"La transition énergétique va relancer l'économie dans les territoires"

Par Tiphaine Honoré  |   |  707  mots
"18 millions de maisons individuelles, construites dans les années 50 sont de véritables passoires thermiques, qu'il faut rénover".
La 3e Conférence environnementale s'est achevée vendredi 28 novembre au Palais de l'Elysée en fixant la feuille de route écologique du gouvernement, engagé dans la Transition énergétique. Des chantiers et des investissements importants sont attendus dans les territoires, alors que les collectivités se disent prises à la gorge par les baisses de dotation de l'Etat...

Manuel Valls l'a confirmé jeudi 27 novembre à la clôture du Salon des Maires : les 11 milliards d'économies sur les finances des collectivités locales auront bien lieu. Dans ce contexte, difficile d'exiger des élus des mesures fortes pour les transports propres, le recyclage, la production d'énergie et la rénovation des bâtiments, comme le veut la loi de transition énergétique. Sauf qu'au delà du fonds de financement de 5 milliards d'euros à la Caisse des dépôts -prévu par le texte-, les territoires ont déjà développé de nombreux outils pour s'engager dans cette transition assurent Yann Person, fondateur du bureau d'étude Energie Perspective et Marc Desforges, du "do-thank" la Fabrique des territoires innovants. Interview croisée.

La Tribune : Comment les régions et départements peuvent-ils accorder des subventions aux particuliers pour se lancer dans des investissements de rénovation énergétique dans ce contexte?

Marc Desforges : Je ne pense pas que la baisse de dotation de 11 milliards d'euros aura un impact direct sur les travaux de transition énergétique. Ce n'est pas la réduction de 10% des subventions qui va freiner des projets à 5 000 ou 10 000 euros en moyenne, mais plutôt le manque de confiance dû à une qualité souvent moyenne des dispositifs.

Yann Person : En plus des aides nationales comme le Crédit d'impôt transition énergétique (CITE) et les prêts à taux zéro, les particuliers peuvent recevoir un accompagnement financier au niveau régional, mais c'est au cas par cas. Chaque territoire articule les aides qu'il alloue. Par exemple en Pays de la Loire, si les travaux prévus aboutissent à une économie d'énergie de 40%, le conseil régional participera au budget du chantier proportionnellement à son montant. Les collectivités vont donner des coups de pouce ciblés, par exemple 300 euros du m2 de panneau solaire installé.

Quel axe de la transition énergétique - rénovation thermique, transports propres, production d'énergie verte - les collectivités doivent-elle prioriser?

Y.P. : Il n'y a pas de règle, chaque collectivité décide des priorités en fonction de la richesse de son territoire. S'il est boisé, elle privilégiera la biomasse par exemple. Ce qui est obligatoire, c'est de mettre en place des démarches. Par contre ce qui est clair, c'est que l'accent est mis aujourd'hui sur la rénovation thermique. Une triple raison existe : le confort des citoyens et la préservation de leur pouvoir d'achat, ainsi que le soutien à la filière du bâtiment qui se base sur des emplois non-délocalisables. D'autant qu'elle représente 38% des émissions de gaz à effet de serre...

M. D. :Sur la rénovation des bâtiments, il y a un énorme marché à saisir! 18 millions de maisons individuelles, construites dans les années 50 sont de véritables passoires thermiques, qu'il faut rénover. Si l'on multiplie ce chiffre par les 10.000 euros nécessaires en moyenne pour les travaux, cela constitue des retombées considérables pour l'artisanat local, et donc les territoires. La transition énergétique, à travers l'isolation thermique, va créer une véritable relance économique dans les territoires!

Si la baisse des aides de l'Etat n'aura pas d'impact majeur, qu'est ce qui pourrait freiner les projets "verts" dans les territoires et quelles sont les conditions de la réussite?

Y.P. : Les élus sont les moteurs des chantiers de transition énergétique, leur engagement est donc crucial. Mais outre les maires et conseillers, pour atteindre les 500 000 rénovations par an en 2017 il faut aussi que les banquiers et les industriels s'impliquent. De tous ces acteurs dépend la réussite du projet. Chacun doit fonctionner avec le meilleur rendement de l'euro investi. Aujourd'hui nous ne sommes encore qu'à 150 000 rénovations annuelles... Il faut donc encourager les alliances public-privé pour mutualiser les moyens.

M.D : Les collectivités sont focalisées sur la précarité énergétique, mais 90% des personnes ont en réalité les moyens de se lancer dans des travaux. Sauf qu'ils ne passent pas le cap par crainte d'un mauvais résultat et par méconnaissance [seuls 38% des Français comprennent la loi de Transition énergétique selon l'étude Ifop publiée lundi 24 novembre NDLR]. La clé, c'est l'économie de la confiance.