Plus de 100 milliards d'euros par an, le prix de la pollution de l'air en France

Par latribune.fr  |   |  1123  mots
Le coût sanitaire de ce fléau serait notamment compris entre 68 et 97 milliards d'euros, relève un rapport d'une commission d'enquête du Sénat publié mercredi. Ségolène Royal promet des "mesures extrêmement fermes".

Publié le 15/07/2015 09:37. Mis à jour le 15/07/2015 à 15:37.

Dépenses de santé, absentéisme dans les entreprises, baisse des rendements agricoles, ou encore perte de la biodiversité, entretien des bâtiments dégradés... ce sont tant de conséquences de la pollution de l'air en France qui pèsent lourd sur l'économie du pays. Un coût qu'une commission d'enquête du Sénat a tenté d'évaluer dans un rapport rendu public mercredi 15 juillet: elle a conclu qu'il s'élèverait à plus de 100 milliards d'euros par an.

Certes, "l'air est globalement moins pollué", constate le rapport, dont le titre est "Pollution de l'air: le coût de l'inaction". Mais "la pollution a changé de nature", s'alarme-t-il: moins localisée au niveau des sites industriels, elle est aujourd'hui plus diffuse, via les transports, le chauffage, l'agriculture et l'air intérieur. Ainsi, désormais, elle "n'est pas qu'une aberration sanitaire", mais aussi "une aberration économique", indique la commission d'enquête, présidée par Jean-François Husson (LR) et dont la rapporteure est Leila Aïchi (Ecologiste).

Les effets sanitaires de certains polluants encore mal connus

Dans le détail, le coût sanitaire total de la pollution atmosphérique serait compris "entre 68 et 97 milliards d'euros" par an, retient le rapport, qui exploite les données du programme "Air pur pour l'Europe" de la Commission européenne. Si l'impact sur le système de santé français est estimé "a minima" à 3 milliards d'euros, en incluant les dépenses pour traiter l'asthme, certains cancers ou encore les frais d'hospitalisations, le coût global "est largement sous-estimé", indique à l'AFP Leïla Aïchi, pour qui la France "est en retard" et "manque de recherches sur cette question". Les effets sanitaires de certains polluants sont en effet mal connus, notamment 'l'effet cocktail' de la présence de plusieurs agents.

Pire encore, selon les professionnels de la santé interrogés, un français sur deux devrait être confronté à une infection asthmatique d'ici 2050. Le coût global des traitements de l'asthme et des cancers imputables à la pollution de l'air est évalué à 1,3 milliards d'euros au maximum par l'Afsset.

Le coût non sanitaire lui, est estimé à 4,3 milliards d'euros. A elle seule, par ailleurs, la pollution de l'air intérieur représente un coût de 19 milliards d'euros par an, relève le rapport.

Une législation encore insuffisante

Pour sortir de cette inaction coûteuse, la commission plaide donc pour "une véritable fiscalité écologique" ainsi que pour "compléter les normes existantes", mal définies ou ne couvrant pas tout le champ des polluants connus. Elle énumère notamment 61 mesures.

Dans l'agriculture, la commission recommande ainsi d'étudier spécifiquement les causes de la surmortalité des agriculteurs du fait de certains types de cancers et de mieux contrôler les dispersions de polluants. Dans les transports, elle préconise l'alignement progressif jusqu'en 2020 de la fiscalité de l'essence et du diesel, ainsi que la mise en place d'une taxe sur les émissions d'azote, d'oxyde d'azote et de particules fines. Le rapport veut également accélérer le soutien aux transports propres: véhicules hybrides et électriques, fret ferroviaire, roulage des avions.

"Il ne faut plus que les gens rouspètent"

La ministre de l'Écologie Ségolène Royal annoncera "la semaine prochaine" des "mesures extrêmement fermes" de lutte contre la pollution de l'air, après la publication d'un rapport parlementaire évaluant son coût à 100 milliards d'euros par an en France.

"La semaine prochaine, je vais rendre publiques les décisions que l'Etat va prendre. Il ne faut plus que les gens rouspètent, que les gens disent 'ce n'est pas le moment, on verra demain'. Il faut aussi que les maires des grandes villes prennent leurs responsabilités dès lors que la loi de transition énergétique va leur donner des moyens d'agir, notamment pour créer des zones de restriction de circulation", a déclaré Ségolène Royal dans la cour de l'Elysée, au sortir du Conseil des ministres.

Et de renchérir, s'appuyant sur le rapport dont elle "salue la qualité":

"Il y a à la fois la pollution par le transport, par les voitures, le diesel, l'essence, etc. Donc il faut déployer les véhicules électriques. Il y a les pollutions agricoles avec les pulvérisations de produits chimiques qui sont enduites rabattues sur les gens et les habitations. Et puis il y a les pollutions industrielles pour lesquelles, maintenant, il faut que les règles soient appliquées et respectées", a poursuivi la ministre.

Des réglementations, mais pas d'écologie "punitive"

Il ne faut pas avoir "une vision globale" des problèmes de pollution, mais une vision locale, puisque "la pollution en Île-de-France n'est pas similaire à celle de Lorraine", affirme Jean-François Husson, président de la commission d'enquête. Et s'il ne s'agit pas de faire de "l'écologie punitive", la réglementation sera toutefois "le premier facteur qui permettra de lutter contre la pollution".

Les réglementations, elles, concerneront par exemple les transports routiers, soit l'essence et le diesel. A l'horizon 2020, la taxe devra augmenter de 17 centimes.

"L'Europe a une compétence particulière pour lutter contre la pollution, mais aujourd'hui, l'Etat doit être au rendez-vous, martèle-t-il.

La France : mauvais élève européen

En outre, les coûts estimés par la commission d'enquête - à hauteur de 101,3 milliards d'euro, seraient "largement sous-évalués". Tandis que l'Europe comptabilise plus d'une quatre-vingtaine de polluants, le coût sanitaire français lui, a été estimé en s'appuyant sur deux polluants seulement (l'azote et les particules), le coût non sanitaire sur un seul polluant, et le coût sanitaire de l'air intérieur sur six polluants. De plus, de nombreux coûts résultant des arrêts de travail liés à la pollution ne peuvent pas être précisément analysés.

La France reste cependant le "mauvais élève" européen, et le simple fait de respecter les normes européennes concernant la pollution engendrerait des économies :

"A l'échéance 2030, si l'on respecte les nouveaux plafonds d'émission nationaux proposés dans le cadre de la révision de la directive européenne, et si l'on appliquait les règles de l'OMS concernant la pollution, la France effectuerait des bénéfices sanitaires annuels d'environ 17 milliards d'euros, pour un coût de réduction estimé à 6,4 milliards d'euros par an, soit un gain net de 11 milliards d'euros net par an", affirme le rapport.

Chaque année, la pollution causerait près de 50.000 décès par an, un peu moins que le tabac (70 à 80 000 décès), et que l'alcool (50 000 décès), mais davantage que ceux dus aux accidents de la vie courante (15 à 20 000 décès).