Pour Elisabeth Borne, la relance du nucléaire doit sécuriser « les besoins d'approvisionnement en électricité »

Par latribune.fr  |   |  779  mots
Pour Elisabeth Borne « la décision de relance du nucléaire a été prise sur la base de calculs de RTE montrant que d'un point de vue économique comme d'un point de vue de sécurité d'approvisionnement un scénario 100% renouvelable n'était pas soutenable ». (Crédits : Reuters)
Entendue jeudi par une commission d'enquête de l'Assemblée qui cherche à comprendre comment la France s'est retrouvée en situation de pénurie d'électricité cet hiver, la Première ministre Elisabeth Borne a expliqué qu'il « fallait rester modeste dans les prévisions » et que la réponse se traduisait « par le lancement de six nouveaux EPR et de la volonté de prolonger au-delà de 50 ans nos réacteurs nucléaires ».

Comment la France s'est-elle retrouvée en situation de pénurie d'électricité cet hiver, la contraignant à en importer ? C'est à cette question que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Elle vise également « à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France ». En cours depuis l'automne, elle rendra son rapport fin mars.

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Interrogée par les députés de cette commission, Elisabeth Borne a ainsi expliqué : On ne raisonne plus de la même façon puisqu'on a maintenant une vision beaucoup plus ambitieuse sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et donc sur les besoins de production en électricité. Et d'ajouter que « c'est ce qui a conduit le président de la République à annoncer le lancement des six nouveaux EPR et c'est ce qui nous conduit aujourd'hui à demander l'étude notamment à l'ASN (Autorité de sûreté du nucléaire) sur les modalités de prolongations au-delà de cinquante ans de nos réacteurs nucléaires ». Des projets qui ont un coût : la relance du nucléaire devrait ainsi coûter au moins 51 milliards d'euros pour les six premiers nouveaux réacteurs et environ autant pour la prolongation au-delà de 40 ans des réacteurs existants qui le peuvent, hors gestion des déchets.

Des scénarios difficiles à anticiper

La cheffe du gouvernement a aussi insisté sur les scénarios produits par l'entreprise gestionnaire du réseau électrique français RTE quand la décision a été prise, sous François Hollande, de réduire la part du nucléaire en France et de fermer des réacteurs, notamment Fessenheim en Alsace qui a effectivement fermé en 2020. « En 2014, les informations qui étaient à ma disposition, c'étaient les bilans prévisionnels de RTE » qui « prévoyaient une évolution de la consommation d'électricité stable ou en baisse », a-t-elle relaté. « On voit bien qu'on a depuis complètement réévalué ces scénarios (...) mais à l'époque il n'y avait aucune alerte sur un quelconque risque sur la sécurité d'approvisionnement », a-t-elle indiqué, admettant : « ça rend modeste sur les prévisions ».

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Elle a, en outre, affirmé que la décision de relance du nucléaire avait été prise sur la base des calculs de RTE « montrant que d'un point de vue économique comme d'un point de vue de sécurité d'approvisionnement un scénario 100% renouvelable n'était pas soutenable ». Et sans doute, sur la base des scénarios qui ont été produits par RTE, « on sera autour d'une production de 50% d'électricité d'origine renouvelable, 50% d'origine nucléaire. » Fin 2021, RTE a présenté six scénarios allant de 100% renouvelables en 2050 à un développement volontariste du nucléaire, présenté comme la voie la moins chère, de l'ordre de 10 à 20 milliards d'euros de moins par an.

Jamais la France n'avait produit en 2022 aussi peu d'électricité depuis 30 ans

En pleine crise gazière mondiale, alimentée par des craintes de rupture d'approvisionnement depuis la guerre en Ukraine et la fermeture des gazoducs russes, la France a dû également affronter en parallèle une crise électrique inédite en 2022. La production totale d'électricité s'est, en effet, effondrée à « son plus bas niveau depuis 1992 », quand la France comptait neuf millions d'habitants de moins qu'aujourd'hui.

Par rapport à 2021, cette production totale a reculé de 15%, principalement « en raison de la faible production nucléaire et hydraulique », a indiqué RTE dans un communiqué. Seulement 62,7% de l'électricité était d'origine nucléaire l'an dernier dans le pays, contre 69% en 2021 et plus de 70% auparavant en France. Malgré cette crise sans précédent depuis le choc pétrolier des années 70, « la France a montré sa résilience et sa sécurité d'approvisionnement a été garantie », a déclaré lors d'une conférence de presse Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE.

La France, comme ses voisins européens, a eu de la chance avec un automne et début d'hiver doux qui ont retardé l'allumage des radiateurs. En outre, « la mobilisation » volontaire des particuliers et entreprises, appelés depuis octobre à la sobriété par le gouvernement, a joué un rôle important, même si certaines industries énergivores ont aussi levé le pied sous l'effet de la flambée des prix de l'électricité, corrélés à ceux du gaz. Le pays a donc évité le scénario noir de coupures en fin d'année, grâce aussi aux importations d'électricité et à la remontée du parc nucléaire à l'automne.

(Avec AFP)