Le patron de la fédération du bâtiment laisse éclater sa colère contre Pénicaud

Par César Armand  |   |  777  mots
Le président de la fédération française du bâtiment (FFB) Jacques Chanut (à droite) à Bercy samedi 14 mars avec le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire (à gauche). (Crédits : Stephane Mahe)
Dans une lettre ouverte adressée à la ministre du Travail, le président de la fédération française du bâtiment, Jacques Chanut, juge "scandaleux" et "insultants" les propos de Muriel Pénicaud.

Elle s'était dite, jeudi 19 mars sur LCI, "scandalisée" par la demande du président de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Patrick Liébus, à ses adhérents d'arrêter leurs chantiers. "Quand un syndicat patronal dit aux entreprises: "Arrêtez d'aller bosser, arrêtez de faire vos chantiers", ça c'est du défaitisme", avait en outre asséné Muriel Pénicaud.

Dans une lettre ouverte adressée à "Madame la ministre" du Travail, le président de la fédération française du bâtiment (FFB)  a dénoncé des propos "scandaleux" et "insultants".

La mort dans l'âme

"Aucune de nos entreprises, aucun de nos artisans, ne se sont mis dans une position de tire-au-flanc face à la situation actuelle !" écrit Jacques Chanut. "C'est la mort dans l'âme que nombre d'entre eux ont dû cesser leur activité et mettre leurs salariés à l'arrêt: ils n'ignorent pas les conséquences désastreuses de cette décision pour leur structure mais ils font ce sacrifice en conscience et responsabilité."

Le reste de la missive est sur le même ton: "Envisager que certains d'entre eux aient pu le faire pour profiter des éventuelles largesses de l'Etat en matière de chômage partiel est insultant. Le Bâtiment est une Profession qui a toujours su répondre présent pour soutenir l'emploi, l'apprentissage, l'insertion professionnelle et qui, encore récemment, a intégré parmi ses effectifs de nombreux migrants, naufragés du conflit syrien. Nous n'avons pas de leçon à recevoir : nous mesurons parfaitement le sens de l'épreuve. Le mépris affiché à notre égard depuis hier par les pouvoirs publics, dans le contexte que nous traversons, est d'une déloyauté sans nom. Il est aussi sans précédent.

Des salariés "légitimement inquiets"

Comment prétendre que les entreprises « ne joueraient pas le jeu » alors que dès le début de la crise sanitaire, nous avons multiplié les contacts avec le Ministère de l'Economie et les partenaires de la Profession, notamment les négociants, pour tenter de maintenir les circuits de production ? Comment prétendre que nous ferions preuve de « défaitisme », alors que jusqu'au bout nous avons été à l'initiative ?

Mais aujourd'hui: la fourniture de matériaux s'interrompt dans de nombreux endroits, les forces de l'ordre enjoignent à nos salariés de quitter les lieux, les clients refusent l'accès aux chantiers et - c'est le plus important au final - nos salariés sont légitimement inquiets pour leur santé. Impossible dans cette situation d'assurer un fonctionnement normal de nos activités. Nombre de nos entreprises ont d'ailleurs été réquisitionnées pour fournir leurs éléments de protection (masques et lunettes) aux hôpitaux de la région et elles l'ont fait avec évidence.

"De qui se moque-t-on ?"

Les entreprises de Bâtiment ne désertent pas le front : elles n'ont pas d'autres choix que de fermer ! Personne ne pourrait comprendre que les milliers de salariés de Bâtiment n'aient pas le droit au chômage partiel par principe. Le chantage exercé par les DIRRECTE auprès de nos fédérations locales depuis plusieurs jours est inqualifiable. De qui se moque-t-on ?! Ce n'est pas en laissant entendre aujourd'hui que nos compagnons seraient des salariés de second ordre, que nous résoudrons la crise du recrutement une fois cet épisode passé.

Nous demandons à l'Etat de faire preuve de responsabilité comme nous le ferons, en tant qu'acteur économique, pour maintenir nos chantiers chaque fois que ce sera -réellement- possible et pour poursuivre les interventions d'urgence. Mais pour cela, comme nous le faisons depuis 48 heures maintenant, nous réitérons notre demande d'une réunion d'urgence avec les services de votre ministère, la médecine du travail et les syndicats pour définir ensemble les procédures de protection sanitaire de nos compagnons acceptées par tous. A ce stade, cette situation n'est pas réglée et pour nos entreprises, la confusion est totale. Plutôt que de jeter l'opprobre sur tout un secteur, en l'accusant dans les médias de désertion, efforçons-nous de trouver ensemble une ligne claire et cohérente. Et vite."

Un nouveau président en début d'après-midi

Dans la journée, le président de la fédération française du bâtiment quittera ses fonctions. Hugues Vanel, trésorier de la FFB et président de la FFB Bretagne, et Olivier Salleron, président de la chambre néoaquitaine, sont candidats à la succession de Jacques Chanut. Le nom du nouveau patron sera connu en début d'après-midi.