Le fioul domestique, grand oublié de la lutte contre la précarité énergétique

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  754  mots
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Alors que le projet de loi sur la "tarification progressive" du gaz et de l'électricité est déposé ce mercredi à l'Assemblée nationale, les 4 millions et demi de foyers qui se chauffent au fioul restent, eux, à l'écart de tout dispositif d'aide. Pourtant, le fioul flambe lui aussi.

Au moment où le gouvernement se mobilise pour aider les Français à amortir la flambée des coûts de l'énergie - pour les carburants la semaine dernière, mais aussi pour l'électricité et le gaz avec le projet de loi qui va être déposé ce mercredi - les quatre millions et demi de foyers français qui se chauffent au fioul domestique ne bénéficient, pour l'instant, d'aucune aide face à l'envolée de leur facture. Pourtant, à 0,996 centime le litre la semaine dernière, le fioul frôle, comme ses cousins les carburants, son record historique de mars dernier, à 1,015 euro le litre.

"Les familles remplissent de moins en moins les cuves"

"Sur les 3,8 millions de foyers français en situation de précarité énergétique - qui consacrent plus de 10% de leur budget aux dépenses d'énergie - une grande majorité d'entre eux se chauffent au fioul", affirme le président de la société FioulReduc, Guillaume Bort. Avec une consommation annuelle moyenne de 2.000 litres, c'est une facture de 2.000 euros qui s'annonce au moment où il faut faire le plein de sa cuve.

"Les familles approvisionnent leurs cuves de plus en plus tard, et les remplissent de moins en moins, et certaines personnes ne se chauffent plus qu'une journée sur deux ou trois, ce qui a des conséquences sur la santé notamment pour les personnes âgées", a expliqué à l'AFP le président de la Confédération nationale du logement (CNL), Serge Incerti-Formentini. "Il y a une situation socialement urgente et il faut une réponse à la hauteur des enjeux", ajoute-t-il.

Un site d'intermédiaires propose sa propre "Prime Fioul"

D'autant que le précédent dispositif d'aide directe a été supprimé. La "prime à la cuve", qui avait été portée de 75 à 200 euros, a été versée aux foyers non imposables de 2005 à 2010. Elle a été remplacée en 2011 par la "prime à la casse" qui consiste, elle, en une aide (de 150 à quelques centaines d'euros) en cas de remplacement d'une vieille chaudière. Un dispositif inadapté, selon la CNL, puisqu'une chaudière neuve nécessite un investissement de plusieurs milliers d'euros.

Si Pierre Moscovici a écarté récemment la possibilité de baisser, aussi, les taxes sur le fioul domestique, la question des tarifs sociaux pour les énergies dites "hors réseaux" (fioul, GPL, bois...) va être "ouverte" par le texte de loi sur la tarification progressive du gaz et de l'électricité, a promis à l'AFP son rapporteur, le président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, François Brottes. En attendant, la start-up FioulReduc en profite pour lancer sa "Prime Fioul", une offre de réduction de 100 euros réservée aux foyers non imposables. L'équivalent du montant de l'aide accordée au titre des tarifs sociaux gaz et électricité.

Electricité et gaz : payer plus quand on consomme plus

Quant au projet de tarification progressive de l'électricité et de gaz, qui doit être examiné le 11 septembre à l'Assemblée nationale, il s'agit de facturer à bas prix les premiers volumes de gaz naturel ou d'électricité consommés, puis à augmenter les prix par paliers successifs. Le tout en tenant compte du nombre de personnes composant la famille, de l'isolation thermique du logement, voire d'autres critères. "L'objectif c'est des économies d'énergie, c'est de responsabiliser les gens par rapport à leur consommation, et c'est aussi que la facture soit moins élevée quand on se chauffe raisonnablement", fait valoir François Brottes.

Un système compliqué à mettre en oeuvre

En pratique, le système fonctionnera un peu comme un bonus-malus, selon la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Delphine Batho. "Passé un certain forfait de nécessité pour s'éclairer, pour se chauffer, plus on consomme, plus on paye", a-t-elle expliqué la semaine dernière. Beaucoup d'interrogations subsistent sur ce dispositif. En effet, les ménages qui consomment le plus d'énergie sont parfois les plus précaires, parce qu'ils habitent des logements vétustes et énergivores et n'ont pas les moyens de faire des travaux d'isolation et/ou de s'équiper de chaudières ou radiateurs plus économes.

Enfin, la mise en ?uvre de cette réforme s'annonce complexe, ne serait-ce que parce que tous les logements ne sont pas équipés de compteurs individuels. De plus, on ne sait pas encore qui vérifiera les critères. Actuellement, ce sont les caisses d'allocations familiales qui gèrent l'attribution des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, en lien avec les fournisseurs.