Gaz russe : les livraisons vers l'Europe via Nord Stream suspendues pour trois jours

Par latribune.fr  |   |  922  mots
L'opération de maintenance est liée à des travaux « nécessaires » dans une station de compression située en Russie. (Crédits : HANNIBAL HANSCHKE)
Gazprom a annoncé avoir « entièrement » suspendu ses livraisons de gaz vers l'Europe via le gazoduc Nord Stream en raison de travaux de maintenance devant durer trois jours. Ce chantier, qui avait été annoncé cet été par le géant russe, inquiète les Européens puisque, après les précédentes opérations de maintenance, la Russie a réduit les flux exportés. De quoi exacerber davantage les tensions, alors que les livraisons de gaz russe vers la France seront entièrement coupées à partir de jeudi 1er septembre.

Sans surprise mais pas sans inquiétude. L'interruption des livraisons via le gazoduc Nord Stream depuis les premières heures de ce mercredi 31 août met l'Europe en alerte. Annoncée cet été par le géant russe Gazprom, propriétaire de cette conduite qui relie directement les champs gaziers sibériens au nord de l'Allemagne d'où le gaz est ensuite exporté à d'autres pays européens, elle est liée à des travaux « nécessaires » dans une station de compression située en Russie.

L'opération a bien débuté a indiqué le groupe russe dans un communiqué publié sur son compte Telegram. Le flux de gaz est ainsi tombé à zéro, selon les données mises en ligne par le réseau européen de transport de gaz Entsog et par le site de la société Nord Stream.

Ces travaux de maintenance, programmés jusqu'à samedi, doivent être effectués « toutes les 1.000 heures », avait assuré précédemment Gazprom. Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine, l'énergie est au cœur d'un bras de fer entre Moscou et les Occidentaux qui accusent régulièrement la Russie d'utiliser le gaz « comme une arme ».

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Derrière la maintenance, l'ombre d'une réduction des flux

Pour le patron de l'Agence allemande des réseaux, Klaus Müller, les travaux qui débutent sont « incompréhensibles sur le plan technique ». L'expérience montre que la Russie « prend une décision politique après chaque soi-disant "maintenance" », a-t-il observé.

Interrogé sur la reprise des flux à l'issue des trois jours de pause, le porte-parole du gouvernement russe, Dmitri Peskov, a observé que les capitales occidentales « ont imposé des sanctions contre la Russie, qui ne permettent pas d'effectuer des travaux normaux d'entretien et de réparation ».

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Des déclarations peu rassurantes au regard des événements passés. En juillet, Gazprom avait déjà procédé à dix jours de travaux de maintenance sur Nord Stream. L'entreprise avait rouvert le robinet du gaz à l'issue de ces travaux, mais en réduisant un peu plus les quantités livrées. Elles s'établissent actuellement à 20% de la capacité normale du gazoduc.

La faute, selon Moscou, à une turbine manquante et qui ne pourrait être renvoyée en Russie à cause des sanctions. L'Allemagne, où se trouve la turbine, assure au contraire que c'est Moscou qui bloque le retour de cette pièce-clé.

À Lubmin, port de la mer Baltique où aboutit le gazoduc, l'incertitude est également de mise. « En juillet, il s'agissait d'une maintenance régulière prévue de longue date, cette fois-ci, ce n'était pas prévu et nous ne savons pas ce qui se cache derrière cette opération », a expliqué à l'AFP un responsable de Gascade, entreprise qui transporte le gaz livré par Nord Stream à travers l'Allemagne.

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La France coupée du gaz russe...

Cette opération de maintenance intervient au lendemain de l'annonce de Gazprom d'une suspension totale de ses livraisons vers la France à compter de ce jeudi 1er septembre. La cause ? Un différend avec Engie. Selon le géant russe, le groupe français n'a pas payé l'intégralité des livraisons effectuées en juillet. Or, un décret de Vladimir Poutine signé fin mars spécifie « qu'il est interdit de livrer davantage de gaz naturel à un acheteur étranger si l'acheteur n'a pas effectué le paiement en intégralité dans le délai fixé dans le contrat ».

La coupure perdurera « jusqu'à la réception en intégralité des sommes financières dues pour les livraisons » précise Gazprom.

Contacté par l'AFP mardi soir, Engie a pour le moment refusé de commenter cette annonce. Le groupe a rappelé avoir déjà mis en place des mesures pour pouvoir fournir ses clients, même en cas d'interruption des flux de Gazprom. Les livraisons de gaz russe à Engie avaient déjà considérablement diminué depuis le début du conflit en Ukraine. Récemment, elles étaient passées à seulement 1,5 TWh par mois. Engie avait évoqué fin juillet une part de gaz russe dans ses approvisionnements de l'ordre de 4%.

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... reste tout de même « confiante »

La présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Emmanuelle Wargon, s'est néanmoins dite confiante ce mercredi 31 août « sur la capacité à passer l'hiver en France sans gaz russe ». Cela ne changera « heureusement pas grand-chose » pour les consommateurs, a-t-elle estimé sur LCI, soulignant l'effort de diversification des approvisionnements et le bon remplissage des stockages.

« Avec tout ça, on n'est pas trop inquiets sur la capacité à avoir du gaz » mais « c'est plus sur les prix qu'on va avoir une répercussion », juge Emmanuelle Wargon.

Interrogée sur une possible augmentation des prix de l'énergie en 2023 pour les ménages, elle a estimé qu'il est « trop tôt pour le dire ».

En cas de manque ponctuel de gaz lors d'une vague de froid cet hiver, la France se prépare à couper le gaz à certaines entreprises. « Pour le gaz, pour le cas où en manquerait un peu, ça ne concernera pas les ménages » et « la variable d'ajustement ce sera les industriels », a répété Emmanuelle Wargon.

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(Avec AFP)