Pourquoi l'EPR de Taishan démarrera avant ceux de Flamanville et de Finlande

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  671  mots
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Lancé plus de trois ans après l'EPR finlandais, un an après celui de Flamanville, l'EPR en construction en Chine devrait être le premier au monde à démarrer, fin 2013. La cuve de son réacteur a été mise en place ce mardi.

Les derniers seront décidemment les premiers. L'outsider chinois va finalement coiffer sur le poteau les deux autres EPR en construction, dont les chantiers ont pourtant démarré bien avant lui. Construit en Chine par l'électricien local CGNPC et son associé EDF, l'EPR Taishan 1 a franchi une étape décisive aujourd'hui avec la mise en place de sa cuve dans le bâtiment réacteur.

Lancé fin 2008, un an après le coulage du premier béton de l'EPR de Flamanville, trois et demi après celui de Finlande, le réacteur de Taishan devrait être mis en service fin 2013. La connexion au réseau du second réacteur EPR de Taishan, qui sort de terre à côté, est elle, prévue en 2014. Des chantiers qui auront duré cinq ans.

Flamanville plus laborieux encore que OL3

De quoi faire blêmir de jalousie les équipes d'EDF qui ont débuté la construction de Flamanville fin 2007. Le chantier normand, qui subit déboires sur avanies, accuse un retard de quatre ans ... après quatre ans et demi de travaux. Son démarrage, initialement prévu en 2012, est désormais repoussé à 2016. Ultime vexation pour EDF, ce serait alors le plus long chantier (entre 8 et 9 ans), encore plus long que l'EPR OL3 que construit Areva en Finlande depuis mi-2007. Le premier béton d'OL3 a eu lieu mi-2005 et sa mise en service est aujourd'hui prévue en 2014. Ce qui ferait 9 ans de construction. Bilan : les factures finlandaise et normande ont doublé, passant de 3 à 6 milliards d'euros. A Taishan, Anne Lauvergeon assurait fin 2010 que le budget de 3 milliards d'euros seraient tenus. EDF, détenteur de 30 % du projet aux côtés de CGNPC, ne commente pas pour l'heure.

Areva, fournisseur de l'EPR, est très à l'aise avec ces différences de délais. Mettant en avant les retours d'expériences de Finlande et de Normandie, il évalue à 40 % le gain de temps global entre OL3, qui a essuyé les plâtres d'une tête de série, et Taishan. Avec une diminution de 60 % du nombre d'heures d'ingénierie sur le périmètre de la seule chaudière nucléaire, 50 % de temps de construction en moins (du premier béton à la pose du dôme qui a eu lieu en octobre 2011 à Taishan, tandis qu'elle est prévue en 2013 à Flamanville). Quant au délai moyen d'approvisionnement, Areva l'estime réduit de 65 % entre les chantiers finlandais et chinois, grâce à une meilleure fiabilité du planning de fournitures. "50 % des équipes de Taishan ont participé aux projets OL3 ou de Flamanville", précise le constructeur.

Amplitudes horaires et primes chinoises

Le retour d'expérience n'explique pas tout. Taishan bénéficie de l'abondance d'une main d'?uvre qualifiée, qui travaille plus longtemps. Fin 2010, 9.000 ouvriers étaient présents à Taishan, le double des effectifs de Flamanville. Avec un son très vaste programme nucléaire lancé depuis cinq ans et 26 réacteurs en chantier dans le pays, la Chine dispose d'une main d'?uvre très compétente. Des amplitudes horaires élargies, sept jours sur sept, avec deux jours de repos par mois, augmentent sa productivité.

En outre, les procédures administratives liées à la sûreté semblent moins longues en Chine qu'en France et surtout qu'en Finlande, où elles se sont révélées particulièrement lourdes. Enfin, la gestion des projets est différente. La bonne tenue des délais est encouragée, en Chine, par des primes, qui peuvent aller jusqu'à doubler la rémunération du personnel. Sans oublier le célèbre savoir-faire chinois en matière de génie civil, qui a évité à Taishan les nombreux déboires de Bouygues en Finlande et en Normandie. A noter : Areva se contente à Flamanville de fournir la chaudière nucléaire alors qu'en Chine, il livre un ensemble plus vaste : les îlots nucléaires. En Finlande, le constructeur français a joué un rôle inédit pour lui en se chargeant de toute la construction "clé en mains" à l'instar de ce que fait EDF à Flamanville.