Xingtai, en Chine : Bienvenue à "Pollution City" !

#COP21 Xingtai est nommée pour la troisième année consécutive ville la plus polluée de Chine. Pékin lui impose de fermer ses usines et de se mettre à l'écologie. La partie est loin d'être gagnée...
Brume brunâtre qui enveloppe le paysage - le smog -, visibilité réduite à 10 mètres, odeurs âcres qui prennent la gorge... la ville de Xingtai.

« C'est au-delà de l'imagination. »

C'est en ces termes que s'est exprimé le vice-président d'une association de métallurgie chinoise pour décrire la situation dans laquelle est plongée la province du Hebei, au sud de Pékin. La pollution, la surcapacité industrielle et les intérêts divers qui empêchent toute réforme y composent un cocktail infernal.

Brume brunâtre qui enveloppe le paysage - le smog -, visibilité réduite à 10 mètres, odeurs âcres qui prennent la gorge... la ville de Xingtai, au sud de la province, qui remporte pour la troisième année de suite le titre de ville la plus polluée du pays, est effectivement au-delà de ce qu'on peut imaginer. Dans ce paysage désolant, post-apocalyptique, où le soleil perce à peine quelques jours par mois, les objets n'ont plus d'ombre, le relief du paysage se floute derrière la masse de particules fines qui encombrent l'air. On évolue dans un monde voilé en deux dimensions.

« Chaque fois que l'air est très pollué, j'ai de l'urticaire sur les bras. Ça a même commencé sur les jambes, raconte Haili, jeune scénariste qui habite chez sa mère entre deux tournages. Le mois dernier, je ne suis sortie que deux fois courir. Sinon je reste chez moi. »

Ici, les 7,6 millions habitants prennent leur mal en patience. Rares sont ceux qui se protègent avec des masques. Les installations qui filtrent les particules fines sont presque inexistantes dans les habitations. Le gouvernement local fait très peu - voire pas - de prévention.

Aucune association pour protéger l'environnement, pas plus qu'une ONG locale pour défendre l'intérêt de la population, ne sont répertoriées. Les chiffres du cancer sont soigneusement gardés secrets depuis plusieurs années. Certes, quelques panneaux décimés dans la ville affichent des messages qui réclament plus de verdure, mais dans l'ensemble le ciel se voile dans l'indifférence la plus totale de la population locale.

Officiellement, la « guerre contre la pollution »

Pourtant le gouvernement de la ville est sous une immense pression de Pékin pour réduire ses émissions toxiques qui remontent régulièrement sur la capitale. La province du Hebei, qui a fait sa richesse sur le dos de l'industrialisation effrénée des trente dernières années, produit 25% de l'acier du pays. C'est une base incontournable pour la production de verre et de ciment. Mais ces « trente glorieuses » sont finies. Le Hebei, Xingtai en tête, doit faire face à une situation économique complètement différente. La croissance baisse. Le gouvernement souhaite changer de modèle économique. Il tend vers moins de croissance et plus d'efficacité. Il a comme but de remplacer l'appareil industriel chinois polluant et peu performant, souvent soutenu à perte par les banques, par des industries de haute technologie et des services.

Guerre contre la pollution

La question centrale reste : quel coût social Pékin est-il prêt à payer ? Beaucoup ont les yeux rivés sur le Hebei pour évaluer la détermination du gouvernement. En septembre 2013, un plan national contre la population a été voté avec la province du Hebei au centre de l'arsenal. Dans la foulée, le premier ministre Li Keqiang, face à la facture écologique qui s'accumule, a déclaré une « guerre contre la pollution ».

Aussi, en 2013, la province s'est-elle engagée à réduire sa production d'acier de 60 millions de tonnes, sa production de ciment de 6o millions de tonnes et sa consommation de charbon de 30 millions de tonnes d'ici à 2017. Elle doit contribuer à elle seule à deux tiers des efforts du pays. À titre de comparaison, l'Union européenne produit 12,5 millions de tonnes d'acier par an. Désormais, les gros pollueurs, longtemps tolérés, sont dans le collimateur de Pékin. Ils ont l'obligation de publier leurs émissions quotidiennement.

Des usines qui ferment... et qui rouvrent non loin

À Xingtai, les résultats de cette politique sont difficilement quantifiables pour l'instant. Certes, la pollution est tombée - légèrement - en 2014 par rapport à 2013. Plusieurs aciéries vétustes ont fermé en grande pompe devant les médias. Mais il est difficile de vraiment savoir ce qui a été fermé, fermé puis rouvert ou fermé puis reconstruit à neuf sous un autre nom.

Des usines à seulement quelques kilomètres de la ville continuent de cracher une fumée épaisse et proprement écoeurante. En journée, c'est difficilement respirable. Les chiffres montrent que les usines de la ville continuent de produire en surcapacités, c'est-à-dire à perte, subventionnées par des prêts garantis par le gouvernement local.

Devant Delong Steel, mastodonte qui embauche 4.000 personnes, un panneau affiche en temps réel les émissions de l'aciérie qui se vante d'être dans les normes. Pourtant aucun contrôle indépendant n'existe pour vérifier ces chiffres. Ce géant coté en Bourse a été enjoint de fermer ses portes. Ordre resté lettre morte.

