Faux départ pour l'EPR nucléaire finlandais : un énième report annoncé (après 12 ans de retard)

Par latribune.fr  |   |  797  mots
(Crédits : Teollisuuden Voima Oy (TVO) et Framatome (CC BY-SA 3))
L'électricien finlandais TVO a annoncé jeudi reporter d'un mois la production d'électricité du réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto-3, construit par le consortium Areva-Siemens, douze ans après la date de mise en service prévue initialement. Une mise en service normale aura lieu en juillet 2022 alors que TVO tablait auparavant sur juin.

C'est sans fin, un peu comme Flamanville en France. Quand le 21 décembre dernier, le réacteur nucléaire EPR d'Olkiluoto-3 en Finlande démarrait pour la première fois après seize ans de chantier et douze ans de retard sur la date de mise en service prévue initialement, l'électricien finlandais TVO, l'exploitant, pensait bien voir le bout du tunnel. Patatras. Le réacteur construit par le consortium Areva-Siemens continue de lui jouer des tours. Ce jeudi en effet, la direction a annoncé qu'elle reportait d'un mois la production d'électricité. Elle commencera fin février et non en janvier comme prévu. Une mise en service normale n'est plus attendue en juin mais en juillet 2022.

"Le début de la production d'électricité est reporté car la nécessité de faire des modifications a été observée pendant la phase de production test", a indiqué TVO dans un communiqué, en prédisant que des "modifications devaient être apportées à l'automatisation de l'unité concernant les fonctions de contrôle".

Des mesures correctives ont déjà été engagées.

Cette annonce intervient trois semaines après celle concernant un énième retard de l'EPR de Flamanville, censé démarrer en 2023.

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Olkiluoto-3 doit fournir 15% de la consommation de la Finlande

Une fois en opération, l'EPR finlandais, le premier réacteur nucléaire à avoir été commandé dans l'Union européenne depuis Tchernobyl, va devenir le plus puissant réacteur en opération en Europe. Avec une capacité de production de 1.650 mégawatts, il doit fournir environ 15% de la consommation de la Finlande. Avant lui, seuls deux réacteurs EPR sont entrés en fonctionnement dans le monde, ceux de la centrale de Taishan en Chine, dont la construction avait d'ailleurs débuté après. Pour rappel, le réacteur numéro 1 de la centrale chinoise, située près de Hong Kong, est à l'arrêt depuis juillet après un incident, qualifié de "courant" par Pékin.

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Après le chargement du combustible dans le réacteur en mars, le gendarme finlandais du nucléaire avait autorisé le démarrage d'Olkiluoto-3 en décembre. Conçu pour relancer l'énergie nucléaire après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, notamment grâce à une considérable structure de béton et des améliorations de sûreté, l'EPR a rencontré d'importants problèmes de construction, notamment en Finlande mais aussi à Flamanville en France.

 Tensions avec Areva

A Olkiluoto, ces difficultés ont entraîné de longues et vives tensions entre TVO, Areva et l'autorité finlandaise du nucléaire, la Stuk. TVO avait signé en mars 2019 un accord pour mettre fin au contentieux, prévoyant qu'une indemnisation de 450 millions d'euros lui soit versée. Le Covid-19 avait à son tour provoqué de nouveaux retards sur le chantier finlandais, sur un site où deux anciens réacteurs sont déjà en opération.

Lancée en 1992, la technologie EPR a été codéveloppée par le français Areva et l'allemand Siemens au sein de leur filiale commune, dont Siemens s'est depuis retiré. EDF a finalement pris le contrôle de l'activité lors de la réorganisation de la filière nucléaire française orchestrée par l'État.

Les déboires et dérapages financiers du chantier finlandais, synonymes de milliards d'euros de pertes, ont provoqué la réorganisation complète d'Areva, dont les activités principales ont donné naissance à Orano et Framatome (filiale d'EDF). Seule reste Areva SA, une structure dont le but essentiel est d'achever Olkiluoto-3. Conçu pour fonctionner pendant 60 ans, l'"European Pressurized Water Reactor" se fonde sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la plus utilisée dans le monde.

Si les problèmes de l'EPR puis la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011 ont freiné les espoirs d'une "renaissance", l'énergie nucléaire, qui émet peu de CO2, voit ses perspectives s'améliorer de nouveau. Signe d'une conjoncture plus favorable, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a relevé cette année ses projections pour la première fois depuis Fukushima, prévoyant désormais un doublement de la puissance nucléaire installée d'ici à 2050 dans le scénario le plus favorable. De son côté, Bruxelles a accordé le "label vert" pour permettre à ses opérateurs de bénéficier de conditions de financement aussi favorables que ceux accordés pour développer les énergies renouvelables.

(Avec AFP)

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