Nucléaire : le français Framatome (EDF) avertit les États-Unis d'une possible fuite sur le premier EPR chinois de Taishan

Par Jérôme Cristiani  |   |  958  mots
(Crédits : CGN)
Selon la chaîne de télévision CNN, le département de l'Énergie américain a été averti par Framatome (filiale d'EDF) d'une possible "fuite radioactive" en Chine sur l'un des deux EPR de Taishan construits en partenariat par EDF et le chinois CGN. Ce matin, EDF a publié un communiqué où il demande une réunion extraordinaire du conseil d'administration de la joint-venture franco-chinoise afin qu'il "présente toutes les données et décisions nécessaires" sur la situation du réacteur n°1. Framatome aurait également fait part d'une possible falsification par les autorités nucléaires chinoises, à cette occasion, des normes radiologiques et sanitaires afin d'éviter de fermer la centrale.

[Article publié le 14.06.2021 à 10:36, mis à jour à 11:45 avec communiqué d'EDF, puis à 14:30 avec détails CNN]

La Chine avait remporté la bataille de l'ouverture mondiale du premier EPR à Taishan en 2018, devant la France (Flamanville), le Royaume-Uni (Hinkley Point), la Finlande (Olkiluoto), et l'Inde (Jaitapur).

Un projet mené tambour battant par l'énergéticien chinois CGN qui détient 70% des parts de la joint-venture TNPJVC commune avec son partenaire EDF (30%), inventeur de cette technologie nucléaire. L'énergéticien français avait ensuite participé à la construction du deuxième EPR chinois de Taishan, lancé en 2019.

Ces deux réacteurs de Taishan sont pour l'instant les seuls EPR entrés en service dans le monde, EDF ayant ainsi pris de vitesse tous ses projets plus anciens en cours de développement dans le monde.

| Lire : Nucléaire : la Chine met en route le premier EPR au monde (2018)

C'est le réacteur n°1 de Taishan qui est actuellement sous les feux de l'actualité dans ce possible incident radioactif.

Framatome alerte les Américains d'une "menace imminente"

Lundi 14 juin, CNN, a signalé que le gouvernement des États-Unis avait procédé la semaine précédente à des vérifications d'informations faisant état d'une fuite radioactive à la centrale nucléaire de Taishan, dans la province de Guangdong, dans le sud de la Chine.

CNN indique que le département de l'Énergie américain a été averti le 8 juin par Framatome d'une possible "fuite" dans la centrale de Taishan. Framatome se serait adressé aux États-Unis pour demander une autorisation d'assistance technique pour résoudre "une menace radiologique imminente".

Framatome aurait également indiqué aux Américains que les régulateurs chinois avaient relevé le seuil acceptable de radiations détectées autour de la centrale de Taishan afin d'éviter de devoir la fermer. Si cela se vérifiait, les autorités nucléaires chinoises se seraient en l'occurrence livrées à une falsification des normes sanitaires.

Cependant, CNN, citant des documents qu'elle a passés en revue et des responsables américains ayant requis l'anonymat, a précisé que l'administration Biden pense que la situation de cette centrale "ne pose pas de risque de sécurité sévère pour les employés de la centrale ou pour la population chinoise".

CNN note bien qu'il est tout à fait inhabituel qu'une entreprise étrangère sollicite unilatéralement l'aide du gouvernement américain alors que son partenaire public chinois a du mal à reconnaître qu'il y a un problème. CNN pense que, de fait, si la fuite se poursuivait ou devenait plus grave sans être réparée, les États-Unis se retrouveraient dans une situation compliquée.

Des informations rassurantes, mais limitées

Et la situation n'est vraiment pas simple à comprendre car, ce matin, après la diffusion de cette information par CNN, Framatome, se voulait rassurante, annonçant qu'elle surveillait "l'évolution d'un des paramètres de fonctionnement" de la centrale nucléaire de Taishan, ajoutant: "Framatome apporte son soutien à l'analyse de l'évolution d'un des paramètres de fonctionnement de la centrale nucléaire de Taishan". Dans son communiqué officiel, l'entreprise française ne parle ni de fuite ni ne précise lequel de ces "paramètres" était surveillé.

"Sur la base des informations disponibles, la tranche est dans son domaine de fonctionnement et de sûreté autorisé", a-t-elle ajouté, sans autre précision.

De son côté, l'exploitant de la centrale, China General Nuclear Power Group (CGN), a fait état dans un communiqué d'indicateurs environnementaux "normaux", sans toutefois faire directement référence aux informations de CNN.

"À l'heure actuelle, la surveillance continue des données environnementales montre que les indicateurs environnementaux de la centrale nucléaire de Taishan et ses environs sont normaux", a indiqué le groupe chinois, qui n'a pas donné suite aux demandes d'informations de l'AFP.

Le ministère chinois des Affaires étrangères n'a pas non plus répondu aux sollicitations de l'AFP.

En France, le gouvernement, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et EDF n'avaient pas fait de commentaire dans un premier temps.

EDF demande à TNPJVC "toutes les données et décisions nécessaires"

Mais EDF a publié ce lundi en matinée un communiqué indiquant qu'il a bien été "informé de l'augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le circuit primaire du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Taishan", et son commentaire, évoquant "un phénomène connu, étudié et prévu" se veut plutôt rassurant.

"La présence de certains gaz rares dans le circuit primaire est un phénomène connu, étudié et prévu dans les modes opératoires du réacteur. EDF a pris contact avec les équipes de TNPJVC et apporte son expertise."

Pour autant, l'énergéticien français a également dit, dans son communiqué, qu'il avait demandé la tenue d'une réunion extraordinaire du conseil d'administration de TNPJVC afin que la direction "présente toutes les données et décisions nécessaires".

Signe que l'énergéticien a besoin d'informations complémentaires sur la situation à Taishan.

En Chine, les Français en concurrence avec les Russes

EDF est actionnaire à 30% de la coentreprise TNPJVC chargée de construire et d'exploiter ces deux réacteurs de 1.750 MW chacun. Les groupes chinois CGN et Guangdong Energy Group ont des participations respectives de 51% et de 19%.

La Chine compte une cinquantaine de réacteurs en fonctionnement ce qui la classe au troisième rang mondial derrière les États-Unis et la France.

Le mois dernier, les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping avaient salué le lancement des travaux de construction de nouveaux réacteurs en Chine en partenariat avec l'agence russe Rosatom.

(sources: AFP, Reuters, EDF, CNN)