Comment retirer du CO2 de l'atmosphère ?

L'objectif de neutralité carbone, inscrit dans l'accord de Paris, suscite un regain d'intérêt pour les solutions permettant d'accroître la capacité de la planète, notamment des sols, à absorber plus de dioxyde de carbone.
Dominique Pialot
Le 29 juillet, la population éthiopienne a planté 350.000 arbres en 12 heures, dans le cadre du programme gouvernemental visant à atteindre le nombre de 4 milliards au mois d'octobre.
Le 29 juillet, la population éthiopienne a planté 350.000 arbres en 12 heures, dans le cadre du programme gouvernemental visant à atteindre le nombre de 4 milliards au mois d'octobre. (Crédits : Michael Tewelde/AFP)

Mis en lumière par les récents incendies qui ravagent plusieurs régions dans le monde, de la Sibérie à l'Amazonie en passant par l'Afrique subsaharienne, le rôle des forêts dans la régulation du climat est désormais connu de tous. Les arbres et autres végétaux absorbent aujourd'hui un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, les initiatives de reboisement se multiplient : 1 arbre par élève, soit 230.000 arbres, pour la région Occitanie ; 50 millions en cinq ans pour le fabriquant d'équipement de loisirs de plein air Timberland ; 350.000 en 12 heures le 29 juillet en Éthiopie, dans le cadre d'un programme de 4 milliards d'ici à octobre ; 440 millions promis par l'Irlande d'ici à 2040...

Comme le souligne le think tank américain World Resources Institute (WRI), les effets bénéfiques du reboisement dépassent la seule capacité d'absorption des arbres. Ils permettent notamment de restaurer l'habitat de certaines espèces animales, d'accroître la fertilité des sols, de limiter le risque d'inondation, d'améliorer la qualité de l'air...

Cependant, soulignent les auteurs, l'ampleur des bénéfices dépend des essences replantées. Les variétés à racines profondes et l'agroforesterie - consistant à mixer sur un même terrain agriculture et forêts - sont les pistes à privilégier pour accroître la capacité d'absorption du CO2, en veillant à prendre en compte les spécificités locales (nature du sol, conditions climatiques, mode de gestion antérieur du terrain...) En outre, enrichir le sol en carbone est bénéfique jusqu'à un certain point, notamment sur le plan des rendements agricoles, à condition de ne pas atteindre un niveau de saturation aux effets contraires.

Pour cette même raison, les auteurs mettent en garde contre des plantations trop nombreuses dans des zones qui n'étaient pas préalablement boisées. D'autant plus que cette pratique pourrait entraîner des conflits d'usage des sols, synonymes de pression sur les prix du foncier, voire de menaces sur la sécurité alimentaire mondiale.

La bioénergie, solution miracle ?

Ces mêmes mises en garde s'appliquent à la bioénergie avec captage et stockage de CO2 (BECCS). Pourtant, cette technique consistant à brûler de la biomasse pour produire de l'énergie, puis à capter et stocker le CO2 émis par cette combustion, suscite beaucoup d'espoirs, car elle génère ce que les experts appellent des « émissions négatives ». Autrement dit, à l'issue de l'opération, la quantité de CO2 dans l'atmosphère est inférieure à ce qu'elle était antérieurement, car on comptabilise le CO2 absorbé tout au long de la croissance de la plante avant d'être brûlée.

C'est pourquoi la bioénergie apparaît comme la variable d'ajustement dans de nombreux modèles climatiques. Elle présente d'autres bénéfices pour l'homme et les écosystèmes : santé du sol, productivité agricole, protection des ressources en eau, etc. Pourtant, rappelle le rapport du WRI, le Giec (groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) luimême met en garde contre les risques inhérents à un recours trop massif à cette solution.

L'utilisation de cultures dédiées, exclusivement destinées à être brûlées dans ces conditions, générerait des conflits d'usage en venant concurrencer l'agriculture. D'où la préconisation des auteurs : utiliser pour la bioénergie des déchets agricoles et forestiers plutôt que des cultures dédiées.

