Immobilier : les Américains vont-ils perdre leur culture de la propriété ?

Par Mathias Thépot  |   |  750  mots
Les Américains vont-ils davantage louer qu'acheter?
Le part des propriétaires immobiliers aux Etats-Unis pourrait diminuer dans les années à venir. La faute à un marché qui se normalise. La location pourrait reprendre du galon.

Particulièrement prégnante, la culture de la propriété aux Etats-Unis pourrait s'étioler dans les prochaines années. La faute à la normalisation du marché immobilier américain qui crée un contexte économique défavorable à l'accession outre-Atlantique, et qui devrait, selon une note du service de recherche économique de Natixis, rediriger les nouveaux ménages américains vers la location. Il faut dire que dans l'ancien, l'offre n'est plus aussi pléthorique que dans la période qui a suivi la crise. « Le stock de maisons existantes à la vente a retrouvé son niveau historique », constatent les économistes de Natixis. Et les prix continuent de croître (+ 5 % prévus en 2015, et + 6 % en 2016). « Ce qui engendre un transfert de la demande vers le segment du neuf », expliquent-ils.

Les maisons neuves trop chères ?

Cependant, ce transfert ne pourrait s'avérer que théorique. Certes, l'activité dans la construction a repris aux Etats-Unis avec une amélioration des mises en chantier, qui sont passées au-dessus de la barre du million sur un an fin 2014. Mais ces nouveaux logements sont trop chers pour une bonne partie des accédants potentiels. « Le prix des maisons neuves est actuellement extrêmement élevé. Rapporté au revenu, le niveau des prix se trouve sur un niveau équivalent à celui du pic de la bulle immobilière » en 2008, expliquent les économistes de Natixis. Ceci s'explique par la « progression marquée du prix des matériaux de construction et principalement du bois de construction », ainsi que par « la hausse des salaires dans le secteur et la difficulté à trouver de la main d'œuvre qualifiée », ajoutent-ils.

Des conditions d'octroi de crédits plus restrictives

Et pour compenser ces prix élevés par rapport aux revenus, les ménages américains ne peuvent plus bénéficier des mêmes libertés d'accès au crédit que lors de la période précédant le déclenchement de la crise des subprimes. Les banques mènent effectivement des stratégies d'ajustement de leur bilan et limitent parfois la distribution de crédit. Elles sont aussi contraintes dans la distribution de prêts immobiliers par un nouveau cadre réglementaire, la loi Dodd-Frank, qui leur impose de "retenir une part du risque (5% actuellement) quand elles souhaitent revendre les prêts sur le marché secondaire », c'est-à-dire de les « titriser », indiquent les économistes de Natixis.

En outre, les ménages qui se sont retrouvés en difficulté au moment de la crise sont, eux aussi, dans une optique de désendettement. Ainsi globalement le rapport entre l'endettement total et les revenus disponibles des ménages n'a cessé de baisser depuis 2008, même si ce mouvement tend à ralentir. Certains ménages restent donc fortement endettés, notamment ceux qui ont souscrit des prêts pour leurs études. « Ces dernières années, la dette étudiante a connu une hausse marquée », constate la note de Natixis. Ce qui limite mécaniquement la capacité des jeunes actifs à s'endetter pour acheter leur logement.

De futurs locataires ?

En parallèle, les ménages américains ne devraient pas retrouver du pouvoir d'achat grâce à une baisse des taux d'intérêt de crédits : « la normalisation attendue de la politique des taux zéro de la Fed cette année, bien que très progressive, devrait entrainer une légère dégradation des conditions de financement, ce qui devrait également contraindre les achats immobiliers par les ménages », note Natixis.

Or dans le même temps, l'accélération plus globale du "cycle économique exerce une forte influence sur la dynamique de court terme de la formation de nouveaux ménages et donc sur la demande de logements », ajoutent les économistes de la banque. Résultat, faute de conditions suffisamment favorables pour pouvoir acheter, les nouveaux ménages devraient se diriger massivement vers les biens à la location. « La poursuite de la reprise du marché de la construction se fera via le segment des unités destinées à la location », prédit ainsi Natixis.

Ces facteurs contraignant l'accès à la propriété sont par ailleurs susceptibles de perdurer ces prochaines années. Ils devraient engendrer de manière générale une sensibilité moindre de la richesse des ménages aux évolutions des prix de l'immobilier.
A l'inverse, « les loyers devraient subir des pressions à la hausse et impacter la dynamique des prix à la consommation », estiment les économistes de Natixis. Une telle situation ferait clairement figure de nouvelle donne pour l'économie américaine.