À son tour, le Portugal presse la France de soutenir le gazoduc pyrénéen MidCat

Par latribune.fr  |   |  773  mots
MidCat permettrait à l'Espagne et au Portugal d'acheminer du gaz vers l'Europe centrale en passant par la France. (Crédits : Hannibal Hanschke)
Le Premier ministre portugais, Antonio Costa, demande à la France de donner son feu vert à la relance du MidCat, le projet de gazoduc entre la France et l'Espagne. Une infrastructure nécessaire selon Lisbonne pour aider l’Europe à se passer du gaz russe. Un argument qu’Emmanuel Macron qualifie de « faux ».

Après l'Espagne et l'Allemagne, c'est désormais le Portugal qui fait des appels du pied poussés à la France au sujet du projet MidCat. Ce gazoduc permettrait à l'Espagne et au Portugal d'acheminer du gaz provenant sous forme de GNL des États-Unis ou du Qatar, vers l'Europe centrale en passant par la France. Une infrastructure que les deux pays considèrent comme une solution pour que l'Europe centrale et orientale puissent se passer des importations gazières russes.

Mais la France ne partage pas cet avis. Interrogé la semaine dernière sur le sujet, Emmanuel Macron a estimé que le besoin d'une telle infrastructure n'était « pas évident », considérant notamment qu'elle ne résoudrait pas le problème gazier.

« J'espère que la France comprendra qu'il n'est plus possible de bloquer ce projet. J'espère que cela se produira le plus rapidement possible », a déclaré ce lundi 12 septembre le Premier ministre portugais, Antonio Costa aux chaînes de télévision TVI et CNN Portugal.

Pas de concurrence possible entre les énergies

Pour l'Espagne et le Portugal, les deux pays avancent comme argument qu'ils disposent de sept terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Ces derniers pourraient approvisionner l'Europe centrale via des gazoducs tels que MidCat (dont l'abréviation signifie Midi (sud de la France) et Catalogne (nord-est de l'Espagne), les deux régions qu'il connecterait).

Pour le président français, il n'y a « pas un besoin de l'Espagne d'exporter ses capacités gazières vers la France » puisque la péninsule utilise actuellement les gazoducs la reliant à la France pour « importer » du gaz.

Le Premier ministre portugais a déclaré comprendre la position de la France, qui cherche à protéger son secteur nucléaire en difficulté, mais a prévenu que les pays d'Europe centrale et orientale devaient de toute urgence diversifier leurs sources d'énergie. « Aujourd'hui, avec la crise énergétique en Europe, il ne peut y avoir cette concurrence entre les types d'énergie », a-t-il dit.

Un projet nécessaire pour les uns...

Pour les deux pays, tout comme l'Allemagne, la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine a montré qu'un tel gazoduc était nécessaire. Ils ne comptent pas abandonner l'idée de si tôt. Pour la ministre de la Transition écologique espagnole, ce projet ne relève d'ailleurs pas des seules « relations bilatérales » entre Paris et Madrid, a estimé Teresa Ribera sur la radio Onda Cero.

« Par conséquent, le débat (sur son utilité) ne peut donc pas être clos par les déclarations d'un seul pays », a-t-elle poursuivi. Et de préciser que la construction d'un nouveau gazoduc entre la France et l'Espagne est un projet « d'intérêt européen » que Madrid va continuer à défendre.

Les défenseurs de MidCat avancent aussi l'atout selon lequel le pipeline serait en mesure de transporter, dans le futur, de l'hydrogène vert en Europe. Un argument balayé par Emmanuel Macron. « Tous les experts aujourd'hui le disent : il est faux de dire qu'un gazoduc pourra demain transporter de l'hydrogène, ça supposera des nouveaux travaux très lourds », a-t-il affirmé.

Le président français a néanmoins ajouté que si le chancelier allemand Olaf Scholz ou le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez venaient à lui démontrer le contraire, il serait « prêt à revoir [sa] position ».

... trop peu intéressant pour la France

Les arguments côté français à la défaveur de MidCat sont variés. « Un tel projet mettrait de nombreuses années à être opérationnel, le temps des études et des travaux pour ce type d'infrastructures étant toujours de plusieurs années, et ne répondrait donc pas à la crise actuelle », faisait-on valoir il y a quelques jours au ministère de la Transition énergétique.

La France ne trouverait en outre pas forcément son intérêt dans la construction d'un vaste pipeline permettant à la péninsule ibérique de vendre son gaz en Europe centrale. L'Hexagone dispose en plus d'un terminal de regazéification à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) qui lui permet d'importer de larges quantités de GNL sans avoir besoin d'un nouveau gazoduc. Et le gouvernement prévoit de construire un quatrième terminal méthanier au Havre.