Accor réplique à Booking avec sa propre plateforme de réservation en ligne

Par Lazslo Perlestein et Marina Torre  |   |  845  mots
Sébastien Bazin dirige Accor depuis 18 mois.
Pour contrer le site de réservation en ligne, le groupe va transformer sa plate-forme de distribution AccorHotels.com en place de marché ouverte aux hôteliers indépendants. Cette nouvelle stratégie s'accompagne de l'abandon du nom "Accor" pour "AccorHotels".
Article publié le 3 juin 2015 à 8h30, mis à jour à 13h04

C'est un peu comme si Air France vendait des billets d'avion d'autres compagnies, ou comme si Sodexo indexait des réservations et des critiques répertoriant des restaurants de quartier... Accor, rebaptisée AccorHotels, comme sa plateforme de réservation, ouvre cette dernière à des hôteliers tiers. Avec AccorHotels.com, disponible pour les clients à partir de juillet, elle devient donc une place de marché.

Tel un Monsieur Loyal de l'hôtellerie, Sébastien Bazin, le Pdg du groupe, est venu présenter ce nouveau produit à la pièce, tout de blanc vêtu avec, dans le dos, la nouvelle mouture du logo, une bernache devenue dorée. Puis, pour justifier sa décision stratégique, il a avancé :

"Dans la chaîne de valeur, il y a de nouveaux acteurs qui n'existaient pas il y a dix ans, qui gravitent autour de notre métier. Tous ces innovateurs ont une croissance extrêmement forte, des concepts extrêmement solides, un trafic de plus en plus important et une valeur qui, en dix ans, est très supérieure à ce que nous avons bâti en cinquante ans. Si vous avez quelques milliards à dépenser, il vaut mieux les mettre dans la chaîne de valeur en amont et en aval."

Innovation : en amont, toute !

En l'occurrence, ce ne sont pas des milliards, mais des millions - une rallonge de 20 à 25 millions d'euros aux 225 millions du plan digital annoncé en octobre est prévue.

Et c'est vers l'amont que se porte l'essentiel de l'innovation. Le groupe hôtelier français se donnant pour mission d'être présent au cours des 7 étapes clés que constituent un voyage : le rêve, la sélection, l'enregistrement, la préparation, le séjour, le partage et le retour. Une mission résumée par un nouveau slogan "Feel Welcome" ("Sentez-vous les bienvenus"), auquel le patron du réseau qui compte quelque 180.000 chambres ajoute "from the first clic" ("dès le premier clic").

S'occuper du premier des trois cercles d'audience

Surtout, il s'agit de rivaliser avec les nouveaux champions du numérique. Sébastien Bazin, qui dit s'être inspiré d'Amazon, définit leur audience en trois cercles, un premier, très large attiré par un "message"; un second, bien plus restreint, qui rassemble les clients potentiels; et enfin, un troisième, les clients, qui ne représentent que 2% du premier.

Son objectif : se concentrer non plus uniquement sur le dernier, mais également sur le premier, en augmentant et en commercialisant du trafic et des données.

"Vous avez connu les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), vous allez connaître les Batar : Booking, Accor, TripAdvisor et Airbnb)", s'est-il amusé.

La promesse de commissions inférieures à celles de Booking

Côté pratique, les données obtenues par la plateforme seront transmises aux hôteliers. Surtout, face à Booking.com, le groupe oppose la promesse de taux de commission inférieurs à ceux des agences de réservation en ligne et des pratiques "transparentes".

Lors de la présentation de cette plateforme à la presse ce 3 juin, Vivek Badrinath, actuel directeur général adjoint en charge du marketing, du digital, de la distribution et des systèmes d'Information -et ancien de chez Orange-, a commenté :

"Nous avons pour ambition d'avoir un système transparent et qui ne repose donc pas sur des enchères ou des reventes de position dans des listes."

Soit la réponse à quelques-une des récriminations des hôteliers indépendants. La direction du groupe français entend assurer "des conditions contractuelles simples, des contrats courts et une transparence".

Le "groupe Accor s'est joint à l'hôtellerie indépendante dans le débat autour des conditions contractuelles. Nous porterons l'obligation d'être cohérent", a-t-il  rappelé. La plateforme de réservation en ligne américaine imposait, parmi ses conditions, de proposer sur son site des prix au moins aussi bas que sur d'autres réseaux de réservation. Une pratique récemment condamnée par l'Autorité de la concurrence. Les hôteliers qui signeront chez AccorHotels devraient donc logiquement être libres de fixer des prix inférieurs sur leurs propres sites, par exemple.

L'argument de la frustration face à "l'hyperchoix"

Autre différence avec les sites de réservation en ligne du type Booking : la largeur de l'offre. D'ici à 2018, cette plateforme devrait accueillir plus de 10.000 références d'hôtels dans 300 villes et 92 pays, soit le triple de son volume actuel.

"Des études nous ont montré qu'une frustration naît de l'hyperchoix chez le consommateur. 200.000 hôtels, c'est beaucoup trop", a affirmé Vivek Badrinath.

Le premier critère de sélection sera ainsi la note de l'hôtel candidat obtenue auprès d'anciens clients, via un partenariat avec TripAdvisor. Le groupe étendra en outre à ces hôtels tiers son programme d'avis certifiés, obtenus après l'envoi d'un courriel aux clients ayant déjà effectué un séjour dans un établissement.

Des équipes du groupe devraient en outre se rendre sur le terrain pour évaluer par eux-mêmes la qualité des établissements.