Les prix de l'énergie poussent le géant allemand de la chimie BASF à délocaliser

Par latribune.fr  |   |  748  mots
BASF produit une large gamme de produits chimiques pour l'automobile, l'agriculture, la construction, les matières plastiques, les peintures ou encore les colorants. (Crédits : Annegret Hilse)
Confronté à la flambée des coûts de l'énergie, le géant allemand de la chimie n'exclut pas de délocaliser certaines productions « particulièrement gourmandes en énergie ». BASF juge difficile pour la chimie européenne d'être compétitive dans le contexte de flambée des prix du gaz. Malgré un plan qui devrait lui permettre de réaliser 1 milliard d'euros d'économies en 2023 et 2024 - notamment via des suppressions d'emplois - seuls des changements dans la façon de produire pourront avoir de réels impacts sur les finances selon son PDG.

C'est le premier consommateur de gaz d'Allemagne avec 47 térawattheures consommés annuellement. Le géant allemand de la chimie BASF subit donc de plein fouet la hausse des prix de l'énergie. Sa facture a en effet été multipliée par trois en Europe sur les neuf premiers mois de l'année par rapport à 2021 et elle est neuf fois plus élevée qu'en 2020, selon son PDG Martin Brudermüller.

Dans ce contexte, « la question se pose de savoir si les produits de base, notamment, pourront encore être fabriqués de manière compétitive en Europe et en Allemagne à long terme », a-t-il expliqué dans un entretien au quotidien économique Handelsblatt ce jeudi 17 novembre. « Nous annoncerons nos plans au premier trimestre », a-t-il poursuivi, précisant que les réflexions portaient sur « les produits particulièrement gourmands en énergie » comme l'ammoniac, pour lequel l'énergie représente environ 80% des coûts de fabrication.

Au troisième trimestre, le plus gros chimiste d'Allemagne a fait état de ventes globales en hausse de 12% sur un an, à 21,9 milliards d'euros. Son résultat opérationnel (EBIT) avant éléments exceptionnels, qui s'élève à 1,35 milliard d'euros, est par contre en recul de 28% sur un an. « La hausse des prix des matières premières et de l'énergie n'a pu être que partiellement répercutée sur les prix de vente plus élevés », explique BASF. Le bénéfice net du groupe, de 909 millions d'euros, est aussi en baisse de près de 30%, selon des chiffres préliminaires publiés en octobre.

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Agir sur la production, seul levier pour de réelles économies

Pour faire face à la flambée des coûts de l'énergie, BASF a déjà annoncé en octobre un plan d'économies de 1 milliard d'euros pour 2023 et 2024. Ce programme cible les coûts fixes en dehors de la production. À savoir une « rationalisation » des activités dans les domaines des opérations, des services, de la recherche et du siège. Des suppressions d'emplois sont également envisagées.

Pour autant, cela ne suffira pas et « des adaptations sont également nécessaires dans la production », a prévenu ce jeudi Martin Brudermüller. BASF a pu réduire sa consommation à la marge en améliorant l'efficacité énergétique, et en remplaçant du gaz par des sources d'énergie à base de pétrole. « Mais la majeure partie des économies provient malheureusement des arrêts de production ».

Si les prix du gaz, qui refluent actuellement, vont se stabiliser, « nous pensons qu'à long terme, ils seront environ trois fois plus élevés en Europe qu'aux États-Unis, ne serait-ce qu'en raison des coûts plus élevés du GNL (gaz naturel liquéfié, ndlr) » qui remplace les importations de Russie, indique le PDG.

Martin Brudermüller avait déjà suscité l'émoi fin octobre en annonçant que le groupe allait réduire de « manière permanente » la voilure en Europe alors que le groupe veut se renforcer en Chine où il réalise d'importants investissements. « Au troisième trimestre, le marché européen de la chimie a reculé de 6% », ajoute le PDG qui y voit l'accélération d'une perte de compétitivité en cours depuis une décennie. Il met également en cause « la réglementation excessive » du Pacte vert de l'Union européenne, feuille de route des pays de l'UE pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.

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Toute l'industrie chimique allemande touchée

Plus globalement, c'est toute l'industrie allemande de la chimie qui devrait connaître une lourde chute de sa production en 2022 en raison de la crise énergétique et de la guerre en Ukraine, selon la fédération du secteur VCI. Ce secteur, tête de proue de l'industrie allemande, est aussi l'un des principaux consommateurs de gaz du pays.

L'organisation estime la baisse -5,5% pour l'ensemble du secteur sur un an, dans son rapport d'activité trimestriel publié en septembre. Sans l'industrie pharmaceutique, la production reculerait encore davantage, de 8,5%.

La chimie allemande avec des géants tels que Bayer, BASF et une kyrielle de PME est le troisième secteur économique du pays derrière la machine-outil et l'automobile, en comptant plus de 473.000 salariés à fin juin.

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(Avec AFP)