Coup de théâtre : Poutine fait volte-face et exige le paiement du gaz russe en roubles dès ce 1er avril

Par latribune.fr  |   |  1080  mots
« La Russie reste fidèle à ses obligations contractuelles, en volume comme en prix », affirme Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. (Crédits : SPUTNIK)
Alors que l'Allemagne et la Russie indiquaient hier que le paiement par les Européens du gaz russe passerait progressivement de l'euro au rouble, Vladimir Poutine impose le contraire. Le président russe a annoncé que ce serait une obligation dès ce vendredi 1er avril. Il va même plus loin menaçant de conséquences les acheteurs qui ne s'y plieraient pas. Une déclaration qui intervient alors que la Commission européenne faisaient planer la menace de nouvelles sanctions si la Russie maintenait cette position.

Mardi, Moscou avait dit mardi réduire "radicalement" son activité en direction de Kiev et Tcherniguiv à la suite de pourparlers russo-ukrainiens à Istanbul avant de sembler revenir sur ces annonces puisque les attaques russes contre ces deux villes du nord de l'Ukraine se sont poursuivies mercredi. C'est un peu la même chose pour le paiement du gaz russe en roubles et non plus en euros comme c'est le cas jusqu'ici. Mercredi, Vladimir Poutine avait, en effet, assuré que les paiements de l'Europe le mois prochain "continueraient à être en euros et transférés comme d'habitude sur la Gazprom Bank, qui n'est pas frappée de sanctions", et qu'elle se chargerait de la conversion en roubles. Le paiement en roubles ne doit pas désavantager les clients européens, avait-il assuré. Le passage à une facturation en roubles se fera progressivement, a précisé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Volte-face ce jeudi, le président russe a annoncé avoir signé un décret imposant aux acheteurs des pays étrangers "inamicaux" de payer en roubles les livraisons de gaz naturel à compter de vendredi, et prévoyant la suspension des contrats en cours s'ils n'obtempèrent pas.

Renforcer la "souveraineté" de la Russie

Concrètement, les sociétés importatrices de gaz devront ouvrir un compte en roubles dans une banque russe pour se soumettre à cette nouvelle condition. « C'est à partir de ces comptes que seront effectués les paiements pour le gaz livré à partir de demain », a déclaré le président russe dans une allocution retransmise à la télévision, présentant cette mesure comme un moyen de renforcer la « souveraineté » de la Russie face aux sanctions occidentales, dont le gel d'une partie des avoirs de sa banque centrale.

« Si de tels paiements ne sont pas effectués, nous considérerons cela comme un défaut de la part des acheteurs, avec toutes les conséquences qui en découlent. Personne ne nous vend quoi que ce soit gratuitement, et nous n'allons pas non plus faire de charité - c'est-à-dire que les contrats existants seront annulés », a averti Vladimir Poutine.

La décision de passer à une facturation en roubles permet à la Russie de soutenir sa monnaie nationale, chahutée par les sanctions, mais la privera d'une source de devises. D'ores et déjà, la Russie oblige ses exportateurs, y compris Gazprom, à convertir 80% de leur chiffre d'affaires en roubles. Ces mesures et un taux d'intérêt directeur à 20% ont permis à la monnaie russe de se reprendre. Après avoir considérablement dévissé dans la foulée du début de l'offensive russe le 24 février, elle revient à des niveaux proches de ceux enregistrés avant l'assaut.

Plus tôt ce jeudi 31 mars, Dmitri Peskov a d'ailleurs minimisé la portée de cette mesure obligeant les Européens à payer leurs factures de gaz en roubles. « De facto, pour celui qui reçoit le gaz russe, qui paye les livraisons, il n'y a dans les faits aucun changement. Ils acquièrent juste des roubles pour le montant en devise qui est prévu dans le contrat » d'approvisionnement en gaz, a-t-il souligné.

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De possibles nouvelles sanctions contre la Russie si Poutine persiste

Cette annonce de Vladimir Poutine intervient en tout cas dans un contexte où la Commission européenne préparait de nouvelles sanctions contre la Russie, d'après ce qu'ont indiqué diverses sources à Reuters ce mercredi 30 mars. Leur teneur n'avait pas encore été révélée, mais une ombre planait sur le fait qu'elles pourraient être bien plus strictes que jusqu'à présent si le président russe insistait pour que les livraisons de gaz russe vers l'Europe soient payées en roubles. Chose désormais actée.

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L'une des sources européennes avait déclaré que la réaction de Bruxelles dépendrait du calendrier et des modalités réclamés par Moscou pour les paiements du gaz russe. Un représentant de la zone euro a indiqué à Reuters que les ministres des Finances de la zone euro s'entretiendraient lundi 4 avril d'éventuelles mesures de représailles dans l'hypothèse où Vladimir Poutine mette sa menace à exécution. D'après une cinquième source européenne, la Russie pourrait de facto imposer un embargo sur ses propres exportations de gaz naturel en s'en tenant à la position affichée par son président. Le nouvel ensemble de sanctions européennes pourrait en tout cas être prêt dès la semaine prochaine.

Par ailleurs, la Commission européenne mène des consultations avec des gouvernements du bloc communautaire sur des mesures de « vérification », d'après ces sources. Cela s'inscrirait dans la lignée de ce que les Vingt-Sept ont convenu lors d'un sommet organisé la semaine dernière : s'assurer que les sanctions déjà imposées contre la Russie ne sont pas contournées, en particulier celles ciblant les oligarques.

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L'Europe ne lâche pas, la France et l'Allemagne se préparent à un potentiel arrêt des livraisons

Les pays européens continueront de payer le gaz russe en euros et dollars comme cela est « écrit dans les contrats », a répondu ce jeudi 31 mars Olaf Scholz à Vladimir Poutine. « Il est écrit dans les contrats que les paiements se font en euros et parfois en dollars », a expliqué le chancelier allemand lors d'une conférence de presse avec son homologue autrichien, Karl Nehammer. « J'ai dit clairement au président russe que cela resterait ainsi » et « les entreprises veulent pouvoir payer en euros et le feront », a-t-il ajouté.

Dans ce contexte de tensions, l'Allemagne et la France se « préparent » à un potentiel arrêt des importations de gaz russe. « Il peut y avoir une situation dans laquelle demain, dans des circonstances très particulières, il n'y aura plus de gaz russe (...) c'est à nous de préparer ces scénarios là, et nous les préparons », a détaillé le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse à Berlin avec son homologue allemand.

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