Les Britanniques privatisent même leur agence de collecte de plasma

Par Hélène Haus  |   |  742  mots
Reuters
La privatisation de la Plasma Ressources UK (PRUK), l'agence nationale britannique de collecte de plasma, fait polémique en Grande-Bretagne. Le gouvernement a revendu, fin juillet, 80% de ses parts à Bain Capital, un fonds américain de capital-investissement créé par Mitt Romney, l'ancien candidat à l'élection présidentielle américaine. La PRUK se fournit en plasma aux Etats-Unis où, contrairement à la France, les donneurs sont rémunérés.

Peut-on tout privatiser ? La question suscite le débat en Grande-Bretagne où la récente privatisation de l'agence nationale de collecte de plasma fait polémique. Fin juillet, le gouvernement a décidé de vendre 80% de la Plasma Ressources UK (PRUK) au fonds américain de capital-investissement Bain Capital. L'Etat britannique, qui cédera également en 2014 la majorité de ses parts de la Royal Mail - la Poste britannique - ne possédera désormais plus que 20% de la PRUK. Le fonds a déjà déboursé 90 millions de livres (104 millions d'euros) pour cette acquisition. Il devra également verser 110 millions de livres (128 millions d'euros) supplémentaires dans les cinq prochaines années.

L'industrie du plasma est de plus en plus fructueuse. De nombreux médicaments en sont dérivés et les besoins des malades augmentent à mesure que l'espérance de vie progresse dans les pays occidentaux. Rien qu'en France, plus de 500 000 personnes sont soignées grâce aux dons de plasma chaque année. D'après le Financial Times, les ventes de plasma rapportent chaque année 110 millions de livres (128 millions d'euros) à la PRUK. En France, un arrêté ministériel de mars 2010 a fixé le prix du litre de plasma entre 19,03 et 214,51 euros.

L'Etat à court d'argent pour moderniser la PRUK

 "Ce contrat garantira aux patients un accès à des produits de plasma de grande qualité dans les années à venir, a déclaré, fin juillet, Dan Poulter, le ministre (conservateur) de la Santé dans un communiqué.C'est une bonne nouvelle que Bain Capital investisse dans la médecine et dans l'industrie britannique des sciences de la vie."

Ce fonds de capital-investissement a été créé, en 1984, par Mitt Romney, l'ex-candidat républicain à la dernière élection présidentielle américaine. Durant la campagne, Barack Obama avait accusé son rival d'avoir supprimer des milliers d'emplois aux Etats-Unis en délocalisant des entreprises qu'il avait justement acquis via son fonds.

Selon le Financial Times, le gouvernement britannique a décidé de revendre une partie de la PRUK, l'été dernier, après la parution d'un rapport expliquant qu'il n'aurait pas assez d'argent pour moderniser l'agence.

Des risques sur les approvisionnements ?

Cette revente a été critiquée par  plusieurs anciens ministres de la Santé britanniques. "Une fois que vous vendez à une entreprise qui peut ensuite facilement revendre à une seconde entreprise, comment garantissez-vous les approvisionnements?", s'est inquiété Lord Hunt, l'ex-ministre (travailliste) de la Santé (2007), interrogé samedi 25 août par The Guardian. "C'est époustouflant qu'ils aient pensé que c'était approprié de vendre Pruk à un fonds de capital-investissement qui finira probablement par la revendre s'il le peut (…) Il n'y a aucune garantie pour le futur. C'est juste trop risqué", a-t-il ajouté.

En Grande-Bretagne, c'est le National Health Service Blood and Transplant (NHSBT) qui gère les dons du sang, d'organes et de tissus. La Pruk s'occupe uniquement du plasma. Depuis le scandale de la vache folle, les donneurs ne sont plus Britanniques, mais Américains. La Pruk travaille en collaboration avec les laboratoires DCI Biologicals aux Etats-Unis, qui rémunèrent leurs donneurs.

Des donneurs souvent précaires

Sur son site, DCI Biologicals précise que les tarifs varient en fonction de divers critères. Mais d'après les témoignages laissés par les donneurs sur Internet, ils récoltent en moyenne entre 10 et 20 dollars par don. Contrairement au sang entier qui peut être prélevé quatre à six fois par an, le plasma, qui ne contient pas de globules rouges, peut être donné plusieurs fois par mois. DCI Biologicals affirme ainsi qu'il peut être prélevé jusqu'à deux fois par semaine. L'Etablissement français du sang (EFS) préconise, de son côté, d'attendre deux semaines entre chaque don.

En 1994 déjà, un rapport de deux chercheurs de l'université du Texas pointait le fait que la majorité des donneurs étaient des personnes en situation de précarité (étudiants, prisonniers et SDF) cherchant à arrondir leur fin de mois. En France, les dons de plasma sont gratuits et gérés par l'EFS, un établissement public créé en 2000 pour unifier le réseau des établissements de dons gravement fragilisés après le scandale du sang contaminé. D'après une information du Point.fr, l'Etat a brièvement envisagé, fin 2011, de rémunérer les donneurs de plasma pour prévenir les risques de pénuries. L'idée avait suscité un tollé. La gratuité étant, selon les détracteurs, le premier emblème d'un don éthique.