EDF se transforme en moteur de l’énergie solaire en France

Par Dominique Pialot  |   |  904  mots
EDF veut devenir le moteur de l'accélération solaire en France.
Jusqu’ici plus actif à l’international que dans l’Hexagone en matière d’énergies renouvelables, l’opérateur français annonce un plan solaire de 30 gigawatts entre 2020 et 2035. Avec la bénédiction du gouvernement, prêt à modifier les règles en vigueur pour permettre à l’entreprise publique d’atteindre cet objectif ambitieux.

La partie de ping-pong entre l'électricien français et son ministère de tutelle, dirigé par Nicolas Hulot, continue. Juste après avoir annoncé que l'objectif de 50% de nucléaire dans le mix énergétique français en 2025 devait être repoussé après cette date initialement fixée par la loi de transition énergétique, le ministre avait demandé à EDF un « plan précis » pour accélérer le développement des énergies renouvelables en France.

Il est vrai que la France accuse aujourd'hui un retard certain en la matière. D'aucuns ont pu soupçonner l'entreprise de ne pas être plus impatiente que cela de voir progresser la part des énergies renouvelables. En effet, dans le contexte d'une consommation qui n'augmente plus, toute nouvelle source de production risque de provoquer une surcapacité, à moins de remplacer d'autres capacités. D'ailleurs, selon les prévisions de RTE, le réseau de transport d'électricité, la France doit au moins multiplier par trois ses capacités en solaire et en éolien d'ici à 2035 pour pouvoir diminuer la part de nucléaire dans la production d'électricité, sans émettre plus de gaz à effet de serre.

Ce 11 décembre, EDF a donc décidé de « changer de braquet », d'aborder « un véritable tournant », de viser « une nouvelle frontière ». Alors qu'on ne compte aujourd'hui que 7 gigawatts (GW)  de solaire installés en France, EDF lance un plan solaire assorti d'un objectif ambitieux : en installer 30 GW entre 2020 et 2030.

«La France dispose du cinquième potentiel d'ensoleillement en Europe, mais le photovoltaïque ne représente que 1,6% de notre production électrique, contre 3,5% pour la Grande-Bretagne et 6% pour l'Allemagne», a rappelé Jean-Bernard Lévy ce lundi lors d'une conférence de presse.

En outre, avec seulement 500 MW raccordés, les capacités installées en France en 2016 ont été les plus faibles depuis plusieurs années.

Un investissement de 25 milliards largement porté par les banques et partenaires

EDF prend cette décision alors que les prix du solaire ont été divisés par 10 en dix ans. Dans des zones très ensoleillées, notamment l'Arabie saoudite et le Mexique où l'électricien vient de concourir, des appels d'offres ont été remportés à des tarifs compris entre 18 et 20 euros le MW/h. En France, où le prix est plus proche de 50 euros le MW/h, EDF espère le faire baisser de 20% d'ici à 2022.

Pour atteindre ses objectifs, EDF, via sa filiale spécialisée dans les énergies renouvelables, EDF EN, vise à lui seul 1,5 GW par an sur la période 2020-2025, 2 GW pour 2026-2030, puis 2,5 GW entre 2031 et 2035. Bonne nouvelle, Nicolas Hulot a annoncé ce même 11 décembre lors d'une conférence sur les énergies renouvelables qu'il augmentait les volumes des appels d'offres de 1 GW par an pour les porter à 2,45 GW.

Mais cela ne résout pas tout. Conformément à la règle rappelée par son PDG Jean-Bernard Lévy, « un mégawatt, un hectare, un million », le projet correspond à environ 25 milliards d'investissement et entre 25.000 et 30.000 hectares de foncier disponible.
Financièrement, Jean-Bernard Lévy insiste : l'investissement de 25 milliards sera essentiellement pris en charge par des banques et des partenaires financiers, comme c'est le habituellement le cas pour les projets d'énergies renouvelables. Et de rappeler que EDF n'a pas de difficulté à attirer ces partenaires, comme le montre l'arrivée il y a deux ans du Canadien Enbridge dans ses projets éoliens offshore, bien décidé à participer plus largement au développement des énergies renouvelables auprès de l'électricien.

Malgré tout, ce projet laisse songeur, alors que l'entreprise est déjà endettée de 37 milliards et doit faire face au grand carénage mais aussi à la construction des EPR de Flamanville et de Hinkley Point C en Angleterre.

Le gouvernement prêt à adapter les règles en vigueur

Concernant le foncier, l'électricien est prêt à exploiter celui dont il est déjà propriétaire : terrains entourant ses centrales, friches industrielles ou sites en voie de démantèlement. Il envisage également de poser du photovoltaïque sur des retenues d'eau. Utiliser un terrain dont il est propriétaire pourrait d'ailleurs lui conférer un avantage sur ses concurrents.

Mais son projet, qui repose sur des centrales de 100 MW et plus, autorisant des économies d'échelle de tous ordres, implique également une modification des règles d'appels d'offres aujourd'hui en vigueur. En effet, il n'est aujourd'hui pas possible de construire des centrales au sol de plus de 17 MW. La taille moyenne d'une centrale solaire française est aujourd'hui de 12 MW.

Mais cela ne devrait pas être un problème. Lors d'une conférence sur les énergies renouvelables à laquelle tous deux participaient, Nicolas Hulot s'est en effet publiquement félicité de l'annonce de l'électricien. Saluant « une révolution culturelle », « un changement de mentalité », il a promis :

« Là où je suis, je ferai en sorte de réunir toutes les conditions pour que vous puissiez atteindre vos objectifs. »

Et voilà comment le champion du nucléaire en France est en passe de devenir aussi le champion du solaire. Sans rien rogner, à ce jour, de ses capacités nucléaires, qu'il rêve au contraire de prolonger jusqu'aux 60 ans au moins des centrales. Jean-Bernard Lévy n'a d'ailleurs pas manqué de rappeler la "complémentarité entre les énergies renouvelables et un nucléaire flexible."

Pour reprendre le commentaire d'un observateur connaisseur du sujet :

« Mais que vont-ils faire de tous ces électrons ? »