EDF veut aider les particuliers à consommer leur propre électricité solaire

L’électricien national propose aux propriétaires de maisons individuelles de s’équiper en panneaux et batteries afin de consommer leur production pour leurs propres besoins, et non plus pour l’injecter sur le réseau comme c’était jusqu’à présent le cas.
Dominique Pialot
L'électricien opère avec cette nouvelle offre un net changement de pied sur l'autoconsommation. Il n'y a pas si longtemps, il fustigeait les « passagers clandestins ».

Qu'on se le dise, il est possible d'utiliser directement l'électricité produite par les panneaux posés sur votre toit pour alimenter votre machine à laver, votre grille-pain ou votre voiture électrique, au lieu de l'acheter à EDF. A vrai dire, si vous vous adressez à EDF ENR, filiale de l'électricien chargée du solaire « distribué » (par opposition aux centrales au sol), cela sera même une obligation. Avec « Mon soleil et moi », plus question d'injecter sa production sur le réseau. EDF prend le virage de l'autoconsommation dans le résidentiel. L'offre se compose d'un conseil concernant le dimensionnement de l'installation, d'un accompagnement financier, d'un pilotage des usages, d'une application sur smartphone ou tablette permettant de suivre à la fois sa consommation et sa production, et, en option, de batteries permettant de stocker le surplus d'électricité produite. Cela permet d'augmenter son taux d'autoconsommation de façon significative, car, rappelle Antoine Cahuzac, directeur exécutif du pôle Energies renouvelables d'EDF, le taux d'autoconsommation se situe en général entre 20% et 40% seulement. Les batteries, d'une capacité de 3 à 9 kWh, seront fournies par le coréen LG Chem, préféré à l'américain Tesla et au français Schneider Electric. Outre les panneaux en toiture, l'offre comprend des ombrières et même des « smart flowers » très design suivant la course du soleil à planter dans son jardin.

Des clients demandeurs même sans intérêt financier immédiat

Benjamin Declas, directeur général de EDF ENR, l'affirme. Ce sont les clients, dont 550 l'expérimentent depuis déjà trois ans, qui ont promu la solution proposée. Des coûts d'équipements (panneaux solaires mais aussi, désormais, batteries) en baisse constante, une régulation favorable et, surtout, un mouvement sociétal en faveur du « faire soi-même » dans tous les domaines, expliqueraient cet engouement. Avec une part de marché d'environ 30% (outre la start-up ComWatt, son concurrent Engie, notamment, propose également des solutions d'autoconsommation, mais, pour l'heure, sans solution de stockage), il mise sur quelque 3000 installations par an, avec une progression annuelle de 10%, reflétant une dynamique nouvelle qui serait en train de voir le jour. La semaine dernière en effet, une étude commandée à Opinion Way pour Enerplan indiquait que les consommateurs étaient séduits à 47% par la perspective de l'autoconsommation, mais ne prévoyaient toutefois pas de passer à l'acte avant 5 ans.

Pas sûr que les tarifs proposés par EDF ENR aident à accélérer le mouvement. Il faut en effet compter pas moins de 10.000 euros pour l'installation la plus simple : un générateur de 2 kWh sans batterie (qui coûtent au minimum 6.000 euros). Et hormis sur quelques spots du Sud Est de l'Hexagone, l'investissement n'est pas encore rentable. Même avec la poursuite de la baisse des coûts des équipements, qui devrait rendre la solution séduisante dans tout le sud de la Loire, difficile d'imaginer un retour sur investissement plus rapide qu'en une quinzaine d'années, pour une installation susceptible de produire pendant près de trente ans. Outre la baisse, prévue, des tarifs de rachat par EDF de l'électricité injectée dans le réseau, la rentabilité dépend aussi de la hausse des tarifs régulés. Politiquement et électoralement incorrecte, elle est largement passée sous silence par le gouvernement comme par l'entreprise, mais semble toutefois acquise par les consommateurs. Antoine Cahuzac, lui, évoque pudiquement une « période d'incertitude sur les prix » et une volonté de « se prémunir contre volatilité des tarifs ».

 Le financement des réseaux en question

L'électricien opère avec cette nouvelle offre un net changement de pied sur l'autoconsommation. Il n'y a pas si longtemps, il fustigeait les « passagers clandestins ». Ces clients voulaient, aux périodes de fort ensoleillement, non seulement autoconsommer mais aussi exporter leur surplus sur le réseau, l'utilisant comme un système de stockage, mais sans contribuer à son entretien puisque l'électricité autoconsommée échappe à la fois aux taxes de transport et de maintenance. Avec la fin de l'injection sur le réseau disparaissent ces passagers clandestins. Mais, Antoine Cahuzac en convient, la question du financement des réseaux reste posée. « Analyser l'impact que cela peut avoir sur les réseaux n'empêche pas d'être réalistes et objectifs au sujet d'un mouvement sociétal que nous n'arrêterons pas », résume-t-il. Plusieurs solutions sont d'ailleurs à l'étude pour remédier à cette perte de revenus contribuant au financement des réseaux à laquelle Enedis (ex. ERDF) pourrait devoir faire face à terme, même si, dans un premier temps, EDF évalue à seulement 1% la part de l'électricité qui serait autoconsommée au niveau national. Augmenter la part fixe de l'abonnement, instaurer des taxes sur la puissance installée, moduler selon la saisonnalité... Ce qu'EDF ne veut pas, en revanche, c'est d'un système de « net metering » consistant à arrêter les compteurs (entre l'électricité produite et consommée) en fin d'année.

Un virage cohérent avec la stratégie de l'entreprise

En revanche, Antoine Cahuzac tient à souligner que cette offre s'inscrit parfaitement dans le plan stratégique CAP 2030, et la volonté de l'entreprise de conforter sa position de « champion des énergies décarbonées » et d'« accompagner la transition énergétique. »

Par ailleurs, EDF participera à l'appel d'offres autoconsommation de 50 MW (dont 10 MW dans les « zones non interconnectées » ou ZNI en Corse et dans les DOM) annoncé par Ségolène Royal d'ici la fin de l'année pour le tertiaire (agriculture et commercial). « Le tertiaire en est encore à la phase d'expérimentation dans laquelle se trouvait le résidentiel il y a quelques années », commente Antoine Cahuzac. En revanche, l'établissement de réseaux à l'échelle d'un site ou d'un quartier (comme cela se fait déjà aux Etats-Unis pour des casernes ou des campus universitaires), soulève des questions d'ordre réglementaire qui pourraient prendre un peu plus longtemps à résoudre.

Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 24/03/2017 à 6:43
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Non, on ne pourra pas avoir un développement des énergies renouvelables de cette façon là. Pourquoi: 1- le cout des batteries de stockage est trop élevé par rapport à l'énergie stocké et ce n'est pas pour demain que ce sera rentable. 2- Obliger ...

à écrit le 03/06/2016 à 5:46
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Avec plein d'enthousiasme j'ai fait la demande, un commercial est venu m'expliquer que je n'avais que des avantages dans le système de l'auto production en précisant, d'emblee qu'EDF dans ma configuration ne pouvait prétendre à un rachat par EDF de m...

à écrit le 02/06/2016 à 14:49
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Vous aurez remarqué le nom du directeur du pôle en question ... pas de copinage. Bonne nouvelle pour les particuliers

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