Transition énergétique, « gilets jaunes » : ce qu'il faut retenir des annonces d'Emmanuel Macron

Par latribune.fr  |   |  1637  mots
Le président de la République Emmanuel Macron, ce mardi à l'Elysée. (Crédits : Reuters)
Le chef de l'Etat a présenté ce mardi matin sa stratégie pour la transition énergétique. Il a notamment annoncé la fermeture de 14 centrales nucléaires d'ici à 2035 ainsi que la mise en place d'une vaste concertation de trois mois et une fiscalité adaptée aux fluctuations des prix pour calmer la colère des « gilets jaunes ». Le ministre de la Transition Ecologique et Solidaire François de Rugy va recevoir cet après-midi, à la demande d'Emmanuel Macron, des représentants du mouvement de contestation.

C'était attendu. Le président de la République a dévoilé ce mardi matin, depuis l'Elysée et devant les 80 membres du Conseil national de la transition écologique, la «Programmation pluriannuelle de l'énergie» (PPE). Ce plan, pour une transition écologique « acceptable » selon les mots du président Macron, doit fixer dans la loi la politique énergétique française d'ici à 2028 et dessiner la marche à suivre d'ici à 2035. Dès l'entame de son discours, le président de la République a rappelé l'urgence de « bâtir un nouveau modèle productif, éducatif et social plus juste ».

« Pour être à la hauteur de cette immense responsabilité collective », il faut d'abord « ne pas changer d'avis, en assumant ses positions et actions", mais aussi "ne pas changer la vérité ». Raison pour laquelle, « j'ai voulu installer ce Haut Conseil pour l'action climatique qui doit permettre de rétablir des faits, de la vérité scientifique », a souligné Emmanuel Macron en évoquant la mise en place de cet organe dont le rôle sera de conseiller le gouvernement sur les questions liées à la transition écologique, en vérifiant que les engagements de réduction des gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables sont tenus, ainsi qu'en examinant des textes de loi à l'aune des questions climatiques et en écrivant des rapports.

Fermeture de 14 centrales nucléaires

S'agissant de la méthode adaptée pour mettre en place cette transition énergétique, Emmanuel Macron a expliqué qu'il fallait désormais « consommer moins d'énergie » et « construire de nouvelles formes de déplacement », tout en assurant qu'« en même temps, la voiture a un avenir en France ». Autrement, le président a fixé la fermeture de la centrale de Fessenheim à l'été 2020. Par ailleurs, 14 réacteurs nucléaires seront arrêtés d'ici 2035 dont 4 à 6 d'ici 2030 en plus de Fessenheim selon l'évolution des marchés de l'électricité et des systèmes électriques des pays voisins. Le chef de l'Etat a toutefois tenu à rassurer la filière nucléaire française : « réduire la part du nucléaire, ce n'est pas renoncer au nucléaire », a-t-il tempéré.

La version définitive de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) identifiera sur quels sites ces réacteurs fermeront et des rendez-vous seront organisés pour ajuster la feuille de route de fermeture des réacteurs, a indiqué le président français. Le chef de l'Etat a également acté la mise en arrêt de « l'ensemble des centrales à charbon sur nos territoires d'ici à 2022. »

Pas de nouveau EPR avant au moins 2021

Le président a également évoqué la question du mix électrique, un enjeu de taille en France, pays très dépendant du nucléaire. ll faut « cesser de produire des énergies carbonées », a-t-il martelé. Aussi, le président entend donner une forte impulsion au développement des filières solaire et éolienne. La puissance installée du parc photovoltaïque, qui était de 8,4 gigawatts (GW) fin septembre 2018, doit ainsi grimper à 40 GW en 2028, soit une multiplication par presque cinq. Celle de l'éolien terrestre, actuellement de 14,3 GW, doit passer à 35 GW, c'est-à-dire plus que doubler.

Par ailleurs, la France ne va pas décider dans l'immédiat la construction de réacteurs nucléaires de nouvelle génération EPR supplémentaires et attendra au moins 2021, a annoncé le président Macron. « Je demande à EDF de travailler à l'élaboration d'un programme de renouveau nucléaire en prenant des engagements fermes sur le prix, pour qu'ils soient plus compétitifs. Tout doit être prêt en 2021 pour que le choix qui sera proposé aux Français puisse être un choix transparent et éclairés », a-t-il dit dans un discours sur la transition énergétique à l'Elysée.

