Si la Russie coupe le gaz, le Qatar ne pourra pas sauver l'Europe à lui tout seul

Par Jérôme Cristiani  |   |  639  mots
Une division blindée des forces armées ukrainiennes lors d'exercices militaires à l'extérieur de Kharkiv, en Ukraine, le 31 janvier 2022. (Crédits : Reuters)
En cas de rupture de l'approvisionnement en gaz de l'Europe par la Russie, une conséquence prévisible si cette dernière envahit l'Ukraine, le ministre de l'Energie du Qatar a averti l'Union européenne que, malgré ses formidables réserves d'hydrocarbures, il ne pourra pas à lui tout seul compenser les dizaines de milliards de mètres cubes de gaz qui viendraient à manquer. Il est temps pour l'Europe de chercher de l'aide, une aide collective et internationale, a-t-il ajouté.

La sécurité énergétique de l'Europe ne peut dépendre du seul Qatar, et rien ne sert de déshabiller Pierre pour habiller Paul, c'est ce qu'a dit en substance le ministre qatari de l'Énergie, Saad bin Sherida al-Kaabi, à un responsable de l'Union européenne en lui expliquant que son pays le Qatar ne pourra pas sauver l'Europe à lui seul si Vladimir Poutine décide d'interrompre ses livraisons de gaz. Vu la flambée de tensions diplomatiques qui fait craindre l'imminence d'une invasion de l'Ukraine par la Russie, et le manège ces dernières semaines autour du gazoduc Yamal avec des flux d'approvisionnement qui repartent inopportunément en sens inverse, la menace qui pèse sur la sécurité énergétique de l'Europe se fait de plus en plus précise. Préparer la parade nécessitera un important effort collectif, il n'y aura pas de solution miracle.

| Lire: En livrant Pologne et Ukraine, l'Allemagne montre-t-elle à Poutine qu'elle aussi sait jouer avec le gazoduc Yamal?

C'est le message très clair que Saad al-Kaabi a adressé mardi, lors d'une visioconférence, au commissaire européen à l'Energie, Kadri Simson. Message en deux parties. D'une part, le Qatar est certes prêt à apporter son aide à l'Europe "en cas de besoin", de la même manière qu'il est "est prêt à soutenir [ses] partenaires du monde entier en cas de besoin", Saad alKaabi ajoutant qu'avant d'en arriver là, son pays espérait bien sûr que les tensions en Europe liées à l'Ukraine pourront trouver une solution diplomatique.

Mais d'autre part, a-t-il averti, « le volume de gaz dont l'UE a besoin ne peut être remplacé unilatéralement par qui que ce soit, sans perturber l'approvisionnement d'autres régions du monde. La sécurité énergétique de l'Europe nécessite un effort collectif de la part de nombreuses parties », selon lui.

De fait, il ne pourra pas compenser à lui seul donc un volume d'approvisionnement qui se compte en dizaines de milliards de mètres cubes de gaz (par exemple, 50,2 milliards de mètres cubes, rien que pour l'Allemagne livrés en 2021 par Gazprom qui approvisionne aussi l'Italie, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, le Danemark, la Finlande et la Pologne...

Les États-Unis cherchent des alternatives au gaz russe pour aider l'Europe

Pourtant, l'émirat du Golfe possède d'immenses réserves et il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié. Mais ce pays est au maximum de ses capacités de production et il doit déjà honorer des contrats à long terme avec l'Asie.

Lundi dernier à Washington, Joe Biden recevait l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad al Thani, au moment où Washington cherche à trouver, pour les Européens, des alternatives au gaz russe. Après avoir vanté l'étroit partenariat liant les Etats-Unis au Qatar, riche émirat gazier, le président américain a évoqué la possibilité que le Qatar approvisionne les pays d'Europe occidentale.

États-Unis, Australie... les pistes de secours de l'Europe

L'Europe ne peut obtenir des approvisionnements d'urgence que si les principaux clients d'Asie de l'Est parmi lesquels le Japon et la Corée du Sud acceptent que certaines de leurs livraisons soient réaffectées, estiment des experts.

Les Etats-Unis ont également discuté avec l'Australie de l'approvisionnement en gaz et pourraient fournir leur propre gaz naturel.

Des experts du secteur ont averti que les consommateurs européens, déjà sous le choc des prix élevés du gaz naturel, devraient payer encore plus pour obtenir des livraisons spéciales.

Mardi 25 janvier, pour faire pression sur la Russie et empêcher l'invasion de l'Ukraine, les États-Unis ont révélé une série de sanctions inédites qui ciblent des livraisons de gaz naturel russe en Europe. Ces sanctions américaines pourraient porter sur le blocage des investissements et des transferts de technologie.