Gazprom dévoré de l'intérieur

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  441  mots
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Le groupe gazier Novatek vient de chiper à Gazprom un contrat de 16 milliards d'euros. Ce n'est pas la première fois que ce groupe privé, dont Total détient 15%, dame le pion au géant d'Etat.

De plus en plus insolemment, Novatek grignote des parts de marché au géant Gazprom, aussi bien à l'exportation que sur le marché domestique. La filiale russe du groupe allemand E.ON cessera ainsi à partir de 2013 d'acheter du gaz à l'ancien monopole d'Etat. E.ON lui a préféré Novatek, plus souple sur sa politique de prix. Ce n'est pas un contrat anecdotique, mais un contrat à long terme de 15 ans. Le conseil des directeurs d'E.ON a pris jeudi soir la décision stratégique de changer le fournisseur de ses quatre centrales électriques fonctionnant au gaz. Selon des informations officieuses venant du quotidien Kommersant, il s'agirait d'un volume de 7 milliards de m3 par an. Soit un manque à gagner pouvant aller jusqu'à 16 milliards d'euros pour Gazprom. D'autres estimations plus modestes indiquent des pertes de 144 millions d'euros par an pour Gazprom et des économies nettes de 12 millions d'euros par an pour E.On Russia. Rappelons au passage que E.On, la maison mère allemande, qui un temps détenait 10% du capital de Gazprom, a progressivement réduit sa participation et vendu ses derniers 3,5 % restants en 2010. Le divorce n'est pas total, puisque le groupe continue d'être l'un des plus importants acheteurs du gaz russe exporté par Gazprom.

Novatek contourne aussi le monopole d'exportation de Gazprom

Novatek avait déjà surpris son monde en devenant officiellement la semaine dernière le premier groupe gazier russe à négocier des volumes de gaz avec des groupes étrangers, également au nez et à la barbe de Gazprom. Officiellement, le géant d'Etat détient toujours deux monopoles : celui des gazoducs et celui des exportations. Novatek n'a conclut un contrat avec l'Allemand EnBW qu'en tant que négociant, et non pas en tant que fournisseur direct de gaz russe.

Mais la domination de Gazprom, que la politique du Kremlin a tout fait pour rendre absolue, apparaît clairement contestée depuis quelques mois. Novatek avait auparavant déjà soutiré quelques contrats emblématiques au leader, notamment en concluant des premiers contrats avec le groupe d'Etat Inter-RAO, producteur d'électricité. De plus en plus de négociants régionaux gagnent en indépendance et font jouer la compétition entre les fournisseurs de gaz. Gazprom conserve autour de 73% des parts du marché domestique, mais un consensus d'analystes voient cette part baisser à 70% en 2015. « La production de Novatek augmente, et le groupe bâtit des relations avec de nouveaux clients. Tandis que c'est exactement le phénomène inverse qu'on observe chez Gazprom », constate un expert du marché gazier. Novatek est détenu à 23,1% par l'homme d'affaires Guennadi Timchenko, réputé proche de Vladimir Poutine, et à 15,2% par le groupe français Total.