Le financement de cette stratégie de soutien aux énergies renouvelables va passer de cinq milliards d'euros, actuellement, « à sept à huit milliards d'euros ». « Nous concentrons nos efforts sur les énergies les plus compétitives et nous sommes exigeants avec les professionnels sur la baisse des coûts [...] L'Europe de l'énergie, ce sont des factures allégées pour les Français.»

Macron assure ne pas confondre « gilets jaunes » et casseurs

Le président a également eu des mots pour le mouvement des « gilets jaunes » évoquant « l'écho particulier » que prend son discours sur la transition écologique puisque « depuis plusieurs semaines, un mouvement de contestation parti du prix du carburant a grandi dans le pays.»

« Ce mouvement a donné lieu à des manifestations importantes et à des violences inacceptables dans l'Hexagone comme en outre-mer. Je ne confonds pas ces actes inacceptables avec la manifestation sur laquelle ils se sont greffés. Je ne confonds pas les casseurs avec les concitoyens qui veulent faire passer un message. »

Une concertation de terrain sur la transition écologique

« Nous devons entendre les protestations d'alarme sociale » mais « sans renoncer à nos responsabilités » car « il y a aussi une alarme environnementale », a estimé Emmanuel Macron qui annoncé que la fiscalité sur les carburants allait s'adapter aux fluctuations des prix afin d'en limiter l'impact pour les Français qui utilisent beaucoup leur voiture. Le dispositif sera discuté lors de l'examen, mi-décembre, en deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2019, a précisé l'Elysée. « Je refuse que la transition écologique accentue les inégalités entre territoires et rendent plus difficile encore la situation de nos concitoyens qui habitent en zone rurale ou en zone périurbaine ».

S'il a tenté de se justifier sur la hausse du prix de l'essence en arguant que 70% de l'augmentation récente des prix à la pompe sont liés à la flambée du prix du baril et non à la hausse des taxes, ce qui est vrai, le président a également reconnu que lui et son gouvernement n'avaient pas réussi à « inclure tous les territoires et toute la population, c'est vrai, et c'est ce que nous dit le mouvement actuel.» Aussi, Emmanuel Macron a annoncé une « grande concertation de terrain sur la transition écologique et sociale », qui doit permettre « dans les trois mois qui viennent » de répondre à la colère des « gilets jaunes » en élaborant des « solutions » et des « méthodes d'accompagnement ».

Cette concertation devra être déclinée sur tout le territoire et associer notamment associations, élus et « représentants des gilets jaunes ». Sur la question du mouvement en lui-même et des réponses à lui apporter, le chef de l'Etat a précisé qu'il entendait changer de « méthode » mais pas de cap.

De Rugy va recevoir des représentants des « gilets jaunes »

Fin du monde ou fin du mois, « nous allons traiter les deux », a assuré Emmanuel Macron, dans une référence à la nécessité de concilier les enjeux climatiques et sociaux évoqués par l'ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot.

Le mouvement de contestation actuel « ne se limite pas au prix des carburants », a reconnu le chef de l'Etat. « Je suis déterminé à reconnaître et prendre en charge les sentiments profonds qui se sont exprimés sur cette crise », a-t-il ajouté, évoquant « quelque chose qui vient de plus loin, et sans doute de plusieurs décennies ».

Emmanuel Macron a reconnu « une perte de sens de cette aventure collective qu'est une nation » et du « sens profond du consentement à l'impôt ». Il a jugé nécessaire de « rebâtir un contrat social » et s'est fixé pour objectif de trouver comment accélérer la baisse des impôts. « L'objectif est de pouvoir baisser plus rapidement les impôts et les taxes en construisant un service public plus performant », a-t-il déclaré. Par ailleurs, le ministre de la Transition écologique François de Rugy va recevoir ce mardi après-midi des représentants des « gilets jaunes » à la demande d'Emmanuel Macron, a indiqué l'Elysée.

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(Avec agences)