Salon du nucléaire : "En fait, Fukushima nous a aidés"

Par Tiphaine Honoré  |   |  920  mots
"Les Chinois ont fait l'analyse du chantier de l'EPR de Tai Shan. Ils ont constaté un coût de production de l'électricité beaucoup moins cher que celui de l'énergie fossile", observe Gérard Kottmann.
Cette toute première édition du salon mondial du nucléaire s'est achevée jeudi soir à Paris. Dans un contexte national et international en apparence peu favorable à la filière, Gérard Kottmann, président de l’Association des industriels français exportateurs du nucléaire (AIFEN) lui promet pourtant un bel avenir.

Loi française de transition énergétique qui plafonne la production, ralentissement du marché depuis la catastrophe de Fukushima, coût du nucléaire "nouvelle génération", problèmes de retraitement des déchets radioactifs... l'atome français semble devoir faire face à de nombreux obstacles à son développement. En 2013, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont atteint 215 milliards d'euros, soit cinq fois plus que dans l'atome civil. Mais il s'accroche, assure Gérard Kottmann, président du salon mondial du nucléaire (WNE) et de l'AIFEN. Il en veut pour preuve ses perspectives à l'export et le dynamisme des PME et ETI qui composent sa filière.

La Tribune. La tenue de ce salon mondial à Paris n'est pas anodine. Qu'est ce qu'elle révèle de la place du nucléaire français dans le monde?

Gérard Kottmann. La meilleure preuve du rayonnement de la filière à l'étranger, c'est ce qu'on a vu sur ce salon : 495 exposants et quasiment 7.000 visiteurs en trois jours. Cela signifie que le nucléaire français, malgré les oppositions, jouit de la bonne réputation de son parc nucléaire et de son électricité bon marché. Egalement, on constate la vitalité de toutes les petites entreprises et industries autour, ces PME et ETI qui maillent le territoire français, et pas seulement les grands noms comme Areva, EDF ou Alstom.

Et puis Fukushima nous a finalement aidés. Car à travers la catastrophe [qui a contaminé près de 30.000 km2 au Japon: NDLR], les pays qui voulaient se lancer dans le nucléaire en se disant qu'ils pouvaient tout faire chez eux, eux-mêmes, se sont rendu compte que l'on n'entre pas dans le nucléaire comme ça. C'est une industrie exigeante, possessive, exclusive. Par ailleurs, Fukushima a mis le doigt sur un problème important: il faut bien prévoir tous les équipements de secours. Car si l'on regarde de plus près, on peut considérer que cet accident aurait pu être à la gloire du nucléaire. En effet, le réacteur n'a pas fauté, ce sont les équipements de secours qui ont été défaillants parce que l'électricien japonais n'avait pas pris les précautions qui pourtant lui avaient été recommandées. Une des forces du nucléaire français, c'est justement d'avoir une autorité de sûreté indépendante, extrêmement attentive à ce qu'il y ait une sécurité maximale autour des installations.

Mardi, l'Assemblée nationale a voté en première lecture la loi de transition énergétique qui prévoit la réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2025, et son plafonnement à 63,2 GW, soit sa capacité actuelle.  Quel signal cela envoie-t-il à l'industrie française?

Le nucléaire reste, selon moi, la source d'énergie prioritaire dans le mix-énergétique français. Le programme de "grand carénage" d'EDF [programme industriel visant à prolonger l'exploitation des centrales nucléaires au-delà des délais initialement prévus: NDLR] en est une preuve, puisqu'il couvre quand même 55 milliards d'euros d'investissements sur dix ans, pour rénover et moderniser le parc nucléaire d'ici à 2025. Le deuxième axe de développement, c'est l'export. On le voit avec le programme Hinkley Point [projet britannique de centrale nucléaire, auquel participe EDF, qui a été approuvé par la Commission européenne et implique des subventions publiques: NDLR], qui donne le coup d'envoi à un redéploiement du nucléaire en Europe. On parle toujours des pays quittant l'atome, mais beaucoup s'y mettent ou y reviennent aujourd'hui, comme l'Angleterre ou la Pologne! Même les Allemands se rendront compte un jour qu'ils vont droit dans le mur avec leur transition énergétique.

On constate par ailleurs que les entreprises exportent déjà beaucoup. En Chine notamment, où les Français sont très présents, comme le montre le Partenariat France Chine électricité (PFCE) qui invite les PME de l'Hexagone à s'y établir ou à nouer des accords. Il y a aussi l'Arabie Saoudite ou encore l'Afrique du Sud, dont la ministre de l'Energie est venue signer mardi un accord intergouvernemental avec la France sur la coopération nucléaire. Le développement de l'atome ne va donc pas s'appuyer seulement sur le marché français.

La part du nucléaire dans la production électrique mondiale était de 10,9% en 2012, contre 68,1% pour le thermique (pétrole, gaz, charbon). Quelle marge de progression possède-t-elle?

Nous sommes aujourd'hui 7 milliards d'habitants sur la planète. Un milliard d'entre nous a accès à l'électricité rien qu'en appuyant sur un bouton. Cinq milliards de personnes n'ont pas suffisamment d'électricité, comme en Inde où le déficit est majeur, ou en Chine, pays qui a quasiment besoin du double de ce qu'il possède actuellement. Il reste un milliard d'habitant dans le monde qui n'a aucun accès à l'électricité. En 2050, nous serons 10 milliards. Croyez-vous que ces 10 milliards vont se satisfaire de la répartition actuelle de l'accès à l'électricité ? Nous avons besoin d'un mix-énergétique raisonné incluant le nucléaire. Il faut un volume d'affaires suffisant pour permettre aux fabricants d'avoir une activité continue.

 Mais cette activité ne va-t-elle pas être freinée par le coût élevé du nucléaire dit "de nouvelle génération"?

 Les Chinois ont fait l'analyse du chantier de l'EPR de Tai Shan. Ils ont constaté un coût de production de l'électricité beaucoup moins cher que celui de l'énergie fossile, qui entraîne des installations de dépollution onéreuses.