Affaire Lafarge en Syrie : la cour d'appel confirme la mise en examen pour "complicité de crimes contre l'humanité"

Lafarge Cement Syria est soupçonné d'avoir versé près de 13 millions d'euros à des groupes armés, dont le groupe Etat islamique (EI), pour maintenir en activité son usine de Jalabiya. La bataille fait rage depuis plusieurs années entre des ONG et le géant du ciment sur ce dossier. Ce nouvel épisode judiciaire ne sera toutefois pas le dernier puisque le groupe Lafarge a décidé d'engager un recours contre la cour d'appel.
Le groupe avait investi 680 millions d'euros dans la construction de ce site syrien achevé en 2010.
Le groupe avait investi 680 millions d'euros dans la construction de ce site syrien achevé en 2010. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

C'est un nouvel épisode dans l'affaire Lafarge en Syrie mais certainement pas encore l'épilogue. La cour d'appel de Paris a confirmé mercredi la mise en examen du groupe cimentier Lafarge pour "complicité de crimes contre l'humanité" concernant ses activités jusqu'en 2014 en Syrie, selon plusieurs agences. Ce jugement fait suite à une première invalidation de la cour d'appel de Paris, finalement retoquée en septembre 2021 par la Cour de cassation, qui avait fait valoir qu'on "peut être complice de crimes contre l'humanité même si l'on n'a pas l'intention de s'associer à la commission de ces crimes". La cour d'appel devait donc s'exprimer à son tour sur ce dernier jugement.

Lafarge, qui a fusionné avec le suisse Holcim HOLN.S en 2015, est soupçonné d'avoir versé près de 13 millions d'euros à des groupes armés, dont le groupe Etat islamique (EI), pour maintenir en activité son usine de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, en 2013 et 2014.

Un rapport interne commandé par LafargeHolcim avait mis en lumière des remises de fonds de Lafarge Cement Syria (LCS) à des intermédiaires pour négocier avec des "groupes armés". Mais Lafarge SA a toujours contesté toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes.

La responsabilité des entreprises

Pour ces faits, le groupe français est donc mis en examen. "Lorsque des crimes graves sont commis, ce ne sont pas seulement les dirigeants politiques et militaires dont la responsabilité doit être élucidée mais aussi les acteurs économiques", a déclaré Claire Tixeire, conseillère juridique du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains, en se réjouissant de cette "victoire".

"C'est la première fois au monde qu'une entreprise se voit mise en examen d'un tel crime. C'est aussi la première fois au monde qu'une maison mère est mise en examen pour des activités à l'étranger à travers sa filiale. Du point de vue de la responsabilité des multinationales c'est très important", a-t-elle ajouté.

En retour, suite à cette confirmation, le groupe Lafarge a annoncé qu'il allait engager un recours contre la jugement de la Cour d'appel qui a suivi sur ce point les réquisitions du parquet général qui estimait que l'entreprise avait "financé, via des filiales, les activités de l'EI à hauteur de plusieurs millions de dollars, en connaissance précise des agissements".

"Nous sommes convaincus que cette accusation ne devrait pas être portée contre Lafarge SA, qui interjettera appel de cette décision devant la 'Cour suprême' (Cour de cassation)", a déclaré le groupe, qui a fusionné avec le suisse Holcim HOLN.S en 2015, dans un communiqué en anglais.

Le groupe avait investi 680 millions d'euros dans la construction de ce site, achevé en 2010.

Contre cette fois l'avis du parquet général, la cour d'appel a prononcé le maintien de la mise en examen de Lafarge pour "mise en danger de la vie d'autrui", c'est-à-dire des ex salariés syriens qui ont été amenés à continuer leur activité dans la cimenterie de Jalabiya alors que la région était en proie à la guerre civile.

(Avec AFP et Reuters)

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2022 à 22:16
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Payer des juges pour traiter des fadaises pareilles alors qu'on a tant besoin d'eux ailleurs est vraiment de l'argent mal dépensé. Mais la bonne conscience n'a pas de prix, c'est sûr.

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