« Green Lane, Red Lane », l'astuce pour garder l'Irlande du Nord dans le marché unique européen

Depuis la sortie du Royaume-Uni de l'UE, malgré de multiples rounds de négociation, la question de la frontière avec l'Irlande du Nord fait figure de nœud gordien. Mais la signature lundi du « Windsor Framework », résultat de longues négociations secrètes entre Bruxelles et Londres, semble apporter une solution acceptable par les parties prenantes, unionistes et nationalistes nord-irlandais. Tout en maintenant de fait l'Irlande du Nord au sein du marché unique européen... au prix de quelques contorsions douanières. Explications.
Jérôme Cristiani
Un panneau routier piraté avec un autocollant arborant un slogan « No border, no Brexit » (« pas de frontière, pas de Brexit ») à l'entrée de Londonderry, en Irlande du Nord, le 20 avril 2019.
Un panneau routier piraté avec un autocollant arborant un slogan « No border, no Brexit » (« pas de frontière, pas de Brexit ») à l'entrée de Londonderry, en Irlande du Nord, le 20 avril 2019. (Crédits : Reuters)

[Article publié le mardi 28.02.2023 à 18:23 mis à jour le 1.03.2023 à 18:00]

Dans le long feuilleton diplomatico-commercial provoqué par le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, la question nord-irlandaise, entre toutes, fait figure de nœud gordien.

Mais, cette fois, le « Windsor Framework » (« cadre de Windsor »), cet accord signé lundi soir entre le Royaume-Uni et l'UE après des mois de négociations secrètes, qui modifie et affine les méthodes post-Brexit régissant le commerce (trans-Manche), ainsi que les subventions publiques (notamment pour les programmes de recherche) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pourrait bien être la solution si longtemps recherchée.

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Windsor Framework, un accord qui maintient l'Irlande du Nord dans le marché unique européen

Point central à retenir pour comprendre la suite : le Windsor Framework revient à maintenir de fait l'Irlande du Nord dans le marché unique européen. Au prix de quelques contorsions douanières et sanitaires.

L'un des objectifs de cet accord cadre, épais de 100 pages, est de fluidifier les échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord. Avec une méthode qui semble toute simple : les camions qui sortent de Grande-Bretagne avec des marchandises britanniques devront choisir entre le « couloir vert » ou le « couloir rouge » (« Green Lane, Red Lane »).

Pour comprendre ce que cela signifie en pratique pour les entreprises britanniques qui expédient en camion -et via ferry-, des marchandises depuis le sol de Grande-Bretagne [typiquement, au départ des ports de Cairnryan en Écosse ou de Liverpool en Angleterre] vers l'Irlande du Nord [débarquement aux ports de Larne ou de Belfast, toujours au Royaume-Uni], il faut détailler le processus. Et nuancer. Car le descriptif du nouveau système diffère légèrement entre les documents explicatifs fournis par la Commission européenne et ceux du gouvernement britannique. Mais la procédure reste la même.

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[ Le 27 février 2023, des camions débarquent du ferry P&O en provenance du port de Cairnryan (en Écosse) au port de Larne, en Irlande du Nord. Si les marchandises qu'ils transportent sont destinées à l'Irlande du Nord, les chauffeurs choisissent la voie verte, si elles sont destinées à l'Irlande et à tout autre pays de l'UE, c'est la voie rouge qu'il faut prendre. Photo Reuters ]

Passer la frontière sans contrôles douaniers onéreux

Ainsi, un plus grand nombre d'entreprises expédiant des marchandises de Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord seront autorisées à s'enregistrer comme « opérateur de confiance » et pourront franchir la frontière (en mer d'Irlande) sans contrôles douaniers tatillons et onéreux.

Pour rappel, dans l'accord initial post-Brexit, qui place la frontière commerciale en mer d'Irlande (faisant donc de l'Irlande du Nord britannique une partie du marché unique européen), les marchandises expédiées depuis l'Angleterre ou l'Écosse vers l'Irlande du Nord sont soumises aux mêmes contrôles que celles destinées à l'Irlande, État membre de l'UE. Ce qui avait rallumé la tension chez les unionistes nord-irlandais, en majorité protestants, qui y voyaient une atteinte à l'intégrité du Royaume-Uni, puisque cette indifférenciation revenait à assimiler complètement l'Irlande du Nord à un État membre de l'UE.

