Novartis déclencheur d'un conflit diplomatique entre les Etats-Unis et la Colombie ?

Par Jean-Yves Paillé  |   |  593  mots
Une tablette de 400 milligrammes de Glivec coûte 43 dollars, le gouvernement colombien veut l'abaisser à 18,50 dollars.
Le gouvernement colombien va imposer une licence obligatoire pour faire baisser le prix du Glivec, un anticancéreux de Novartis. Les Etats-Unis se rangent derrière le laboratoire suisse et menacent de supprimer une aide dans le cadre d'un accord de paix avec les FARC si le gouvernement colombien ne revient pas sur sa décision.

Les tensions suscitées par la rupture des négociations entre Novartis et le gouvernement colombien sur le prix d'un médicament sont en train d'aboutir à un conflit diplomatique. Retour quelques temps en arrière:  au milieu de mois de mai, la Colombie lance un ultimatum à Novartis. Si le géant Suisse ne réduit pas les prix du Glivec (imatinib), un anticancéreux pour les personnes atteintes de leucémie très utilisé dans le pays, le gouvernement colombien fera  en sorte que le monopole de Novartis soit brisé.

Le pays menace d'imposer une licence obligatoire. En clair, il s'agit de l'autorisation de l'utilisation d'un brevet sans l'accord de son détenteur. Cela permet la fabrication de génériques moins chers que la molécule d'origine, en considérant leur importance vitale pour la santé publique. Une tablette de 400 milligrammes de Glivec coûte 43 dollars, le gouvernement colombien veut l'abaisser à 18,50 dollars.

Ne parvenant pas à un deal avec Novartis, le "dialogue est rompu définitivement", en juin. Le gouvernement colombien décide alors de passer à l'action. Le ministre de la Santé annonce que soin gouvernement émettra une déclaration d'intérêt public pour le médicament, une action qui permettra aux autorités colombiennes de définir un prix réduit pour le Glivec.

450 millions d'euros d'aides suspendus ?

Mais Novartis et également Washington refusent toute expropriation du brevet. Et les Etats-Unis réfléchissent à un moyen de pression autant économique que symbolique pour faire plier la Colombie.

En février, Barack Obama a accordé une aide de 450 millions de dollars pour aider les pourparler de paix entre le gouvernement colombien et les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), en aidant à la reconversion des rebelles et dans la lutte contre le trafic illégal de drogue. Le montant doit être approuvé par le Congrès, contrôlé par le parti républicain. Mais Washington réfléchit à annuler l'aide. C'est du moins ce que révèle Andrés Florez, ambassadeur colombien aux Etats-Unis. dans un mémo publié par le think tank Knowledge ecology international.

Pourquoi les Etats-Unis soutiennent autant Novartis ? D'une part, le laboratoire pharmaceutique suisse, qui réalise un tiers de ses ventes dans le pays (16 milliards de francs suisses en 2015 dans le pays), est coté à Wall Street.

D'autre part, la volonté de Washington pourrait être d'éviter que la Colombie montre la voie à d'autres pays pour d'autres licences obligatoires, qui auraient de fortes chance de concerner des médicaments produits par des laboratoires pharmaceutiques américains.

Un représentant de l'ONU monte au créneau

Et face à la gravité de l'affaire, un représentant de l'ONU s'en mêle. Les Etats-Unis "ne doivent pas céder aux pressions de l'entreprise pharmaceutique Novartis" et diminuer leur aide à la Colombie visant à soutenir la paix avec les FARC, a déclaré lundi 25 juillet le représentant en Colombie du Haut Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU, Todd Howland.

A noter que Todd Howland est Américain qui souffre de leucémie myéloïde chronique (LMC). Selon lui, ses six années de traitement contre la LMC ont coûté 635.000 dollars seulement en médicaments. "Sans l'intervention du gouvernement, de nombreux colombiens atteints de LMC seraient simplement morts", avance-t-il.

Et d'ajouter, en référence à la menace américaine de suspendre son plan d'aide:

"Les économies faites sur le Glivec permettraient à la Colombie de consacrer des centaines de millions de dollars aux droits de l'Homme (...), à promouvoir le développement économique à long terme et une stabilité essentielle à la paix."