Plus de la moitié des stations de ski européennes pourraient faire face à un risque « très élevé » de manque de neige

Par latribune.fr  |   |  780  mots
La moitié des stations de ski du monde sont situées en Europe, où elles génèrent un chiffre d'affaires annuel de plus de 30 milliards d'euros. (Crédits : Pexels.com/ Toni Cuenca)
Le changement climatique en cours représente un défi considérable pour les stations de ski européennes dont 53% feraient face à un risque « très élevé » de manque de neige si la hausse des températures atteignait +2°C. Un chiffre qui grimpe à 98% dans le cas d'une hausse de 4°C. Et ce, même si elles recourent à la neige artificielle, laquelle génère par ailleurs des problèmes de consommation d'eau et d'énergie.

Pourra-t-on skier en Europe dans les décennies qui viennent ? Selon une étude parue lundi dans la revue scientifique Nature Climate Change, qui passe au crible 2.234 stations situées dans 28 pays européens différents, allant de la Turquie à l'Islande en passant par les Balkans, la Scandinavie, les Carpates et les Alpes, il apparaît que 53% des stations feraient face à un risque « très élevé » de manque de neige si la hausse des températures était de 2°C. D'autant que, selon le cinquième rapport annuel du Haut Conseil pour le climat paru fin juin, un réchauffement de 2 degrés est considéré comme quasiment inévitable pour l'Hexagone à l'horizon 2030, le pays enregistrant déjà un réchauffement de 1,9 degré au cours de la dernière décennie.

Lire aussiStations de ski : 2023, l'année du grand retour des touristes étrangers

À à 4°C, c'est presque la totalité des stations (98%) qui se retrouvent dans cette situation. En recourant à la production de neige artificielle, la proportion de stations à risque baisserait à 27% (hausse de 2°C) et 71% (4°C).

La neige de culture contribue à l'accélération du changement climatique

Mais la neige de culture a « peu d'effet » dans les domaines à faible altitude ou situés trop au sud, les températures trop élevées ne permettant pas de fabriquer de la neige de manière efficace. Par ailleurs, la fabrication de neige peut elle-même contribuer à l'accélération du changement climatique en raison de la forte demande en énergie qu'elle induit, relève l'article. Elle se traduit également par une hausse de la demande en eau.

« Cette étude montre que dans toutes les régions montagneuses d'Europe, le changement climatique à venir va conduire à des conditions de neige dégradées par rapport aux décennies précédentes, même si elles varieront d'une région à l'autre et à l'intérieur des régions », note l'un des auteurs, Samuel Morin, chercheur en physique de la neige.

En France, « le ski, c'est très politique »

Au final, le principal message de l'étude aux décideurs, « c'est que oui, la production de neige peut accompagner l'adaptation des stations de sports d'hiver et avoir un effet direct sur la capacité d'exploitation des domaines skiables. Mais cette solution n'est pas générique, ce n'est pas une solution miracle qu'on va pouvoir appliquer partout de manière systématique », explique à l'AFP l'auteur principal de l'étude, le chercheur grenoblois Hugues François.

« Le plus important à prendre en compte c'est l'hétérogénéité » des cas, y compris à l'intérieur d'un même massif. L'enjeu pour les décideurs est « d'aller vers des politiques plus ciblées ». En France, par exemple, poursuit le scientifique,  « les remontées mécaniques sont un service public », ce qui fait que « le ski, c'est très politique, il y a peu de régions en Europe dans lesquelles la puissance publique intervient de manière aussi forte qu'en France ». À ce modèle, la Suisse et l'Autriche, deux autres grands pays de ski, préfèrent des « formes d'aménagement pilotées par des syndicats locaux, de droit privé, avec une approche souvent plus pragmatique et sur le terrain des choses », estime-t-il.

Globalement, la moitié des stations de ski du monde sont situées en Europe, où elles génèrent un chiffre d'affaires annuel de plus de 30 milliards d'euros et représentent une manne très importante pour les économies locales, même si cela ne représente que 3% des recettes globales directes liées au tourisme en Europe, relève cette étude.

« Les glaciers des Alpes ont perdu plus de 50% de leur surface et de leur volume depuis 1900 »

Toujours en France, la question des coûts de l'énergie a été soulevée à l'occasion d'une table ronde, organisée à Villar-d'Arêne jeudi dernier. Dédiée à « l'économie du tourisme de montagne dans un contexte de changement climatique », elle s'est déroulée en présence de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie. « Dès 2050, 75% des glaciers français qui culminent à moins de 3.500 mètres d'altitude auront disparu quel que soit le scénario climatique, selon une étude publiée en 2023 », a rappelé pendant la table ronde Christian Vincent, chercheur à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE), laboratoire de recherche situé à Grenoble (Isère), affilié au CNRS. « Les glaciers des Alpes ont perdu plus de 50% de leur surface et de leur volume depuis 1900 », selon ce spécialiste. Pour Bruno Le Maire, ce « message d'alerte visible tangible et dramatique souligne la nécessité absolue d'accélérer la transition écologique ». Le ministre a aussi souhaité que les acteurs locaux « parviennent à trouver un équilibre entre valorisation et préservation de la montagne ».

(Avec AFP)