Soutien de Lafarge à des organisations « terroristes » : « la France » et « Macron » savaient, affirme Erdogan

Par latribune.fr  |   |  615  mots
Le président turc Recep Tayyip Erdogan. (Crédits : UMIT BEKTAS)
La Turquie dit avoir prévenu la France de la collaboration de Lafarge avec l'Etat Islamique (EI) en Syrie. « Lafarge est apparu comme l'une des institutions les plus importantes soutenant le terrorisme », a même affirmé le président turc Recep Tayyip Erdogan.

C'est un pavé dans la mare qui vise à éclabousser directement l'Elysée, dans un contexte de tensions internationales. Dans la retentissante affaire qui implique le groupe Lafarge, rattaché au suisse Holcim depuis 2015, accusé d'avoir financé des organisations terroristes pour maintenir ses sites en Syrie alors en guerre, la Turquie jette de l'huile sur le feu. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré vendredi que la France et que le président Macron étaient au courant des agissements du cimentier français qui ont eu lieu entre 2013 et 2014. Il a affirmé avoir prévenu la France au sujet de la collaboration de Lafarge avec le groupe « terroriste » Etat islamique (EI) en Syrie.

« Quand j'ai expliqué comment le géant du ciment Lafarge a soutenu des organisations terroristes dans le nord de la Syrie (...) les Français n'ont pas compris », a dit M. Erdogan, qui précise qu'il a informé son homologue français Emmanuel Macron.

« J'ai dit ça à Macron aussi. C'est devenu la chose la plus importante sur l'agenda de la France en ce moment », a-t-il ajouté.

« Lafarge est apparu comme l'une des institutions les plus importantes soutenant le terrorisme », a encore dit M. Erdogan.

Lafarge a plaidé coupable devant un tribunal américain mardi et va payer 778 millions de dollars pour avoir fait « le choix impensable » de collaborer avec le groupe Etat islamique en Syrie.

Le groupe français a accepté de porter la responsabilité de certains de ses anciens dirigeants afin de solder les poursuites des autorités américaines.

D'après la justice américaine, Lafarge a payé près de six millions de dollars au groupe EI et au Front Al-Nostra entre août 2013 et octobre 2014, sous forme de versements directs, de commandes auprès de fournisseurs contrôlés par l'EI ou de reversements d'un pourcentage des ventes, ainsi que 1,1 million de dollars à des intermédiaires.

L'enquête française a, elle, évalué ces versements entre 4,8 et 10 millions d'euros pour le seul groupe EI.

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L'ex-PDG Bruno Lafont conteste sa responsabilité

Selon la justice américaine, les responsables de la compagnie, dont l'ex-PDG Bruno Lafont, étaient au courant des arrangements avec les jihadistes.

Ce que ce dernier a « fermement contesté ». Dans un communiqué, M. Lafont a accusé par ailleurs Holcim, la maison-mère de Lafarge, d'avoir mené une enquête « exclusivement à charge » contre lui.

« Il apparaît au fil des témoignages et des révélations des protagonistes de ce dossier, que la soi-disant enquête menée par Holcim est entièrement et exclusivement à charge contre Bruno Lafont et les anciens dirigeants du groupe Lafarge et qu'Holcim s'est systématiquement opposé à la recherche de la vérité », selon le communiqué.

« Cela interroge sur la nature des faits et des responsabilités reconnus par Lafarge aux Etats-Unis, sous la conduite d'Holcim », ajoute l'ancien PDG.

Lafarge dit par ailleurs continuer à coopérer pleinement avec l'enquête des autorités françaises sur le même dossier, mais se dit aussi prêt à "se défendre contre toute action judiciaire qu'il considère injustifiée".

L'entreprise est inculpée en France pour « complicité de crimes contre l'humanité » concernant ses activités en Syrie.

Bruno Lafont, mis en examen pour financement du terrorisme dans le cadre de l'information judiciaire ouverte depuis 2017 à Paris, souhaite être réentendu par les juges d'instruction pour « évoquer certains éléments récents », « solliciter la déclassification de certains documents » et « l'audition de certaines personnes susceptibles d'apporter de nouveaux éléments sur le dossier ».

(Avec AFP)

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