VIH : plus de la moitié des malades ont désormais accès à un traitement

Par Jean-Yves Paillé  |   |  754  mots
En 2016, 2,4 personnes séropositives supplémentaires ont pu être mises sous traitement.
Selon l'OMS, 53% des personnes séropositives avait accès à un une thérapie antirétrovirale en 2016. Outre l'action des associations, les laboratoires ont multiplié les partenariats avec les fabricants de génériques, seule stratégie tenable pour commercialiser leur traitement dans des pays à faible revenu, africains en particulier.

Jamais autant de personnes n'avaient reçu un traitement contre le VIH. Sur 36,7 millions de malades vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), 19,5 millions avaient accès à une thérapie antirétrovirale en 2016, rapporte l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ce vendredi. C'est la première année que plus de la moitié des patients touchés par cette maladie bénéficie des médicaments ad hoc. Rien qu'en 2016, 2,4 millions de personnes supplémentaires ont pu être mises sous traitement, rapporte l'Onusida. En Afrique, continent le plus touché, la diffusion des traitements pour les séropositifs a progressé, mais les taux de suivi différent selon s'il s'agit de l'Afrique de l'Ouest (35%) ou à l'Est et au Sud du continent (60%).

Cette tendance s'explique par une augmentation du nombre de diagnostics, avec une amélioration de la prise en charge des systèmes de santé. Mais aussi par des accords, comme ceux passés en 2015 entre l'Onusida et Roche pour baisser le prix des diagnostics dans les pays en voie de développement, où la prévalence du virus est forte notamment en Afrique. Plus largement, la stratégie des laboratoires pharmaceutiques leaders dans le VIH a dopé la disponibilité des traitements. Ces dernières années, ils ont passé de nombreux accords avec les « génériqueurs », leur donnant accès au brevet de leurs antirétroviraux.

BMS, l'un des principaux leaders dans ce domaine, a ainsi commencé à accorder des licences dès 2006 pour l'atazanavir en Inde et en Afrique du Sud. De nouveaux accords ont été scellés ensuite pour les pays en voie de développement. Puis le médicament a été licencié au Medecine Patent Pool en 2013, une organisation de santé publique soutenue par les Nations Unies, pour être diffusé dans 110 pays, dont une grande partie en voie de développement. Une politique également adoptée par ViiV, une coentreprise de GSK, Pfizer et Shionogi. Pour les pays à faibles PIB, et notamment en Afrique subsaharienne, ViiV a effectué des partenariats avec des « génériqueurs » et l'organisation Medicines Patent Pool pour son dolutegravir dans 121 pays au total, en juillet 2015.

Des appels d'offres sont effectués par les États, qui peuvent potentiellement faire baisser les prix proposés par les « génériqueurs » en concurrence. Ainsi, le Kenya est devenu le premier pays africain à en bénéficier en juin 2017. Le dolutegravir sera, dans un premier temps, disponible pour les personnes ne supportant pas les effets secondaires d'un autre traitement. Le coût d'une boîte de 30 pilules passe à 4 dollars, contre 25 à 50 dollars auparavant. L'Afrique voit le dolutegravir arriver sur son marché, trois ans après l'Europe et le feu vert de l'Agence européenne des médicaments en janvier 2014.

Gilead, qui a effectué les mêmes types de partenariats, estime qu'en 2011, deux millions de patients des pays du sud étaient traités avec des médicaments brevetés Gilead, contre dix millions en 2016.

"Tirer les leçons du passé"

"Nous avons essayé de tirer les leçons du passé. Les brevets sont indispensables, ils permettent de financer la recherche, mais ils ne doivent pas être une barrière à l'accès aux médicaments dans les pays à faible revenu", explique à La Tribune Michel Joly, président de Gilead France.

Ce dernier fait référence à un camouflet historique pour l'industrie pharmaceutique, survenu dans les années 1990. Sous la présidence de Nelson Mandela, l'Afrique du Sud avait "cassé" les brevets des laboratoires pharmaceutiques pour autoriser des « génériqueurs » à fabriquer des traitements contre le VIH, afin qu'ils soient commercialisés moins cher. L'industrie pharmaceutique avait lancé un procès contre l'État, l'accusant de porter atteinte à l'exclusivité sur leurs médicaments, puis avait dû y renoncer.

Les laboratoires préfèrent désormais essayer de contrôler le marché en acceptant de laisser des fabricants de génériques disposer de leurs brevets. Car s'ils tentent de maintenir l'exclusivité de leurs médicaments dans les pays en voie de développement, ces derniers pourraient faire fonctionner des licences obligatoires, un droit conféré à l'État d'utiliser le brevet sans l'accord du laboratoire détenteur en cas d'urgence sanitaire. Cela permet la fabrication de génériques moins chers que la molécule d'origine, en considérant leur importance vitale pour la santé publique. En outre, avec ces accords avec les « génériqueurs », un laboratoire comme Gilead évite la contrefaçon en demandant à ses partenaires « génériqueurs » "de produire des comprimés dans une couleur et une forme différente".