« On se contente de payer les amendes du ministère de l'Écologie, raconte quant à lui un travailleur dans une usine de verre lorsqu'on lui demande comment réagit son entreprise face à la pression écologique. Pour nous, ça n'a rien changé. »

À l'extérieur, une valse de camions pleins, puis vides se succède aux portes de l'usine.

« Le bureau local du ministère de l'Écologie n'a pas de pouvoirs. Il n'a aucun moyen d'imposer la politique de Pékin », selon Enrique Fang, qui travaille pour Greenpeace et a participé à l'élaboration du palmarès des villes les plus polluées du pays.

Administrativement, le ministère de l'Écologie doit prévenir une usine de sa visite vingt-quatre heures à l'avance et ne peut imposer une amende qu'au coup par coup. Les usines, souvent, activent un filtre ou ferment un haut fourneau le temps de la visite, puis reviennent à la situation normale une fois la visite terminée.

Les journaux locaux rapportent que certaines usines ferment, prennent les subventions et rouvrent quelques kilomètres plus loin. D'autres plaident leur cause - avec succès - auprès du gouvernement local qui a souvent des intérêts financiers chez les gros pollueurs. Un contact a annulé notre rendez-vous sous prétexte que tout le secteur de l'acier est contrôlé par le crime organisé. Il a peur des répercussions s'il parle à la presse.

Un gouvernement démuni devant la tâche immense

Appliquer à la lettre la politique de Pékin aurait un coût non négligeable pour la ville déjà lourdement endettée. À titre d'exemple, s'attaquer au plus grand pollueur de Xingtai, Jizhong Energy, réduirait les rentrées d'impôts de la ville de 10%. L'entreprise emploie à elle seule plus de 50.000 personnes dont la grande majorité à Xingtai. Si l'on prend en compte toutes les entreprises concernées, 200.000 licenciements sont en jeu, avec peu de possibilités de relocalisation et de formation.

Dans ces conditions, il est politiquement plus rentable pour la ville de continuer à subventionner ces aciéries que de les fermer. Un système économique parfaitement maîtrisé par la Chine qui, depuis 2008, a vu la dette des entreprises quadrupler. Début 2014, un tiers des usines d'acier, d'aluminium et de ciment étaient dans le rouge. L'industrie est deux fois plus endettée aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Le Premier ministre a lui-même laissé entendre à mots couverts que l'emploi ne devait pas être sacrifié. Il n'a aucune envie de voir affluer vers Pékin des milliers de nouveaux chômeurs. Un discours ambigu qui laisse de la marge à la province.

« Le vrai problème, c'est de traiter la pollution comme un problème économique dans son ensemble. Ce n'est pas simplement une question de fermeture d'usines », rappelle Enrique Fang, qui suggère par exemple d'intégrer les politiques économiques du Hebei, de Pékin et du port de Tianjin à proximité.

C'est bien ce que reproche le gouverneur du Hebei à Pékin. Il accuse le gouvernement de le laisser démuni devant l'immensité de la tâche. D'autant plus que la province est frappée de plein fouet par le ralentissement économique et la baisse des coûts des matières premières. La province a connu une croissance de 6,5% l'année dernière contre une moyenne nationale de 7,4%. Pour la première fois en trente ans, la production d'acier de la province a baissé en 2014.

Les embauches sont rares

Un rapide sondage parmi les employés de deux grandes usines d'acier autour de Xingtai permet de confirmer que les embauches sont rares. La presse locale rapporte que certains ouvriers ne sont payés que la moitié de leur salaire depuis six mois. Se rajoutant à une crise écologique, se profile aussi une crise des embauches.

« Il y aura des sacrifices, beaucoup de sacrifices, si Pékin veut réellement restructurer l'économie », explique Patrick Chovanec, ancien professeur d'économie à l'université de Tsinghua à Pékin.

L'année dernière, lors d'une tournée dans la province, le président Xi Jinping a lui même avoué que les changements doivent être mis en oeuvre coûte que coûte, même si « cela ira à l'encontre des intérêts de certains ».

Commentaires 4
à écrit le 08/06/2015 à 13:45
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C'est moi ou le nombre de coquilles dans l'article est aussi hallucinant que la pollution en Chine ? "un plan national contre la population a été voté" "quelques panneaux décimés dans la ville affichent des messages"

le 08/06/2015 à 18:19
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Du culot à un journal parisien pour écrire un article critiquant la pollution en Chine !! vraiment. Il suffit de regarder par la fenêtre de la rédaction pour se rendre compte du "smog" de Paris et de son odeur aux accents de diesel à la bergamote...

à écrit le 08/06/2015 à 13:20
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Xingtai, Paris, Milan…. le même combat !

à écrit le 05/06/2015 à 16:00
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Nous crions sur la Chine mais elle a une réactivité que nous n'aurons probablement jamais!!! Il suffit qu'elle décide une chose pour la mettre en application! et au jeu de l'écologie elle va plus vite bien plus vite que nous. Certains pays d’Amérique...

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