Prix contrôlés par l'État, production étranglée... EDF s'écroule en Bourse, JPMorgan conseille la recapitalisation

Par F.G., J.C. et M.G  |   |  609  mots
Photo d'illustration: Emmanuel Macron, en 2016 lorsqu'il était ministre de l'Economie, en visite sur le site EDF de la centrale nucléaire de Civaux. (Crédits : Reuters)
C'est un vendredi noir pour EDF. La conjonction d'une exigence de l'État (qui possède 83% du capital) d'augmenter le volume d'électricité vendue à prix très réduit aux fournisseurs alternatifs (pour ménager le pouvoir d'achat des consommateurs) et, d'autre part, de problèmes techniques réduisant le volume produit (ce qui empêche l'énergéticien d'engranger le bénéfice des hauts prix actuels du marché), place l'énergéticien français dans une situation financière intenable. Dès l'ouverture, à la Bourse de Paris, le cours de l'action effectuait un plongeon abyssal. La situation est telle que la nécessité d'une recapitalisation est évoquée.

[Article publié le 14.01.2021 à 11:30, mis à jour à 12:00 avec cours de Bourse]

Problèmes de sûreté multiples sur des réacteurs nucléaires, énième retard de la mise en service du nouvel EPR de Flamanville, facture de plus de 8 milliards d'euros pour payer les mesures du gouvernement destinées à limiter l'impact de la flambée des prix de l'électricité sur les consommateurs : tous les ingrédients d'un cocktail détonnant étaient réunis pour une dégringolade du cours de Bourse d'EDF, détenu 81% par l'État. Cela n'a pas manqué.

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Sans surprise, le cours de l'action du premier producteur français d'électricité a plongé de -23,46% vers 9h15 dans les premiers échanges à 7,92 euros, au plus bas depuis juin 2020. Le cours de l'action cotée à la Bourse de Paris sur Euronext (mais pas intégrée au CAC 40) se redressait un peu ensuite, ramenant la baisse autour de -18,6%, puis elle replongeait vers 9h40 à -22,78%. Le titre entamait ensuite une lente remontée jusqu'à ramener la perte à -15,79% vers midi, heure de Paris.

Entre contrôle des prix et problème techniques, EDF est dans une situation intenable

Le gouvernement a annoncé jeudi soir un relèvement du plafond volume d'électricité nucléaire qu'EDF vend à prix réduit à ses concurrents, afin de limiter la hausse des tarifs réglementés de l'électricité (TRV) à 4% au 1er février, et ainsi ménager le pouvoir d'achat des consommateurs en contenant la flambée des prix de l'énergie.

Cette mesure pourrait amputer l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) de 2022 du groupe d'"environ 8,4 milliards d'euros sur la base des prix de marché au 31 décembre 2021 et à environ 7,7 milliards d'euros sur la base des prix de marché au 12 janvier 2022".

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EDF prévoit une réduction de production de 30 TWh

Parallèlement, EDF a annoncé que l'un des deux réacteurs nucléaires de sa centrale de Penly, en Seine-Maritime, était lui aussi touché par un problème de corrosion sur le système de sécurité, déjà détecté ou soupçonné sur quatre autres réacteurs mis à l'arrêt. En conséquence, la prévision 2022 de production d'électricité nucléaire a été ramenée à une fourchette entre 300 et 330 térawattheures, contre une fourchette de 330-360 TWh auparavant.

Entre la contrainte étatique d'ajouter un volume de 20TWh d'électricité vendue à prix très bas aux fournisseurs alternatifs (même si celui-ci a été relevé de 42 à 46,20 euros le MWh) et la perte de production attendue de 30 TWh, EDF se retrouverait avec un total de 50 TWh en moins, qu'il ne pourrait donc vendre sur le marché "spot" où il profiterait des prix actuels de l'ordre de 200 euros le MWh. Cette conjonction des deux phénomènes place l'énergéticien dans une situation intenable.

Vers une nécessaire recapitalisation, estime JPMorgan

Pire, EDF devra acheter ce déficit de production sur le marché, ce qui se traduira par une hausse de ses coûts et augmentera encore l'impact des mesures gouvernementales, souligne J.P. Morgan dans une note d'analyse, ajoutant s'attendre à voir le groupe contraint de renforcer son bilan.

"Nous pensons qu'une augmentation de capital est probable à ce stade pour compenser la baisse importante de l'Ebitda à laquelle il sera confronté en 2022", explique la banque américaine.

La banque américaine note à ce sujet que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a assuré jeudi que l'Etat serait "aux côtés d'EDF pour les aider à passer cette difficulté".

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(avec Reuters)