Pourquoi les sites de prêts aux PME montent en puissance

Par Christine Lejoux  |   |  957  mots
« Il existe aujourd'hui 45 plateformes de prêt aux entreprises, en France. Dans cinq ans, quatre ou cinq seulement auront émergé », prédit Thomas de Bourayne, directeur général de Credit.fr.
Outre-Manche, Funding Circle est le cinquième prêteur aux PME britanniques, juste derrière les banques. En France, une ETI vient d’emprunter 1 million d’euros via la plateforme de crowdlending Lendix, du jamais vu.

Un épiphénomène, le « crowdlending », un simple effet de mode ? N'en déplaise aux Cassandre, ce segment du crowdfunding, qui met en relation quasi directe PME en quête de financement et épargnants désireux de prêter leurs économies, monte en puissance. Outre-Manche, Funding Circle, née en 2010, est déjà le cinquième prêteur aux PME britanniques, juste derrière les banques, et vise la première marche du podium d'ici deux ans.

En France, le 22 juillet, l'ETI rhônalpine Saint Jean Industries a annoncé avoir emprunté la coquette somme de 1 million d'euros, via la plateforme de prêts en ligne Lendix, une première dans l'Hexagone. Peut-être cet équipementier automobile et aéronautique, qui emploie près de 2.000 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 184 millions d'euros, aurait-il emprunté encore davantage, si la réglementation du financement participatif n'imposait pas, précisément, un plafond de 1 million d'euros par projet.

Entrée en vigueur le 1er octobre dernier, cette réglementation a ouvert une brèche dans le monopole bancaire, en autorisant les particuliers à prêter aux entreprises. Une brèche dans laquelle se sont déjà engouffrées de nombreuses plateformes, comme Lendix, donc, mais également Credit.fr, Bolden, Finsquare ou encore Prêtgo. Celles-ci surfent sur la conjonction de deux phénomènes.

D'un côté, les trois quarts des patrons de PME et de TPE françaises constatent un durcissement des conditions d'accès au crédit bancaire, selon une récente enquête menée par la CGPME et le cabinet d'audit KPMG. De l'autre, les investisseurs - particuliers et institutionnels - recherchent désespérément du rendement, dans l'environnement actuel de taux très bas.

Un taux d'acceptation de 1% à 2%

Or, tandis que les délais de réponse des banques aux demandes de crédit des TPE-PME se comptent souvent en semaines, voire en mois, « il s'écoule trois ou quatre jours seulement entre le moment où nous recevons un dossier de demande de crédit et le moment où nous répondons », affirme Tristan Grué, fondateur et directeur général de Bolden.

« Nous nous engageons à répondre aux demandes de crédit en 48h et nous n'exigeons des dirigeants ni caution personnelle ni garanties sur le bien financé », renchérit Thomas de Bourayne, directeur général de Credit.fr. Une rapidité et une souplesse qui ne signifient nullement que les dossiers sont aisément acceptés, au contraire : « Notre positionnement est axé sur la sélectivité. Nous sélectionnons moins de 2% des dossiers que nous recevons », précise Tristan Grué.

Idem chez Credit.fr : « Depuis le lancement de notre plateforme, il y a quatre mois, nous avons reçu plus de 3.000 demandes de crédit. Nous en avons accepté une vingtaine. A terme, notre taux d'acceptation sera compris entre 1% et 2% », indique Thomas de Bourayne. Pour déterminer quelles seront les heureuses élues, Credit.fr passe les entreprises au tamis de 160 à 400 paramètres, tels que leur niveau d'endettement et la régularité avec laquelle elles règlent leurs fournisseurs.

Un exercice que Thomas de Bourayne connaît par cœur, lui qui a travaillé durant 13 ans au sein de l'organisme de crédit à la consommation Cofidis, avant de rejoindre Experian, une société spécialisée dans le scoring (évaluation du risque de crédit).

Quatre ou cinq acteurs émergeront réellement

En contrepartie de la célérité avec laquelle elles reçoivent une réponse à leur demande de crédit, les entreprises paient sur les plateformes de crowdlending des taux nettement plus élevés qu'au sein des banques. Ces taux sont en moyenne de 8 % chez Bolden, et ils sont compris entre 3,40% et 6,90% sur Credit.fr. A quoi il faut ajouter des commissions de l'ordre de 3%, prélevées par les plateformes sur les sommes collectées. Les prêteurs, eux, perçoivent un rendement équivalant au taux d'emprunt, défalqué d'une commission annuelle de l'ordre de 1%, facturée par les plateformes au titre de frais de gestion.

Ainsi, chez Bolden, les épargnants peuvent espérer en moyenne un rendement de 7%. Une rémunération certes sans comparaison avec le 0,75% que rapporte désormais le Livret A, mais le risque n'a rien à voir non plus, le taux de défaillance moyen des PME s'élevant à 1,3%, selon la Banque de France. « Notre cible, ce ne sont pas les entreprises refusées par les banques. Nous ne sélectionnons que les sociétés âgées de plus de quatre ans, afin de limiter le taux de défaut à 0,11% pour la catégorie la moins risquée, et à 0,50% environ pour la plus risquée », assure cependant Thomas de Bourayne.

« Les entreprises que nous avons financées avaient la capacité d'emprunter auprès de leur banque », confirme Tristan Grué. C'est le cas, notamment, de Feedback, un institut d'études marketing réalisant 20 millions d'euros de chiffre d'affaires et rentable depuis près de 20 ans, qui a récemment emprunté 25.000 euros via Bolden, afin de réduire sa dépendance au financement bancaire, les banques ayant les coudées moins franches pour prêter du fait des nouvelles réglementations relatives au renforcement de leurs fonds propres.

Mais le marché du crowdlending a beau être porteur, ses acteurs ne sont-ils pas déjà trop nombreux ? « Il existe aujourd'hui 45 plateformes de prêt aux entreprises, en France. Dans cinq ans, quatre ou cinq seulement auront émergé », prédit Thomas de Bourayne. De fait, Credit.fr estime qu'il lui faudra afficher 100 millions d'euros d'encours de crédits - contre 250.000 euros aujourd'hui - pour atteindre l'équilibre financier, d'ici trois ans et demi environ. Autant dire qu'il n'y aura pas de place pour un grand nombre d'acteurs.