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Et de fait, le système des « voies rouges et vertes », instauré par le nouvel accord cadre, améliore nettement le fonctionnement du protocole pour la partie commerciale qui concerne les flux de marchandises, tout en tenant compte du statut unique de la province nord-irlandaise (partie d'un pays non membre de l'UE, le Royaume-Uni) mais aussi du statut de l'Irlande voisine (un Etat membre à part entière du marché unique de l'UE) tout en, bien entendu, préservant et protègeant l'accord du Vendredi Saint qui a mis fin à trente annnées de troubles sanglants entre unionistes et nationalistes.

« Voie verte », « voie rouge »... comment ça marche

  • La voie verte : les marchandises s'arrêtent en Irlande du Nord

Les entreprises agréées (adéherentes au « programe de confiance ») qui choisissent la « voie verte » peuvent acheminer des marchandises destinées à la vente ou à la transformation en Irlande du Nord, à condition de ne pas être exportées en Irlande, membre de l'UE. Et, au lieu de contrôles tatillons à l'arrivée pour prouver que c'est le cas, des contrôles aléatoires seront pratiqués pour rassurer Bruxelles sur le fait que les envois n'arriveront pas sur le marché de l'UE.

À ces marchandises-là, ce sont les règles britanniques en matière de santé et de sécurité qui s'appliqueront, ce qui permet aux magasins nord-irlandais de déplacer et stocker les produits britanniques aussi facilement que dans le reste du Royaume-Uni.

« Les marchandises restant au Royaume-Uni seront libérées de la paperasserie, des contrôles et des droits inutiles, avec seulement des informations commerciales ordinaires requises », précise la fiche d'information britannique.

La version bruxelloise de l'accord « cadre de Windsor » souligne, elle, que le marché unique de l'UE sera protégé grâce à un accès en temps réel aux systèmes informatiques et aux bases de données des douanes britanniques pour suivre -et surveiller - les expéditions.

Il y aura « une autorisation et une surveillance robustes des systèmes d'opérateurs et de transporteurs agréés », insiste la Commission européenne.

Ce que confirme le Financial Times :

« Le Royaume-Uni a accepté de partager avec l'UE des données douanières en temps quasi réel afin de pouvoir repérer les preuves de fraude et prendre des mesures correctives si nécessaire. »

  • La voie rouge : les marchandises traversent l'Irlande du Nord pour aller en Irlande, mais, pour l'alimentaire, avec des étiquettes « non destiné à l'UE »

Les marchandises destinées à l'Irlande devront, elles, emprunter la voie rouge à leur arrivée de Grande-Bretagne en Irlande du Nord. Dans cette voie rouge, les marchandises seront soumises à des contrôles douaniers, alimentaires et zoo-sanitaires complets.

Mais - là est la petite nuance -, pour les produits agroalimentaires, qui font l'objet des contrôles les plus stricts, l'UE acceptera les normes de santé publique britanniques, ce qui signifie que la viande fraîche et d'autres marchandises pourront entrer en Irlande du Nord. Ils devront porter des étiquettes « non destiné à l'UE », selon les explications du Financial Times.

Le quotidien financier britannique précise aussi que, au fur et à mesure de l'introduction de ces étiquettes d'ici à 2025, la proportion d'envois soumis à des contrôles tombera à 5%.

(avec AFP)

Jérôme Cristiani

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Commentaires 2
à écrit le 01/03/2023 à 22:20
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Comme le brexit commence à ressembler à "un grand succès" pour nos amis anglais ils ne vont pas tarder à revenir en catimini vers Bruxelles tant honni il y a peu ....à suivre

à écrit le 28/02/2023 à 19:19
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Comme on le sait on peut faire totale confiance à nos "amis" anglais" et leur fair play bien connu.!..quand ils gagnent..!..et leur totale honnêteté et leur volonté historique de ne jamais se lancer dans des coups tordus. Pauvre Europe et donc pauvre...

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