Les « fintech » françaises, nouvelles coqueluches du capital-risque

Par Christine Lejoux  |   |  885  mots
Au premier semestre 2015, les investissements du capital-risque dans les fintech françaises ont été tirés par le crowdfunding (financement participatif).
Avec 56 millions d’euros levés au premier semestre, selon le cabinet EY, les fintech françaises font leur entrée dans le « top 5 » des secteurs de prédilection des fonds de capital-risque.

Il y a encore un an, elles faisaient figure de quasi-inconnues, tout au moins en Europe. Aujourd'hui, les « fintech », ces startups spécialisées dans les technologies financières, et qui se font fort de révolutionner l'industrie bancaire, semblent synonymes de terre promise pour les investisseurs. Au premier semestre, les fintech françaises ont ainsi fait une entrée, sinon fracassante, du moins remarquée, dans le « top 5 » des secteurs de prédilection des fonds de capital-risque. D'après les calculs du cabinet d'audit EY, sur les 759 millions d'euros investis par le capital-innovation dans des startups françaises au cours de la première moitié de l'année, 56 millions, soit 7% du total, sont allés à des fintech. Et plus particulièrement à des plateformes de« crowdlending », via lesquelles tout un chacun peut prêter de l'argent à des particuliers ou à des PME.

En témoignent la coquette levée de fonds de 31 millions d'euros réalisée par Prêt d'Union, auprès, notamment, d'Eurazeo, mais également les tours de table d'Unilend (8 millions), de Credit.fr (3 millions), de Lendix, ou encore de Finsquare. Les fintech françaises totalisent ainsi dix levées de fonds sur le seul premier semestre, pour un montant moyen très respectable de 5,6 millions d'euros. Cet enthousiasme des investisseurs pour le crowdlending français doit beaucoup aux « success stories » de l'Américain Lending Club, entré en fanfare à la Bourse de New York il y a un an environ, et du Britannique Funding Circle, cinquième prêteur des PME au Royaume-Uni, juste derrière les banques.

Le high-tech en tête des secteurs préférés du capital-risque

S'il est un autre secteur qui a le vent en poupe auprès du capital-risque, c'est bien la technologie (matériel informatique, semi-conducteurs, etc.). Les jeunes pousses françaises du high-tech ont levé 234 millions d'euros au premier semestre, soit 31% de la somme totale récoltée par les startups hexagonales, tous secteurs confondus. Une proportion qui place le high-tech en tête des secteurs préférés du capital-risque, un rang occupé ces dernières années par les sociétés de services Internet (178 millions d'euros levés). « Ces dernières années, la France a démontré sa capacité à créer des sociétés de très hautes technologies, en particulier dans les domaines des algorithmes et du big data, qui sont aujourd'hui le nerf de la guerre dans le secteur digital. Criteo [la pépite du ciblage publicitaire sur Internet, introduite sur le Nasdaq à l'automne 2013 ; Ndlr], a constitué un tournant, à cet égard », explique Franck Sebag, associé chez EY.

Certes, sur les 234 millions d'euros levés par le high-tech français, 100 millions sont à mettre à l'actif du Toulousain Sigfox, un opérateur télécoms spécialisé dans les objets connectés. Mais pas moins de 15 tours de table ont été bouclés ce semestre, dans la technologie, à l'image des 28,4 millions d'euros levés par Aledia (éclairage LED), ou des 25 millions engrangés par le fabricant d'audio haut de gamme Devialet.

« Les startups françaises présentent un attrait croissant pour les fonds de capital-risque étrangers, notamment américains et paneuropéens, grâce à leur capacité à transformer en business les excellentes formations d'ingénieurs qui existent en France »,

décrypte Franck Sebag. La preuve avec Sigfox, qui compte, entre autres, le fonds américain Elliott Management parmi ses actionnaires, aux côtés d'investisseurs hexagonaux tels qu'Idinvest Partners, Ixo Private Equity ou encore Bpifrance. Il faut d'ailleurs dire que la Banque publique d'investissement, présente dans de nombreux tours de table de jeunes pousses françaisrd, génère un effet de réassurance et, donc, d'entraînement auprès des autres investisseurs.

Vers une année 2015 record

A l'inverse du high-tech, les sciences de la vie font, de prime abord, pâle figure, ce semestre, avec 82 millions d'euros levés seulement, soit 11% du total, contre 24% un an plus tôt. « Le secteur des biotechs a été assez peu présent dans les investissements du capital-risque, au premier semestre. Cela correspond à un bas de cycle normal, nombre de biotechs ayant la capacité de lever de l'argent sur les marchés après le très grand nombre d'introductions en Bourse de l'année 2014 », nuance Franck Sebag. Ce dernier estime d'ailleurs que « les fonds de capital-risque devraient réamorcer la pompe de leurs investissements dans les biotechs, au cours des prochains mois. »

Un avenir proche qui s'annonce aussi radieux que la première moitié de l'année, Franck Sebag pronostiquant « une année 2015 record » pour les investissements du capital-risque en France. Lesquels s'étaient élevés à 897 millions d'euros sur l'ensemble de l'année 2014, et à  487 millions au second semestre 2013, objet de la première édition du baromètre de EY. Il est vrai que le troisième trimestre, traditionnellement assez pauvre en levées de fonds, trêve estivale oblige, a été très actif, cette année : Scality (stockage de données) a levé 45 millions de dollars (40 millions d'euros), Vestiaire Collective 33 millions d'euros, Slimpay (paiements récurrents), 15 millions, Lengow (gestion de catalogues produits pour le e-commerce), 10 millions, et, selon le site TechCrunch, BlaBlaCar, le leader du covoiturage, qui avait levé 100 millions de dollars voici un an, s'apprêterait à récidiver, avec un tour de table de... 160 millions de dollars (143 millions d'euros).