Alors qu'elle dépend à près de 70% du nucléaire pour produire son électricité, la France peut-elle encore compter sur son parc historique ? En plein débat sur la relance de l'atome, c'est une question qui pourrait peser lourd dans la balance. Et pour cause, alors même que le pays n'a encore mis en service aucun EPR, l'éventualité d'un défaut générique sur plusieurs des réacteurs existants plane. Une perspective inquiétante, qui interroge sur les capacités du système électrique de l'Hexagone, et la disponibilité réelle de ses moyens de production.
EDF a en effet annoncé ce jeudi 6 janvier avoir détecté un défaut similaire dans le réacteur n°2 de Chooz (Ardennes) à celui qu'il avait déjà identifié dans les deux réacteurs de la centrale de Civaux (Vienne) à la mi-décembre.
« Les contrôles et expertises réalisés sur les portions de tuyauterie du circuit d'injection de sécurité du réacteur n°2 de Chooz ont permis de confirmer qu'il s'agit du même type de défauts que ceux identifiés à Civaux », a ainsi indiqué un porte-parole d'EDF à l'AFP.
Un événement qui pousse le groupe à prolonger de trois mois (jusqu'au 20 avril) l'arrêt du réacteur en question, privant le pays d'une partie de sa capacité nucléaire... au moment où il aura le plus besoin d'électricité.
Concrètement, pour le réacteur n°2 de Chooz, « la solution de réparation est en cours d'instruction » avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), précise-t-on chez EDF. Quant à l'autre réacteur de la centrale, le n°1, « les analyses des contrôles et expertises [y] sont toujours en cours », ajoute le groupe. Si celui-ci devrait théoriquement redémarrer le 23 janvier, l'inspection pourrait là aussi révéler une anomalie, ce qui conduirait également à la mise en place d'un délai supplémentaire. Les deux réacteurs de Civaux, pour leur part, ne devraient pas redémarrer avant fin mars et avril.
Une anomalie sérieuse "pas exclue sur d'autres types de réacteurs"
Pour rappel, le 16 décembre, c'est une fissuration du métal à proximité des tuyauteries du circuit de refroidissement découverte à Civaux qui avait entraîné la fermeture de la centrale, ainsi que l'arrêt « à titre préventif » de celle de Chooz, qui appartient à la même génération (la dernière, dite de « palier N4 »). Une décision « satisfaisante du point de vue de la sûreté », avait alors estimé l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), tout en précisant que le phénomène pouvait nécessiter « des contrôles sur les autres réacteurs nucléaires français ».
« Cela amène à se reposer des questions sur la performance des contrôles. C'est quand même une anomalie sérieuse, affectant un système de sûreté du réacteur qui permet d'injecter de l'eau en cas de brèche sur le circuit principal de refroidissement. Dans ce contexte, EDF mène des investigations : ils vérifient des dossiers de fabrication des soudures sur les différents paliers, et procèdent à des vérifications, notamment dans les centrales à l'arrêt du fait de visites décennales... En fait, ils ont du mal à expliquer pourquoi ce phénomène est survenu. Et tant que ce n'est pas expliqué, on peut pas l'exclure sur les autres types de réacteurs », précise à La Tribune Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN chargée du pôle Sureté des installations et systèmes nucléaires.
A court terme, la situation pourrait mettre en péril la sécurité d'approvisionnement électrique du pays, alors que les énergies renouvelables n'ont pas fourni autant de courant qu'escompté. En effet, la fermeture en plein hiver des quatre réacteurs de Chooz et Civaux, les plus puissants et les plus récents du parc français, retire à la France près de 10% de sa capacité nucléaire. Et intervient alors qu'une vague de contrôles s'abat sur le parc installé, après de nombreux reports des inspections du fait de la crise sanitaire.
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