Recherche désespérement espions ingénieurs et linguistes en langues rares

Par Michel Cabirol  |   |  970  mots
La rigidité des règles de la fonction publique ne facilite pas le recrutement de certains profils d'espions très recherchés
Les services de renseignement rencontrent des difficultés à attirer certains profils rares et/ou très recherchés sur le marché du travail : ingénieurs informatiques, spécialistes en langues rares, psychologues...

Ingénieurs informatiques, spécialistes en langues rares, psychologues... si vous avez la fibre patriotique, c'est le moment de vous engager dans les armées de l'ombre (DGSE, DGSI, DRM, DRSD, DNRED, Tracfin...). Non seulement les services de renseignement recrutent beaucoup, mais en plus ils rencontrent "certaines difficultés" à attirer certains profils rares et/ou très recherchés sur le marché du travail, confie le rapport d'activité de 2016 de la délégation parlementaire au renseignement (DPR). En général, ce sont des profils à très forte valeur ajoutée et donc très chers... Ce qui rend la démarche de recrutement complexe pour les services de renseignement mais qui n'est pas vraiment un phénomène nouveau.

Quels sont les profils recherchés?

Quelles sont les pépites recherchées par les services de renseignement? Et pourquoi? Ces difficultés sont liées "au caractère limité du vivier des candidats dans certaines spécialités recherchées, notamment les ingénieurs informatiques", précise la délégation. En outre, poursuit-elle, "de nombreuses autres administrations de l'État prospectent des profils analogues, sans compter les entreprises en mesure d'offrir des niveaux de rémunération nettement plus élevés". Par exemple, la DGSE recherche des chefs de projet en informatique et télécoms, des ingénieurs base de données, des ingénieurs d'études & développements applicatifs, télécoms et informatique, des ingénieurs coeur de réseau, des assistants à maîtrise d'ouvrage/consultants en informatique, des ingénieurs en sécurité informatique, des crypto-mathématiciens, des analystes programmeurs et des techniciens télécoms, du signal, en systèmes d'information.

D'une façon plus générale, les services recherchent également des personnels en ingénierie, des psychologues et des analystes pour l'exploitation des données recueillies. Les services rencontrent également des difficultés pour recruter "des personnels parlant certaines langues rares", souligne la DPR. Par exemple, l'armée de Terre recherche dans ses petites annonces des linguistes "qualifiés" dans une langue étrangère rare en vue "d'intercepter, écouter, traduire et analyser des informations de réseaux radio". Les recrues partiront "régulièrement en mission et en opération extérieure", précise l'annonce en vue de séduire les profils les plus aventuriers. Problème, le salaire net mensuel ne s'élève qu'à 1.315,38 euros pour un sergent célibataire sans enfant lors du premier contrat. Loin, très loin des standards du privé...

Pas d'argent, pas de profil rare...

L'argent reste d'ailleurs l'un des problèmes majeurs de recrutement des services de renseignement à l'exception de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui peut recruter des contractuels. La DPR regrette "la rigidité des règles de la fonction publique" qui empêche d'embaucher et de fidéliser des contractuels. "Pour résoudre correctement ces difficultés, il serait utile de procéder à une analyse générale et exhaustive portant sur les questions de recrutement, de rémunération et de carrière au sein des services de renseignement", estime la délégation parlementaire. Cette étude pourrait être confiée à l'Inspection des services de renseignement (ISR), fait valoir la DPR.

En particulier, l'ISR pourrait se prononcer sur la question qui consiste à savoir si, dans certains cas, il ne serait pas possible de généraliser à l'ensemble de la communauté du renseignement certains types de contrats qui sont utilisés dans certains services à l'image de la DGSE, estime-t-elle. Elle suggère aussi que les services de renseignement puissent s'exonérer, en réponse à des situations exceptionnelles, aux règles de la fonction publique ou de définir certaines règles particulières, éventuellement dérogatoires.

Des problèmes de locaux à la DGSI

La hausse des effectifs pose actuellement deux problèmes à la La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il lui faut parvenir à réaliser tous les recrutements correspondant aux créations de postes. Elle recherche dans un contexte de forte concurrence des personnels d'ingénierie notamment. Ensuite, se pose la question des locaux pour accueillir tous ces personnels.

Les implantations existantes de la DGSI trouvent "leurs limites pour accueillir un millier d'agents supplémentaires à l'horizon 2018". La DPR recommande de réfléchir à une nouvelle implantation mieux adaptée pour le siège de la DGSI et d'accélérer les recrutements au sein des échelons départementaux et régionaux de ce service.

Rééquilibrage des effectifs civils et militaires à la DRSD

La remontée des effectifs militaires de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), tout comme pour la Direction du renseignement militaire (DRM), est également ardue en raison, explique la DPR, "de sa dépendance à l'égard des directions des ressources humaines des armées, confrontées elles-mêmes à un besoin urgent de recrutement". Par ailleurs, l'objectif d'augmentation des personnels civils de la DRSD par rapport aux militaires se heurte bien sûr aux conditions financières de recrutement de spécialistes de haut niveau dans un contexte de forte concurrence concernant les spécialités considérées comme critiques : système d'information et de commandement et cyber notamment. La part de personnels civils de la DRSD doit passer de 21 à 25 % de 2014 à 2019.

La loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 a prévu le renforcement de la DRSD qui comptait 1.500 personnes en 2008, mais dont les effectifs avaient été ramenés à 1.052 personnes à la fin de l'année 2013. Cette remontée en puissance, amorcée en 2014, a connu une accélération dans le cadre de la lutte antiterroriste et de l'actualisation de la LPM de juillet 2015. Pour la fin de l'année 2016, l'effectif cible est ainsi passé à 1.190 personnes. Il devrait être de 1.307 personnes pour 2017 et de 1.543 personnes pour 2019.