En outre, le coût actuel du captage et stockage du CO2 demeure trop élevé pour permettre la viabilité économique de cette solution, dont le potentiel demeure incertain.

Des solutions à manier avec discernement

Dans tous les cas, les auteurs soulignent la nécessité mais aussi la difficulté de mesurer précisément le bilan carbone de cette solution. Il s'agit de démontrer que la situation, du point de vue de la quantité de CO2 absorbée, est meilleure qu'elle ne l'aurait été sans recourir à cette technique et que ce résultat n'aurait pu être obtenu sans cette intervention. Il importe aussi d'éviter les effets pervers susceptibles de survenir ailleurs sur la chaîne de valeur. Ainsi, un allongement des périodes de rotation dans une forêt destinée à augmenter le temps d'absorption du CO2 risque de provoquer l'abattage d'une autre plantation afin de pallier la pénurie de bois ou de coproduits qui pourrait en résulter.

D'autres solutions existent pour supprimer du CO2 de l'atmosphère. Le « charbon vert » est issu de la pyrolyse d'une biomasse ligneuse, brûlée dans un environnement pauvre en oxygène. Le produit obtenu peut servir à enrichir les sols mais présente les mêmes risques de conflit d'usages que la bioénergie.

D'autres techniques consistent à accélérer des réactions naturelles entre le CO2 certaines sources réactives, par exemple certaines pierres qui, au contact du CO2, produisent du carbonate ou bicarbonate qui peut, là encore, être utilisé pour fertiliser le sol.

De façon générale, les approches par les sols, qui consistent à en améliorer la capacité d'absorption, se révèlent efficaces mais ne doivent pas être appliquées à trop grande échelle. Et en particulier, pas à l'échelle qui serait nécessaire pour absorber intégralement le CO excédentaire dans 2 l'atmosphère si l'on voulait respecter l'accord de Paris. En suscitant trop d'espoirs, elles risquent même d'encourager les différents acteurs à relâcher leurs efforts de réduction de leurs émissions alors même qu'elles en démontrent l'absolue nécessité. Aussi, dans la foulée du Giec, le WRI préconise de poursuivre les investissements dans les techniques de captage direct. « Afin d'améliorer la compétitivité économique de ces technologies, les États ont un rôle important à jouer en particulier dans la recherche et développement ou l'instauration de mesures incitatives, explique à La Tribune Kelly Levin, spécialiste du carbone au WRI. Comme cela a été le cas dans les énergies renouvelables, les premiers à miser sur ces solutions en retireront les bénéfices. »

Dominique Pialot

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Commentaires 5
à écrit le 05/10/2019 à 9:58
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Vous pardonnerez à l'expert que je suis son commentaire. La seule façon de résoudre un problème ,et cette remarque est générale, est de le traiter à la source . Comment cela se traduit-il dans le cas des combustibles fossiles? Vous devez réalisez un...

à écrit le 04/10/2019 à 13:30
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Pour récupérer le CO² émis par les énergies fossiles il n'y a qu'un seul moyen : attendre. C'est scientifique, le CO² est un gaz stable et diffus, le seul moyen d'en diminuer la concentration dans l'air, c'est d'arrêter d'utiliser les combustibles fo...

à écrit le 04/10/2019 à 8:52
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SUprimer les banques et planter des arbres, les principales solutions pour sauver la planète, bon vu que ce sont ces premières qui dirigent le monde il nous reste à planter des arbres, c'est pas difficile largement à la portée même des dictatures qui...

à écrit le 04/10/2019 à 7:18
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"Comment retirer du CO2 de l'atmosphère ?" : Le CO2 se "retire" tout seul. Le seul problème est d'arrêter d'en produire, et pour cela, il faut faire moins d'enfants.

le 06/10/2019 à 15:14
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A @technique : Vous pardonnerez au chimiste retraité que je suis ses interrogations. "Réaliser une oxydation maitrisée des combustibles....", je vois ce que cela signifie. "Séparer le CO2 formé et le séquestrer....", pas de problème. Mais par co...

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