La crise amplifie les fragilités des entreprises

Par Boris Cambreleng, AFP  |   |  758  mots
Guillaume d'Azémar de Fabrègues, à la tête de l'entreprise de conseil PMR Partners, entrevoit une "vague de défaillances, sans doute. Une vague de restructurations, certainement". (Crédits : GONZALO FUENTES)
Le répit apporté par le dispositif de prêt garanti par l'État risque d'être de courte durée pour certaines entreprises qui, endettées, craignent de ne pas survivre au choc économique provoqué par la pandémie de coronavirus.

"On a essuyé deux refus de PGE" alors que ce prêt garanti par l'État "pouvait enfin être pour nous une porte pour accéder à un financement": comme d'autres dirigeants, Philippe Baron témoigne auprès de l'AFP de la manière dont la récession accentue les fragilités des entreprises.

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"La crise a mis en évidence le fait qu'on était considérés comme une entreprise en difficulté", constate M. Baron. Parce que sa société de services informatiques ADN, fondée en 1993 et comptant un peu moins de 40 salariés pour quelque 3 millions d'euros de chiffre d'affaires, est en plan de continuation depuis mars 2015, "aujourd'hui on n'a accès à aucun système de financement".

Pourtant une partie des dettes ont été apurées depuis cinq ans et "la Banque de France nous a un petit peu remonté notre note grâce à de la communication avec eux, mais au niveau de notre bilan, on a des fonds propres négatifs", explique ce patron de PME.

Par chance, une partie des clients sont dans la pharmacie, dont le groupe Sanofi, et n'ont pas souffert de la crise. Mais "on sent bien qu'il y a une incertitude générale qui fait qu'on a moins de visibilité" et "on est quand même à -20%, -30% en termes de prises de commandes".

"Le PGE rajoute de l'endettement"

Même pour ceux qui ont obtenu un PGE, le rembourser ne sera pas toujours aisé, comme l'explique la patronne d'un fabricant de machines-outils des Pays-de-la-Loire, qui préfère garder l'anonymat par crainte pour sa réputation.

"On sera amené à le proroger. On a quand même eu deux mois de trou de commandes, ça fait 16% du chiffre d'affaires qui n'est pas rentré" à cause de l'arrêt de l'activité durant le confinement, détaille cette dirigeante qui a racheté fin 2018 son entreprise de 37 personnes, au chiffre d'affaires compris entre 4,5 et 5 millions d'euros.

Avant la crise, "on avait déjà un problème d'endettement" à la suite du rachat. "Le PGE rajoute de l'endettement, donc c'est ça qui crée l'inquiétude aujourd'hui", explique-t-elle.

Aujourd'hui l'activité est bien repartie. "On vit une période incroyable où on est débordé de boulot, mais on ne sait pas ce qui va se passer à la rentrée", souligne l'entrepreneure.

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Préférant prendre les devants, elle a, tout comme M. Baron, contacté un Centre d'information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP), une structure bénévole qui permet d'avoir un entretien avec un ancien juge de tribunal de commerce, un expert-comptable et un avocat.

Il faut "être paranoïaque"

Guillaume d'Azémar de Fabrègues, à la tête de l'entreprise de conseil PMR Partners, se définit comme un "dirigeant de crise" pour des sociétés en difficulté entre 50 et 500 salariés. "J'ai eu beaucoup de gens qui sont venus récupérer un peu d'information, mais pas encore de business généré", rapporte-t-il.

"L'impact du Covid fait qu'aujourd'hui une société doit s'intéresser non seulement à son marché, mais aussi au marché de ses clients": M. d'Azémar de Fabrègues conseille "d'être paranoïaque" pour détecter le moindre signe de fragilité chez ses clients.

"Imaginez que vous soyez fondeur de lingots de métaux et que vos clients soient essentiellement des restaurants. Votre marché habituel est lié au prix des matières premières, de l'énergie. Mais quand les restaurants disparaissent totalement, votre chiffre d'affaires s'effondre", prévient le consultant.

"S'il n'y avait pas eu le Covid, un de nos clients nous aurait passé beaucoup plus de commandes. Mais ce client-là travaille aussi pour l'aéronautique, et donc forcément, il a des problèmes avec ses clients" dans ce secteur, abonde M. Baron.

M. d'Azémar de Fabrègues relève par ailleurs "une certaine euphorie créée avec les PGE, à cause des charges sociales" reportées. "Tout ça il va falloir le payer. Même si c'est du crédit gratuit, ça va obérer le résultat des entreprises, leur capacité de financement" et il faudra "être extrêmement attentif au maintien de la compétitivité".

Pour l'avenir, il entrevoit une "vague de défaillances, sans doute. Une vague de restructurations, certainement".

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