Levothyrox, baclofène,... l'Agence du médicament sous le feu des critiques

Par Jean-Yves Paillé  |   |  683  mots
Depuis le début de l'année, plusieurs décisions de l'ANSM sur des consignes de prises de médicaments ont été vivement critiquées.
Médecins et patients reprochent à l'Agence nationale de sécurité du médicament, des défauts de communication depuis le début de l'année. Dans l'affaire Levothyrox, un médicament pour la thyroïde, une association de patients va porter plainte contre les autorités sanitaires et le laboratoire.

L'Agence nationale de la sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) connait une année difficile. Vendredi 8 septembre, des dizaines de personnes se sont rassemblées devant l'Assemblée nationale pour demander l'abandon de la nouvelle formule du médicament pour la thyroïde Levothyrox conçu par le laboratoire allemand Merck KGaA. Une demande faite par l'ANSM en 2012 au laboratoire pour obtenir "une stabilité plus importante de la teneur en substance active"  du traitement, et mise en application en mars dernier. En août, l'autorité de santé recommandait de ne pas passer à l'ancienne formule après avoir pris la nouvelle.

Mais depuis leur passage à la nouvelle formule, plusieurs centaines de patients déclarent souffrir de vertiges, de crampes de fatigue, des pertes de cheveux. L'ancienne magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui utilise également ce médicament,va devenir "le conseil juridique" de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT). Elle déposera la semaine prochaine une plainte contre le laboratoire, mais également contre les autorités sanitaires françaises. Une plainte qui fait suite à celle de l'avocate Anne-Catherine Colin-Chauley.

Si les patients sont sur le devant de la scène médiatique, les critiques fusent aussi chez une partie des médecins. Le Syndicat des médecins libéraux déplore une "communication furtive des pouvoirs publics" et dénoncent le fait d'être mis en "première ligne" face aux patients. Ou encore le Fédération des médecins de France (FMF) a dénoncé la décision de l'ANSM lors d'une conférence de presse le 6 septembre . "Il n'y a eu aucune concertation avec les médecins !", s'exclame Jean-Paul Hamon. "Il fallait mieux informer la population", estime-t-il. Agnès Buzyn ministre de la Santé, a fini par reconnaître un "défaut d'information". Suite aux polémiques autour de la nouvelle formule du Levothyrox, elle a ainsi annoncé la mise en place prochaine d'un groupe de travail "pour mieux informer les patients et les professionnels de santé sur les médicaments".

Polémique autour de la dose de baclofène

Il faut dire que ces problèmes de communication relevés entre autorité de santé, patients et médecins ne sont pas nouveaux. Deux autres affaires de recommandations de l'ANSM sur des médicaments ont particulièrement irrité patients et médecins en 2017.

En juillet, l'Agence a pris la décision de baisser drastiquement le seuil de la dose maximale de baclofène (de 300 mg à 80 mg), une molécule contre l'addiction à l'alcool en juillet, a suscité l'incompréhension. L'ANSM s'est appuyé sur une étude réalisée par la Caisse nationale d'assurance maladie et l'Inserm publiée au début du mois de juillet et a alerté sur les risques d'hospitalisation et même de décès dus à une utilisation de la molécule à très forte dose. Mais dans une tribune, des médecins spécialistes de l'addiction estiment, qu'en baissant cette dose, de nombreux patients risquent de retomber dans l'addiction, s'appuyant en outre sur les témoignages de patients démunis. Selon eux, les deux tiers des patients traités dans les centres d'addictologies prendraient plus de 80 mg de la molécule. La FMF a quant à elle dénoncé une décision trop "hâtive".

L'imbroglio du docétaxel

Quelques mois plus tôt, les consignes données par l'ANSM sur le docétaxel - un anticancéreux visant à éviter le risque de récidive dans le cancer du sein - ont provoqué un imbroglio. Le 29 mars, l'Agence avait, suite à une enquête, donné le chiffre de 48 morts en vingt ans suite à la prise de cette molécule. Mais en juin, l'Agence européenne a pourtant jugé qu'il n'y avait pas de "sur-risque". Une déclaration qui a poussé l'ANSM à réautoriser l'utilisation de cette molécule. Mais durant cette période, des médecins ont dû s'adapter en urgence en remplaçant le docétaxel par le paclitaxel, une molécule aux effets similaires, mais avec une posologie différente. Certains ont évoqué une pagaille dans les services en oncologie.