes plient, pas la rentabilité

Dans un contexte sectoriel très complexe et largement détérioré (marchés en baisse, avertissement sur résultats en série...), le groupe aux quatre marques affiche une remarquable tenue de ses ratios de rentabilité. Cette performance est d'autant plus étonnante si on la compare aux résultats commerciaux des six derniers mois. Ainsi, alors que les immatriculations ont baissé de 12% sur six mois, le chiffre d'affaires lui, accuse une baisse limitée à 1,1%.

Mieux... Le résultat opérationnel a augmenté de 10% à 3,34 milliards d'euros, et celui de la seule branche automobile, de 12%. Fort de ces bons résultats, le groupe automobile s'offre le luxe d'afficher une marge opérationnelle en hausse d'un point à 8,7%. Le résultat net part du groupe a également explosé de 20% à 1,8 milliard d'euros.

Ces performances sont remarquables dans un contexte de fort ralentissement sectoriel. Le groupe emmené par Carlos Tavares voit ainsi ses ventes plier, mais sa rentabilité ne rompt pas. Pour le PDG, cette performance est le fruit de la stratégie de rentabilité du plan Push to Pass lancé en 2016. Après le plan Back to the Race qui, en 2014, avait permis de rationaliser toute la chaîne industrielle du groupe (le "point mort" avait alors été baissé d'un million de voiture). Le plan suivant, lui, s'est attaché à faire de la stratégie de marque, un puissant levier de rentabilité. Le plan Push to Pass a ainsi fait du repositionnement sur les SUV, le premier levier de croissance rentable. Ce segment est réputé porteur, mais également très rentable. Le succès fulgurant du Peugeot 3008 illustre le bien-fondé de cette stratégie. En ce début d'année, c'est Citroën qui s'inscrit dans cette dynamique avec son C5 Aircross.

Le pricing power, puissant levier de rentabilité

Ce repositionnement sur les SUV s'est accompagné d'une stratégie de prix extrêmement rigoureuse que Carlos Tavares appelle le pricing power, ou la capacité d'une marque à vendre des produits plus chers.

Ainsi, PSA a défini plusieurs couloirs de prix qu'elle a affublé à chacune de ses marques. Charge à elles de mettre en oeuvre la stratégie marketing adéquate. Peugeot a totalement retravaillé son univers de marque vers des codes plus premiums, plus masculin, tandis que Citroën se veut plus populaire et plus familial. À DS a été confiée l'ambition de s'inscrire dans un univers haut-de-gamme.

Pour Carlos Tavares, c'est Citroën qui est allé au bout de cette logique avec un positionnement prix désormais supérieur de 6,5% par rapport au "benchmark", c'est à dire au panel moyen de ses marques rivales. La marque aux chevrons fait mieux que Peugeot qui reste encore en dessous de son objectif, même s'il a réduit l'écart de 2,4% à 0,8%. DS est encore aux balbutiements du déploiement de sa nouvelle gamme, mais se positionne déjà au-dessus du benchmark (+2,1%). Même Opel a fortement augmenté son pricing power en divisant par deux l'écart (4%) qui le sépare de son objectif.

Cette stratégie se traduit ainsi par des ventes avec de hauts mix-produits, c'est à dire que les ventes se font majoritairement sur les finitions les plus chers, avec un maximum d'options. Par exemple, Citroën qui a fait du contraste de couleur son langage stylistique, vend le pack color bi-ton sur la majorité de ses ventes. De même, 40% des acheteurs de Peugeot achètent la boîte automatique. Plus question de brader les voitures, ou d'accumuler les stocks. Pas plus que Carlos Tavares ne veut entendre parler d'amendes européennes sur les objectifs CO2 contre lesquels il juge être suffisamment bien armé avec sa gamme de voitures électrifiées.

Rationaliser davantage les process industriels

Mais avec ce 8,7% de rentabilité, un niveau qui tutoie les marques premiums allemandes, Carlos Tavares estime qu'il peut aller encore plus loin... Beaucoup plus loin! Jusqu'à 10% aurait-il déclaré auprès d'analystes... Et pour cela, les artifices marketings ne suffiront pas.

Carlos Tavares a imposé une cure d'amaigrissement du catalogue du groupe. En 2018, les quatre marques du groupe disposaient d'un catalogue de 62 modèles. L'objectif est de redescendre à 41 modèles à horizon 2025. Dans le même temps, le nombre de références de pièces devra avoir baissé de 52%. Cette rationalisation industrielle doit permettre à PSA de gagner encore davantage d'efficience et donc de rentabilité. Sur la masse salariale, Carlos Tavares juge qu'il y a encore du grain à moudre.

"Nous voulons avoir le meilleur ratio masse salariale sur revenu", a-t-il indiqué.

De 11,1% en 2018, le "psychopathe de la performance" veut porter ce ratio à 10% en 2021. Enfin, l'ancien numéro deux de Renault veut booster les économies d'échelles dans les achats grâce à l'acquisition d'Opel qui a permis au groupe de grossir de 1,2 million de voitures. Dans l'histoire de l'Alliance Renault-Nissan, la mutualisation des achats est probablement le poste qui a dégagé le plus d'économies d'échelles.

La Chine, le caillou dans la chaussure...

Cette chasse aux coûts doit faire économiser environ 700 euros par voiture entre 2018 et 2021, étant entendu que le périmètre historique (Peugeot Citroën et DS) a déjà été largement rationalisé, et que les gisements de synergies résident essentiellement chez Opel.

Bien entendu, toutes ces règles n'ont de sens que si PSA affiche une croissance de ses ventes. Or, la courbe des immatriculations semble en panne, et rien ne permet de penser qu'elle va s'inverser au moins dans les six prochains mois. Un analyste rappelle que la Chine continue de peser très lourd dans les comptes. Au rythme actuel, PSA pourrait avoir vendu sur le premier marché automobile du monde dix fois moins que ce que lui permettent ses capacités... Après la rentabilité, la croissance organique pourrait être le challenge de demain pour Carlos Tavares...