Voitures électriques : Tesla contraint de stopper sa production en Allemagne à cause des attaques Houthis en mer Rouge

Par latribune.fr  |   |  1119  mots
Tesla va arrêter sa production entre le 29 janvier et le 11 février. (Crédits : Aly Song)
A cause de la hausse du coût et du temps de transport maritime dus à la modification des itinéraires des porte-conteneurs après les attaques Houthis en Mer Rouge, le constructeur américain a annoncé qu'il allait suspendre pendant deux semaines l'essentiel de sa production dans son usine européenne.

Les premières répercussions des attaques Houthis en Mer Rouge se font sentir... et inquiètent. Le constructeur de voitures électriques Tesla a annoncé jeudi qu'il allait suspendre pendant deux semaines l'essentiel de sa production dans son usine européenne implantée près de Berlin, invoquant une pénurie de pièces due à l'allongement des itinéraires de transport en raison des attaques en mer Rouge.

« L'allongement considérable des temps de transport crée un vide dans les chaînes d'approvisionnement », écrit Tesla dans un communiqué transmis à l'AFP.

La production sera suspendue, « à l'exception de quelques sous-secteurs », dans la « Gigafactory » située au sud-est de Berlin entre le 29 janvier et le 11 février, ajoute le constructeur américain. « À partir du 12 février, la production reprendra dans son intégralité », assure Tesla. Pour rappel, quelque 11.500 salariés travaillent dans l'usine Tesla près de Berlin, ouverte en 2022, qui produit, selon l'entreprise, plus de 250.000 voitures électriques par an pour un objectif de 500.000 unités à terme. Tesla envisage d'agrandir l'usine pour doubler la production et le nombre de salariés.

Lire aussiQui est BYD, ce constructeur automobile chinois qui vend plus de voitures électriques que Tesla

Selon Tesla, « les conflits armés en mer Rouge et le déplacement des routes de transport entre l'Europe et l'Asie via le Cap de Bonne-Espérance ont également des répercussions sur la production à Grünheide », la commune au sud de Berlin où l'entreprise a ouvert sa seule usine européenne.

Les Houtis sèment la panique dans la Mer Rouge

Depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza, la multiplication des attaques près du détroit stratégique de Bab el-Mandeb, séparant la péninsule arabique de l'Afrique, a poussé certains armateurs à contourner la zone.

Lire aussiLa mer Rouge placée sous protection internationale

A noter, jeudi, le Conseil de Sécurité de l'ONU a haussé le ton en affirmant qu'il « exige que les Houthis mettent un terme immédiat à de telles attaques, qui entravent le commerce international et sapent les droits et les libertés de navigation, ainsi que la paix et la sécurité de la région ». Insistant sur le respect du droit international, il « prend note » du droit des Etats membres à défendre les navires contre les attaques. Premier allié d'Israël, les Etats-Unis ont mis en place en décembre une coalition internationale pour protéger le trafic maritime des attaques des Houthis.

Hausse du coût et du temps de transport

Malgré tout, les perturbations dans la région inquiètent, car le canal de Suez qui relie la Méditerranée à la mer Rouge constitue la route maritime la plus courte entre l'Asie et l'Europe. C'est l'une des principales autoroutes du trafic de navires par laquelle passe 12% du commerce mondial. Début janvier, le porte-conteneurs Maersk « Hangzhou » a rapporté avoir été touché par un missile lors de son passage par le détroit de Bab al-Mandeb, puis avoir été attaqué par quatre navires des rebelles Houthis qui tentaient de monter à bord. Depuis, le groupe a annoncé ne pas reprendre le passage de sa flotte par le détroit stratégique de la mer Rouge. « Nous avons décidé d'interrompre tous les transits par la mer Rouge et le golfe d'Aden jusqu'à nouvel ordre », a indiqué le transporteur dans un communiqué, précisant qu'une enquête était en cours.

Ces attaques ont donc des répercussions majeures sur le trafic de porte-conteneurs en mer Rouge : il a chuté d'environ 70% depuis la mi-novembre. « Le passage des rouliers en mer Rouge a chuté de 90%. Ils ne passent plus par cette région », précise Ami Daniel, patron d'une entreprise de conseil et d'expertise en transport maritime. Concernant les vraquiers - transporteurs de vrac -, l'expert estime que leur nombre a chuté de 15%. Seuls les navires pétroliers empruntent toujours autant qu'auparavant le canal de Suez, accessible depuis la mer Rouge. Les données du Fonds monétaire international (FMI) sont sans appel : les volumes transportés via le canal ont chuté de 35% la semaine dernière comparé à la même période de 2023.

Au même moment, les volumes transitant par le cap de Bonne-Espérance au large de l'Afrique du Sud ont bondi de 67%. « Cela va créer un problème de chaîne d'approvisionnement dans les années à venir parce que ça va prendre du temps avant de se régler », a estimé l'entrepreneur, dont la société utilise l'intelligence artificielle et l'agrégation de données pour conseiller les acteurs du transport maritime. « On n'est pas au niveau du Covid, mais pas loin en termes d'impact sur la chaîne d'approvisionnement. » Car l'itinéraire alternatif que doivent emprunter les porte-conteneurs autour du cap sud-africain de Bonne-Espérance est beaucoup plus long. Outre l'allongement du voyage entre l'Asie et l'Europe de 10 à 20 jours, ce détour implique des coûts importants pour les entreprises.

Tesla enchaîne les déboires

Outre ce problème de livraison en Europe, le constructeur américain doit gérer une série de problèmes embêtants ces dernières semaines. Le 5 janvier, le régulateur des marchés (SAMR) chinois a indiqué que l'entreprise du milliardaire, Elon Musk, allait devoir rappeler 1,6 million de voitures dans le pays. Cette procédure concerne deux lots de voitures produites entre 2014 et 2023, des modèles Model S, Model X, Model Y et Model 3. Cette annonce intervient quelques jours après une autre mauvaise nouvelle. Un de ses grands challengers, le constructeur chinois BYD, est passé devant lui en livrant davantage de véhicules électriques au quatrième trimestre 2023 dans le monde.

Et les déboires de la marque ne s'arrêtent pas là. Fin 2023, Tesla a été confronté à un important mouvement de grève dans ses usines suédoises, consécutif à son refus d'adhérer à une convention collective sur les salaires. Résultat, un mouvement de grève a débuté fin octobre chez le constructeur automobile. Quelque 130 mécaniciens, travaillant dans 10 ateliers Tesla répartis dans sept villes de Suède, ont débrayé pour la première fois, selon le syndicat IF Metall. Mais le mouvement s'est ensuite étendu à d'autres ateliers où sont réparées des voitures électriques du groupe d'Elon Musk, et s'est surtout propagé aux dockers, qui refusaient de décharger les voitures Tesla arrivant dans les ports et aux postiers refusant de livrer les plaques d'immatriculation des véhicules en soutien aux grévistes. De fait, la participation du secteur postal à la grève pourrait empêcher les nouvelles Tesla de circuler, les plaques d'immatriculation étant uniquement livrées par courrier.

(Avec AFP)