Esso plaide pour une baisse de l'avantage fiscal du gazole

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  666  mots
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Francis Duseux, PDG de la filiale française d'ExxonMobil, estime qu'il est urgent d'amorcer un rééquilibrage de la fiscalité qui booste les ventes de gazole en France, afin de préserver les raffineries hexagonales. Esso France affiche des marges opérationnelles négatives en 2011.

D'une pierre, deux coups. « Il y a une opportunité. Avec un prix à la pompe élevé, si la fiscalité de l'essence baissait légèrement, ce serait bienvenu pour les consommateurs », lance Francis Duseux, patron d'Esso France, l'autre pétrolier, à côté de Total, qui raffine et distribue du carburant dans l'Hexagone. Surtout, une telle baisse permettrait, à terme, de moins importer de gazole, tout en vendant davantage d'essence, raffiné en trop grande quantité en France, affirme le PDG d'Esso.
En publiant jeudi des résultats opérationnels 2011 déficitaires (- 122 millions d'euros hors effet stocks), Francis Duseux a plaidé pour une harmonisation progressive des fiscalités entre essence et gazole. « La France est le seul pays qui affiche un tel écart de taxes entre les deux carburants. Il faut que le gouvernement considère rapidement cette question », déclare-t-il. Et les élections présidentielles lui semblent une bonne période. « Quelle que soit la nouvelle administration, l'énergie reste une question essentielle, stratégique pour la France. Ainsi que la nécessité d'enrayer les fermetures d'usines et les pertes d'emplois industriels », ajoute-t-il en faisant allusion à la crise qui frappe le raffinage.

La consommation de gazole a doublé en 25 ans

Le coup de pouce fiscal en faveur du gazole explique l'envolée de l'utilisation de ce carburant en France depuis 1990. Problème : les raffineries françaises produisent structurellement davantage d'essence que de gazole. Bilan : le doublement de la consommation de gazole depuis 25 ans, accompagné par un effondrement de la demande d'essence depuis 10 ans, met à mal les marges des raffineries hexagonales et la balance commerciale française. « On a importé 18 millions de tonnes de gazole russe en 2011, un peu plus de la moitié des 35 millions de tonnes consommés. Par rapport à 2010, les importations ont bondi de 20% », souligne Francis Duseux.
Et pour cause. Les raffineries ne cessent de fermer en France. Après celles de Dunkerque (Total), de Reichstatt (Petroplus) en 2010, deux autres établissements ont fermé début 2012 : la raffinerie de Lyondellbasell (Fos) est sous cocon tandis que l'activité de Petroplus à Petit Couronne est suspendue. Au total, une baisse de 30% des capacités depuis trois ans. « Aujourd'hui, les capacités de raffinerie françaises sont inférieures à la demande », affirme Francis Duseux. « Mais à terme, l'équilibre sera rétabli si la demande baisse de 15 à 20% sur dix ans, conformément aux prévisions ». Pour l'heure, « d'énormes bateaux arrivent au Havre ou à l'étang de Berre, remplis de produits pétroliers à des prix très inférieurs à ceux du marché français. Cela ne peut plus durer », martèle Francis Duseux.

Esso a perdu 0,36 euros par litre vendu ou raffiné en France

En attendant, les marges brutes de raffinage s'effondrent en France et en Europe : 14 euros par tonne sur le premier trimestre 2012 contre 21 euros en moyenne en 2011, entre 26 et 39 euros par tonne de 2004 à 2008. En raffinant dans ses deux établissements français (en Normandie et à Fos) et en distribuant du carburant dans ses 680 stations service hexagonales, Esso a perdu en 2011 0,36 centime d'euro par litre, soit une perte opérationnelle de 122 millions d'euros (hors effet de stocks). Cette marge était nulle en 2010, négative (-0,32 centime par litre) en 2009 mais s'établissait à 0,80 centime en 2007 et 2008.
D'où l'insistance du PDG d'Esso à plaider contre « les surcoûts en France et en Europe liés à la réglementation ». Surcoûts qu'il évalue à 2 euros la tonne, dont 0,6 euros pour le manque à gagner lié au déséquilibre essence/gazole. « Rééquilibrer progressivement cette fiscalité permettrait d'assurer un meilleur équilibre à l'outil de raffinage et ferait ainsi sauter un handicap purement franco-français », martèle-t-il. Même s'il faudra dix ans pour sentir les conséquences d'une baisse des taxes sur l'essence sur la consommation car la durée moyenne de détention d'une voiture en France est entre 8 et 12 ans. « Mais c'est possible », veut croire Francis Duseux. Selon la compagnie, l'essence supporte actuellement 111% de taxes contre 88% pour le gazole, ce qui explique l'écart de prix de 12,5% en faveur du gazole (1,44 euros par litre contre 1,62 euros pour l'essence).