Proglio va demander la tête du PDG de Veolia... pour le remplacer par Borloo

Par latribune.fr  |   |  1149  mots
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Plusieurs administrateurs de Veolia Environnement, dont le PDG d'EDF Henri Proglio, s'apprêtent à demander la tête du PDG du groupe, Antoine Frérot. Une issue logique à la guerre que se mènent les deux hommes depuis des mois. Alors que le CAC 40 poursuit sa hausse, Veolia reculait nettement ce matin. Le titre perdait 1,73% à 9,42 euros à l'ouverture.

Selon les Echos, Henri Proglio pourrait obtenir la tête d'Antoine Frérot, l'actuel patron de Veolia. L 'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo figure parmi les successeurs pressentis, ajoute le quotidien, qui prédit qu'un conseil d'administration de Veolia Environnement prévu le 29 février sera crucial.

La guerre entre les deux hommes dure depuis déjà de longs mois et pourrait se solder demain en faveur du président d'EDF sans doute presser d'en finir avant des élections incertaines pour Nicolas Sarkozy, dont il est proche. Interviewé récemment par la Tribune, un proche du PDG déclarait : « Malgré toute la violence et l'hostilité dont fait montre Henri Proglio ces derniers mois à son encontre, Antoine ne renie rien de son héritage. Au contraire ».

Sarnez dénonce le mélange des genres

Marielle de Sarnez (MoDem) a dénoncé aujourd'hui l'éventuelle nomination de l'ex-ministre Jean-Louis Borloo à la tête de Veolia Environnement, derrière laquelle elle voit "la main du président de la République", estimant qu'il fallait "tourner la page sur ces pratiques". (...) Vous voyez bien le mélange consternant des genres. On est dans une espèce de mécano politique: "et je te rachète telle entreprise et je te place là celui qui devait être candidat et qui ne le sera plus si je te le place là... tout ceci n'a aucun sens"", a-t-elle lancé. A la question de savoir si elle y voyait "la main de Nicolas Sarkozy", la directrice de campagne de François Bayrou répond par l'affirmative: "Ah oui, bien sûr que j'y vois la main de Nicolas Sarkozy, c'est ce que tous les journaux racontent ce matin". "Moi je suis pour une ferme et stricte séparation des pouvoirs et nous avons sous les yeux exactement le contraire et c'est sur tout cela qu'il faut tourner la page le plus vite possible", a-t-elle conclu.

Plusieurs candidats à la succession

Selon les Echos, trois autres noms circulent pour la succession de  : Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts, "mais dont l'entourage dément tout contact" ; Jacques Veyrat, l'ex-patron de Louis Dreyfus et Daniel Bouton, ancien PDG de la Société Générale. Le nom de Jean-Louis Borloo avait déjà été évoqué en septembre 2009 lorsqu'Henri Proglio avait quitté Veolia pour EDF.

Selon Libération, le dimanche 12 février Proglio et Sarkozy se sont rencontrés à l'Elysée pour discuter du sauvetage par EDF de la société Photowatt (voir nos articles). Mais la discussion aurait rapidement glissé sur le « cas Borloo » et son désaccord avec le refus de Nicolas Sarkozy de se prononcer en faveur du mariage gay. Borloo s'est également déclaré publiquement hostile à tout référendum sur le chômage ou l'immigration. Selon le quotidien, Nicolas Sarkozy et Henri Proglio auraient alors clairement évoqué le nom de Jean-Louis Borloo pour prendre la présidence de Veolia. Toujours selon Libération, la discussion se serait poursuivie dans l'avion, le jour du sauvetage de Photowatt. En substance le patron d'EDF, propose à Nicolas Sarkozy d'organiser une offensive visant à convaincre un certain nombre d'administrateurs de retirer le pouvoir à Antoine Frérot. Proglio aurait notamment plaidé auprès de Sarkozy pour un soutien des actionnaires qataris, qui détiennent 5% du capital.

Toujours selon Libération, au moins cinq membres du conseil d'administration auraient rencontré Jean-Louis Borloo, jeudi et vendredi dernier. Parmi eux, Augustin de Romanet, soutien dévoué qui fut son directeur de cabinet au ministère de l'Emploi en 2004. Sollicités par Libération, plusieurs de ces administrateurs ont confirmé ces rendez-vous, et au moins un d'entre eux aurait exprimé ses plus «froides réserves» quant à «l'opération Borloo.» Reste que ces «rencontres», plus ou moins discrètes, ont largement permis d'éventer le secret, un administrateur étant même convié par Jean-Louis Borloo, vendredi après-midi au siège du Parti radical... écrit le quotidien.

Proglio amer et très critique

L'hostilité de Proglio à l'égard de Frérot ne date pas d'hier. Après avoir récupéré en 2002 les activités environnement du naufrage de Vivendi, Henri Proglio a bâti Veolia en accélérant sa croissance à coups d'acquisitions souvent cher payées et d'endettement assumé. « Mais il a eu beaucoup de mal à lâcher les rênes. Depuis que les résultats de Veolia baissent, il est très amer, très critique », confirme un membre de son entourage. Et Henri Proglio, qui a réussi à cumuler pendant un an la double présidence d'EDF et de Veolia, ne fait rien pour aider son ex-poulain. Ainsi, l'avertissement sur résultat qui a fait l'effet d'une bombe sur les marchés fin juillet, a été lancé à cause d'EDF. « Le 28 juillet, nous avons reçu un coup de fil d'EDF nous annonçant qu'ils allaient publier le lendemain des dépréciations importantes sur Dalkia en Italie », raconte un membre de la direction. Dalkia International étant une filiale à 50-50 des deux groupes, Veolia a dû annoncer de son côté ces provisions. Et en a profité pour ajouter des dépréciations liées à plusieurs autres contrats et pays.

Présent, et souvent critique, au conseil d'administration de Veolia, Henri Proglio se tient par ailleurs étroitement au courant de ce qui passe dans son ex-groupe. « À sa demande, des membres de la direction lui rapportent régulièrement en passant par-dessus Frérot, comme s'il était aux commandes », confie un expert du secteur. Il a cependant renoncé à faire d'EDF le premier actionnaire de Veolia. En lot de consolation, il fait le forcing ces derniers temps pour qu'EDF monte à 50 % au capital de Dalkia France et exerce un « cocontrôle » sur cette filiale commune.

Entregent politique

« La dégringolade boursière de Veolia le met en délicatesse avec les actionnaires qu'il a fait venir au capital, comme le Qatar ou la famille Dassault », ajoute un connaisseur du groupe. La constitution d'un noyau dur a toujours été une obsession pour l'ancien PDG. « Cela reste une nécessité absolue, voire une urgence pour l'actuel patron qui mène des discussions dans ce sens », ajoute un proche de Proglio. Outre des relations très fortes avec les investisseurs, Henri Proglio se chargeait des liens avec les élus locaux. « Dans une entreprise aussi décentralisée, il faut une tête solide qui tienne les rênes d'une main de fer », note un spécialiste. Henri Proglio, à l'image de son mentor Guy Dejouany, le redouté patron de la Générale des Eaux, jouait ce rôle. « S'il y avait un problème quelque part, Proglio allait sur place sauver le coup », se souvient un ex-dirigeant du groupe.

Antoine Frérot, même s'il a dirigé deux des quatre branches de Veolia depuis 1990, n'a pas le même entregent politique. Il risque d'en payer le prix lors du conseil du 29 février.