Hydrogène : la France a son usine de production d'électrolyseurs

Par Giulietta Gamberini  |   |  938  mots
L'entreprise a une capacité de production de 30 électrolyseurs par an.
Située dans l'Essonne, l'usine d'Areva H2Gen vise le marché du stockage de l'énergie ainsi que celui des transports propres. Elle dispose à ce jour un carnet de commandes de 10 millions d'euros.

Areva ajoute une brique stratégique à sa présence dans les renouvelables. Areva H2Gen, la co-entreprise créée en 2014 par la multinationale française avec le producteur d'énergies vertes Smart Energies et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie française (Ademe), a inauguré jeudi 24 juin sa première usine. Située aux Ulis, dans l'Essonne, sur une surface de 2.800 mètres carrés, la fabrique est aussi le premier lieu de production d'électrolyseurs de France, capables de produire de l'hydrogène à partir d'un simple apport d'eau et d'électricité. Areva H2Gen espère ainsi se positionner en tant que leader dans un marché en essor et dont dépend le développement même des énergies renouvelables : celui du stockage de l'énergie.

Par définition intermittentes, les énergies dites vertes sont en effet bien davantage exposées que celles fossiles et nucléaires à un risque de déséquilibre entre offre et demande. En 2015, en Allemagne, 1,5 TWh d'électricité générée par les renouvelables n'a pas pu être injecté dans le réseau, rappelle Areva H2Gen citant une étude de l'Agence allemande de l'énergie (Dena) : à savoir l'équivalent de la consommation électrique annuelle d'une ville comme Nantes. L'Ademe estime pour sa part qu'en 2050 entre 30 et 90 TWh d'électricité renouvelable ne seront pas consommés. Stocker l'énergie produite en excès à certains moments, pour pouvoir l'utiliser lors de baisses de la production, devient alors la condition même de l'augmentation de la part des renouvelables dans le mix énergétique souhaité par l'accord de Paris.

Un gaz potentiellement décarboné

Or, parmi les formes de stockage, la production d'hydrogène présente un potentiel particulier, reconnu par les pouvoirs publics qui ont consacré à cette solution plusieurs appels à projets, au niveau national comme européen. À condition d'utiliser le procédé de l'électrolyse, à savoir la séparation des molécules d'eau par l'électricité, et une forme d'énergie renouvelable, la production d'hydrogène n'implique en effet aucune émission de gaz à effet de serre. Le gaz décarboné qui en résulte peut contribuer en deux manières à la transition énergétique : soit en alimentant des véhicules à piles à combustible, qui réalisent la réaction chimique inverse (combinaison hydrogène et oxygène) en produisant de l'eau ; soit en étant intégré (jusqu'à 20%) aux réseaux de gaz naturel (Power to Gaz).

Ce potentiel est encore plus important dès lors que l'hydrogène est produit en utilisant la technologie utilisée par Areva H2Gen: l'électrolyse PEM (Proton Exchange Membrane), explique l'Ademe. Cette électrolyse "de dernière génération" permet, par rapport aux techniques plus anciennes (notamment l'électrolyse alcaline), une réaction instantanée, puisqu'elle se passe de la chaleur. Elle est donc plus adaptée au caractère intermittent des renouvelables. Si cette électrolyse existe depuis les années 60, "elle vient toutefois d'atteindre la compétitivité, fiabilité et durabilité indispensables pour un usage industriel", explique Cyril Dufau-Sansot, président d'Areva H2Gen. Sur l'ensemble du système, le rendement est estimé à 70%, contre 33% pour une centrale nucléaire et 20% pour un moteur diesel, lit-on dans le communiqué de l'entreprise.

Un marché en essor

Le stockage des énergies vertes et la mobilité propre sont ainsi les principaux marchés visés par Areva H2Gen, qui compte beaucoup aussi sur le soutien des politiques et des initiatives publiques. Déjà présente en Allemagne, où la mobilité à hydrogène est plus développée qu'en France, l'entreprise vise un marché mondial. Puisque selon les diverses situations territoriales et commerciales une approche plus ou moins décentralisée de la production d'hydrogène est envisageable, Areva H2Gen compte jouer la carte de la souplesse. Si elle propose à ce jour des électrolyseurs standards de 120 kW, elle affirme toutefois avoir la capacité d'ingénierie d'en développer, sur mesure, de bien plus grande capacité.

En France, elle en prépare actuellement trois, destinés à des stations de recharge d'hydrogène. L'une d'elles, à Rodez, dans l'Aveyron, sera la plus grande de France: elle alimentera la flotte de bennes d'une entreprise de recyclage de déchets, Braley. En ce cas, l'énergie utilisée pour séparer les molécules d'eau sera toutefois prise du réseau, donc pas forcément renouvelable. Mais une installation modèle en Corse, à Myrte, teste aussi le cycle "idéal", à savoir totalement décarboné : production d'hydrogène grâce à l'énergie photovoltaïque, stockage sous pression, restitution via une pile à combustible.

L'hydrogène à usage industriel comme marché de secours

Au total, l'entreprise, où travaillent 20 personnes, affirme avoir à ce jour un carnet de commandes de 10 millions d'euros, pour 1 million de chiffre d'affaires en 2015, et une capacité de production de 30 électrolyseurs par an. Cela inclut aussi un autre marché de niche, investi en parallèle par Areva H2Gen à la différence de la majorité de ses concurrents -essentiellement états-uniens, canadiens et britanniques: celui de l'hydrogène à usage industriel, utilisé par exemple dans la métallurgie.

"Mature et réservé exclusivement à l'export, il permet à l'entreprise de mieux repartir les risques", explique son directeur commercial Pascal Pewinski.

Pour que l'hydrogène s'impose comme solution de stockage de l'énergie, deux conditions s'imposent en effet, souligne Benjamin Stremsdoerfer, directeur adjoint des investissements d'avenir de l'Ademe: un excès de production des énergies vertes, ainsi qu'une industrialisation de la production d'électrolyseurs de petite taille qui les rende compétitifs. Selon l'Ademe (dont le soutien financier à Areva H2Gen est apporté dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir), ce seuil devrait être atteint en 2020.