Michelin va supprimer jusqu'à 2.300 postes en France d'ici trois ans

Par Taimaz Szirniks, AFP  |   |  779  mots
(Crédits : Regis Duvignau)
Le groupe Michelin a présenté un « plan de compétitivité » qui prévoit de supprimer jusqu'à 2.300 postes en France sur trois ans. Dans le même temps, son président Florent Menegaux assure qu'il n'y aura « pas de fermeture d'usine » ni « aucun départ contraint ».

Quelques mois après l'annonce de la fermeture de l'usine Bridgestone de Béthune, et malgré de bons résultats, le pneumaticien français a annoncé ce mercredi 6 janvier une nouvelle coupe avec au total plus de 10% des effectifs concernés sur les 21.000 employés du groupe dans le pays.

Le président de Michelin Florent Menegaux a précisé à l'AFP qu'il n'y aurait « pas de fermeture d'usine, aucun départ contraint. Nous anticipons environ 60% de mesures de pré-retraites et 40% de départs volontaires, dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives (RCC) ».

De Clermont-Ferrand à Epinal en passant par Vannes et Troyes, cette nouvelle réorganisation concerne « tous les sites français du groupe », a précisé Florent Menegaux. « Michelin s'engage à recréer autant d'emplois qu'il y en aura de supprimés », a-t-il ajouté, que ce soit via le développement de nouvelles activités en interne ou l'installation d'autres entreprises sur les territoires concernés.

À travers ce plan, le Bibendum vise « une amélioration de sa compétitivité pouvant aller jusqu'à 5% par an » pour les activités tertiaires et pour l'industrie, ce qui pourrait signifier « d'ici trois ans une réduction de postes pouvant aller jusqu'à 2.300 ».

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"Surprise et colère"

La crise du coronavirus a retardé l'annonce de cette nouvelle restructuration en préparation depuis 18 mois, mais ne l'a pas causée, souligne le président de Michelin. La direction du groupe souhaite ouvrir "rapidement" des négociations avec les organisations syndicales autour d'un "accord-cadre d'une durée de 3 ans".

Les salariés sont partagés entre "la surprise et la colère", selon José Tarantino du syndicat CFE-CGC. « Nous attendions des réponses de la direction depuis fin octobre sur un projet concernant le tertiaire et nous avons là un projet beaucoup plus vaste et ambitieux qui concerne également le côté industriel, avec un chiffre impressionnant de suppressions d'emplois », a réagi le syndicaliste.

Pour Jean-Paul Cognet, de la CGT, « il y aura des négociations mais c'est comme un plan de sauvegarde de l'emploi, sans licenciements. La première année il y aura des volontaires mais après on connaît la méthode Michelin pour en fabriquer : ce seront des volontaires par dépit ».

« Avec les représentants du personnel nous serons particulièrement vigilants à ce que Michelin respecte ses engagements », a indiqué à l'AFP la ministre déléguée chargée de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher.

Le spectre de 1999

Récemment, le groupe soumis à la concurrence des pneus à prix cassés a supprimé près de 1.500 postes, notamment à son siège historique de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et aux États-Unis. Il a également fermé les sites de La Roche-sur-Yon (Vendée) et Bamberg en Allemagne.

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Plus loin dans le temps, Michelin avait déjà effectué en 1999 une coupe historique de 7.500 postes. Cette restructuration avait choqué l'opinion publique, poussant le Premier ministre d'alors, Lionel Jospin, à souligner qu'il ne fallait pas « tout attendre de l'État ». Edouard Michelin, alors tout jeune président du groupe, avait regretté une maladresse dans l'annonce du plan.

Le groupe va pourtant bien et prévoit des résultats positifs pour 2020 malgré la crise sanitaire. Le dividende distribué par action a été multiplié par trois depuis 2009. « Nous avons toujours distribué environ 35% de notre résultat », explique Florent Menegaux. « Il y a quelques années, on ne faisait pas de résultats, donc on ne distribuait pas de dividendes. Nos actionnaires ont continué à nous suivre pendant ces années-là, il est normal qu'ils soient rétribués pour le risque qu'ils prennent ». En 2020, « Michelin aura distribué 360 millions de dividendes, et 6,4 milliards d'euros en frais de personnel, dont 1,2 milliard en France », souligne-t-il.

Le groupe est confronté depuis une dizaine d'années à « l'arrivée massive de produits à bas coûts » sur le marché mondial du pneu, souligne dans un communiqué la direction de Michelin. « Michelin n'abandonne pas la France » et « va réinvestir une partie des économies réalisées dans le développement de nouvelles activités », assure Florent Menegaux.

Ses 15 sites industriels dans l'Hexagone se sont progressivement spécialisés dans les pneumatiques haut de gamme, agricoles, industriels, ou de compétition. En parallèle, Michelin poursuit « sa stratégie de localisation en France de nouvelles activités à forte valeur ajoutée », comme la pile à hydrogène, l'impression 3D, les colles ou le recyclage des déchets plastiques. À horizon 2030, Michelin souhaite que 30% de son chiffre d'affaires soit réalisé hors pneus.

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