Semi-conducteurs : l’Etat casse sa tirelire pour la nouvelle usine de Crolles, près de Grenoble (STMicroelectronics, GlobalFoundries)

Par latribune.fr  |   |  924  mots
Pour Bruno Le Maire, « le projet permettra d'ajouter pratiquement 6% de nouvelles capacités de production à la capacité européenne existante. » (Crédits : KEN CEDENO)
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dévoilé , ce lundi, le montant de l'aide d'Etat accordée à la nouvelle usine de semi-conducteurs de STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles, près de Grenoble. Un projet à 7,5 milliards d'euros qui s'inscrit dans le cadre du « Chips Act », le programme de l'Union européenne destiné à renforcer la place de cette dernière sur un marché dominé par les fabricants asiatiques.

[Article publié le lundi 05 juin 2023 à 07h27 et mis à jour à 13h49] C'est désormais officiel. Un projet de presque 7,5 milliards d'euros pour la création de 1.000 emplois. Bruno Le Maire a annoncé ce lundi le montant de l'aide d'Etat qui sera accordée à la nouvelle usine de semi-conducteurs de STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles, près de Grenoble.

« L'investissement total de ce projet, annoncé à l'occasion d'un déplacement du président de la République en juillet 2022, s'élève à près de 7,5 milliards d'euros, et bénéficie d'un soutien de l'Etat à hauteur d'un maximum de 2,9 milliards d'euros, indique le gouvernement dans un communiqué. Le soutien de l'Etat est provisionné dans le volet semi-conducteurs de France 2030, qui représente un total de 5,5 milliards d'euros sur cinq ans et qui permettra à la fois de doubler la production de puces en France d'ici 2028 et de déclencher près de 18 milliards d'euros d'investissements sur le territoire. Par ailleurs, si l'usine est plus rentable que prévu, une part de cette aide d'Etat sera remboursée aux autorités publiques. »

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Lundi, le ministre a signé avec les dirigeants du groupe franco-italien STMicroelectronics, Jean-Marc Chéry, et de l'Américain GlobalFoundries, Thomas Caulfield, les contrats relatifs à cette aide d'Etat, autorisée fin avril par la Commission européenne. Le montant de l'investissement s'élevait initialement à 5,7 milliards d'euros lors de l'annonce du projet en juillet 2022. Ni Bercy ni STMicroelectronics, interrogés par l'AFP, n'ont souhaité expliquer la différence.

« Le plus grand investissement industriel des dernières décennies »

Ce nouveau site constitue « le plus grand investissement industriel des dernières décennies, hors nucléaire », selon l'expression de Bruno Le Maire en juillet 2022. « Cette nouvelle unité de production soutiendra notre ambition de chiffre d'affaires de 20 milliards de dollars et au-delà » avait alors déclaré Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général de STMicroelectronics. À la clé, la création de 1.000 emplois.

En contrepartie, et « sur demande de l'Etat », STMicroelectronics et GlobalFoundries s'engagent à rendre prioritaires les commandes, « jusqu'à 5% des capacités annuelles de production, pour servir des besoins souverains, de sécurité nationale, ou des besoins spécifiques aux TPE et aux PME ».

L'Europe veut retrouver une place de choix

Cette future usine s'inscrit dans le cadre du « Chips Act », le programme de l'Union européenne pour qu'elle atteigne 20% du marché mondial des semi-conducteurs en 2030, ce qui signifie quadrupler la production européenne actuelle, et ainsi retrouver une place aux côtés de l'Asie et de l'Amérique dans la production mondiale.

Pour cela, le plan, qui a fait l'objet d'un accord entre les Etats membres de l'UE et le Parlement européen le 18 avril, assouplit les règles en matière de subventions publiques au secteur. Le Chips Act européen prévoit, en outre, de mobiliser au total 43 milliards d'euros d'investissements publics et privés dans la production de semi-conducteurs.

« L'Europe prend son destin en main. En maîtrisant les semi-conducteurs les plus avancés, l'UE deviendra une puissance industrielle sur les marchés du futur », s'était félicité le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, saluant ce texte ». L'idée est de « rééquilibrer et de sécuriser nos chaînes d'approvisionnement », insistait-il.

« Le projet permettra d'ajouter pratiquement 6% de nouvelles capacités de production à la capacité européenne existante », a souligné le ministère de l'Economie. « L'objectif est d'augmenter les capacités de production française de 620.000 plaques de semi-conducteurs par an à l'horizon 2028 ».

Seulement 10% de la production mondiale en Europe

L'Europe a vu sa part de marché chuter ces dernières décennies à moins de 10% de la production mondiale, tandis que s'aggravait sa dépendance à l'égard des producteurs asiatiques qui dominent le marché mondial: Taïwan (où sont produites 90% des puces les plus avancées dans le monde), Corée du Sud, et de plus en plus Chine.

Or, la pandémie de Covid-19, en paralysant les chaînes d'approvisionnement en Asie, a entraîné d'importantes pénuries de puces, au point de mettre en difficulté l'industrie automobile européenne - un électrochoc pour le continent. La pandémie et les tensions géopolitiques autour de la Chine ont fait prendre conscience de la nécessité de produire en Europe ces composants indispensables, et convaincu Bruxelles d'assumer une politique industrielle interventionniste dans un continent traditionnellement très ouvert à la concurrence mondiale.

« De l'eau, pas des puces »

Rassemblés sous le mot d'ordre « De l'eau, pas des puces », des manifestants - un millier selon les organisateurs, entre 500 et 800 selon les gendarmes - ont contesté début avril le projet d'extension de l'usine de Crolles. Le millier d'emplois promis « ne peut pas tout justifier », affirme un militant, qui questionne les choix en matière de partage de l'eau. « On affirme qu'il n'y a pas de problème de prélèvement d'eau, mais quid de l'avenir ? », s'interroge Sébastien Triqueneaux, chercheur dans un institut du CNRS de Grenoble et membre des Scientifiques en rébellion.

« Nos efforts nous ont permis de recycler 43% de l'eau utilisée à Crolles en 2022. En 2023, ST Crolles vise un taux de recyclage de l'eau de 49%. L'ambition du site est de passer à un taux supérieur à 60% et devenir un des premiers sites de semi-conducteurs en Europe à recycler ses eaux usées pour la fabrication d'eau ultra-pure », répond STMicroelectronics. « La totalité de l'eau utilisée est rendue à la nature, soit sous forme liquide après traitement (85%) soit sous forme d'évaporation (15%) ».

(Avec AFP)